Raymond Roussel

Fortuné, atypique et surdoué

Raymond RousselNé le 20 janvier 1877 à Paris il connaîtra une enfance heureuse aimé de sa mère et grâce à l’immense fortune de ses parents et grands-parents ; quand il se retrouvera seul à 34 ans, son héritage était de plusieurs dizaines de millions de francs-or. Il n’en était pas moins doué dans tout ce qu’il touchait :
virtuose du piano à 13 ans, compétiteur adulte au jeu de paume, médaille d’or et plus de 45 autres récompenses au tir au pistolet, brillant joueur d’échecs vers 50 ans, il inventera la martingale permettant le mat et qui sera publiée en 1932.
Hélas sur le plan culturel, il essuiera un cuisant échec à l’édition de son poème de plus de mille vers La Doublure, qu’il avait écrit en cinq mois à 19 ans. Plus tard lorsqu’il écrira trois pièces de théâtre, Impressions d’Afrique, Locus Solus et l’Etoile au front, il passera pour un auteur à scandales avec des scènes totalement farfelues et incohérentes qui désarçonnaient le public. On y voyait par exemple, un ver de terre joueur de cithare, un unijambiste qui joue de la flûte sur son propre tibia, une statue en baleines de corset roulant sur des rails en mou de veau, un roi Nègre costumé en Marguerite de Faust… les pièces finissaient en batailles rangées et étaient déprogrammées.

Certains artistes, comme le surréaliste André Breton, voyaient en lui un prodige, Breton le qualifiait de « plus grand magnétiseur des temps modernes ». Aragon disait qu’il a « La statue parfaite du génie » et Proust lui attribuait « un prodigieux outillage ».

Pour se consoler, il quitta Paris, fit le tour du monde en yacht : Inde, Australie, Chine, Japon, Amérique, quittant rarement sa cabine et se contentant des paysages.
Il se lança ensuite dans une construction incroyable, la première roulotte au monde dont il avait fait les plans ; un véhicule de plus de 9 mètres de long sur 2,30 mètres de large avec de luxueux agencements, un salon, une chambre à coucher avec un grand lit, une salle de bain, le chauffage électrique, un coffre-fort, des bois précieux et des glaces, la TSF qui captait toutes les radios européennes.
Pendant seulement un an, il se déplaça dans ce somptueux wagon routier avec un valet et deux chauffeurs qui couchaient à l’avant. Il se rendit à Rome, en Suisse et au Sud de la France. La roulotte fut visitée par le sultan Mouley Youssef, la princesse Laetitia Bonaparte, Mussolini et même le pape qui le reçut en audience pour le questionner sur ce drôle d’engins. Il gara ensuite cette maison roulante qui lui avait coûté la bagatelle d’un million de franc-or.

Il séjournait principalement dans l’immense villa de Neuilly où il décidait de prendre ses repas de la journée les uns à la suite des autres.
Il se mettait à table à 12h 30 jusqu’à 17h 30 sans interruption, commençait par son petit déjeuner complet, puis par son repas de midi, entrée, plats en sauces, fromages desserts. Puis il passait au goûter avec toujours trois entremets voilés de sucre tiède. Il finissait avec le souper, deux potages dont un aux légumes, poisson, foie gras, petite salade composée et encore deux entremets. Le repas comprenait ainsi de seize à vingt-deux services.

Il avait de nombreuses phobies dont la mysophobie, peur de la saleté et il avait un valet qui passait ses journées à nettoyer les poignées de porte ; il avait aussi la peur des dentistes, des serpents et des larmes coulant sur les joues des gens.
Pour que l’on ne sache pas qu’il était homosexuel, il s’abritait derrière un paravent féminin qu’il payait pour l’accompagner et avait un contrat tacite avec Charlotte  Dufrène une amie de la famille qu’il entretenait largement.

Il avait aussi peur de vieillir et en septembre 1931 à 54 ans il avait acquis une concession au Père-Lachaise et fait bâtir un monumental caveau de 32 cases  (un clin d’œil au jeu d’échecs) qu’il avait payé 350 000 francs. Déprimé et toxicomane, en juin 1933, il quitte Paris pour l’Italie et s’installe à Palerme à l’Hôtel des Palmes où Wagner avait composé Parsifal. Un mois plus tard alors qu’il devait la veille se rendre en cure de désintoxication en Suisse, il se suicida en absorbant une dose massive de barbituriques.
Toutes ses affaires finiront sur les marchés aux puces.
Échec et mat, fin de sa vie le 24 juillet 1933.

02 septembre 2022