Léo Trouilhet

Léo Trouilhet et Calor, suite et fin

Comme toujours, je place toujours les épisodes en sens inversé, le dernier en premier.

Léo Trouilhet, à la stature imposante, la voix chantante du midi et aux lunettes rondes comme celles de Marcel Achard, mettait l'Homme au centre de ses préoccupations ; il était un patron humaniste éloigné du paternalisme et avait un respect profond pour tous ses collaborateurs du plus petit au plus élevé dans la hiérarchie. Le respect était très réciproque.

Il possédait une force de vente en avance sur son temps. Outre la publicité, il vendait aussi bien aux quincaillers de son époque que chez les électriciens, les vendeurs de radio, les spécialistes d'électroménagers, les grossistes, dans les foires (Lyon, Paris...) et les salons en France ou à 'étranger.
Il fut l'un des précurseurs de la vente sur catalogue par correspondance.
Dès 1945, il organisait des démonstrations de groupe chez des particuliers qui deviendront les fameuses réunions "Tupperware" et mettait en place des enquêtes d'opinion. il pratiquait ce qu'on appelle "La stratégie de la séduction".

Exposition de peinture de leo trouilhetPour se délasser des soucis occasionnés par la direction son empire, Léo Trouilhet se ressourçait dans sa propriété de Moularès près d'Albi. Fin dessinateur et peintre, photographe avisé, il était l'ami de Jean Dulac, premier prix de sculpture à Paris et président de la Société lyonnaise des Beaux Arts, qu'il invitait, avec d'autres peintre lyonnais comme Couty, à l'Académie de peinture de Moularès qu'il avait créée. 

Il a légué une œuvre considérable de ses toiles exécutées à Moularès complétées par celles de ses voyages en Afrique du Nord où il était accompagné de Jean Dulac à la recherche des paysages grandioses et sublimes aux portes du Sahara ou dans les ruelles étroites de Rabat ou Marrakech.

Il quitta la direction de son entreprise en 1958. Calor était alors n°1 de l'électroménager et les couleurs de la France flottaient sur tous les continents. Il fut élevé au grade d'officier de la Légion d'honneur le 3 septembre 1958. Son neveu Maurice Trouilhet conduira la firme de 1959 jusqu'en 1977 même après la fusion avec le groupe SEB en 1972.

Le 3 décembre 1969, Léo Trouilhet s'éteint doucement à 88 ans dans sa maison de Moularès, le village où de grandioses funérailles eurent lieu pour entourer la famille du défunt.

Je précise que mes sources sont extraites de l'excellent ouvrage de Michel Loude Léo Trouilhet et Calor, l'éthique et le Progrès paru aux éditions Jacques André et Prix des canuts 2020 
28 février 2021

Industriel artiste peintre créateur de CALOR 1ère partie

Né le 23 avril 1881, à Rodez, Léo Trouilhet passa toute sa petite enfance et adolescence à Moularès, près d’Albi, élevé par la bienveillante tante Lucie  pour pallier l’absence fréquente de leurs parents très occupés par un négoce prenant.
Léo rejoint, à 16 ans, l’Ecole des Arts et Métiers d’Aix en Provence, puis, poursuit à Paris, à Supelec, un  cursus déjà imposant. Léo Trouilhet, doté d’un instinct divinatoire, avait senti que la fée électricité allait jouer un rôle déterminant dans le siècle qui s’annonçait. Ingénieur à 19 ans, il entre à la Société Visseaux de Lyon où il s’installe.
En 1917,  après 3 ans sous les drapeaux, et avoir participé à l’expédition des Dardanelles, Léo Trouilhet, malade des fièvres, est démobilisé et réformé. Il fait alors la connaissance de deux ingénieurs Deveau et Bagneux, précurseurs de l’entreprise Visseaux qu’il quitte avec ces deux partenaires. Il fonde la société Calor et il installe la petite équipe rue Centrale où ils relancent et améliorent le fer prototype de 1913. Rapidement quelques centaines de fers sont vendues.
Léo Trouilhet, observateur avisé de son époque, se penche sur les conditions de vie des familles dans leurs tâches quotidiennes et particulièrement celles des femmes qui assument tous les rôles, à la maison, comme  au sein du conflit : elles remplacent massivement les hommes enrôlés sur le front. Trouilhet constate une véritable mutation sociale. La force des progrès scientifiques pousse à des réalisations audacieuses pour créer un avenir mécanique où la facilité apportée par des objets pallierait la disparition des domestiques si nombreux avant-guerres : (bonnes à tout faire, palefreniers, cuisinières, valets, cochers….), lesquels, après le conflit, ont pratiquement  disparu.
Les objets fabriqués par Calor, à partir de 1918, vont  se substituer au manque de bras !
Léo Trouilhet, homme de grande rigueur, a su bâtir une solide organisation fondée sur un management dynamique, rationnel, et doté d’un souci constant humaniste : le bien être de ceux qui font l’entreprise : ses collaborateurs ! «
Je ne suis rien sans vous, je ne suis qu’un chef d’équipe qui tire tout le monde vers le haut… répétait-il souvent, l’entreprise n’est rien sans ses employés… »
Bien avant les lois sociales de 1936, le patron de Calor avait songé à verser des  primes pour les mariages, des allocations maladie, des allocations pour les retraites. Un management social, dépourvu de paternalisme, dans le droit fil de ces patrons humanistes de la fin du XIX° siècle  les Chauchard, Boussicot ou autre Godin.
À cela s’ajoutent, la célébration des Fêtes du Travail, le 1° mai, les congrès, les anniversaires qui rassemblent toute la société Calor pour des bilans ponctuels, la présentation des nouveaux modèles. C’est  surtout un moment de fraternité entre tous les personnels de Calor confondus. Un journal d’entreprise avec photos et reportages, achève de souder la famille Calor. De la même façon, les traditionnels arbres de Noël sont un moment attendu par les petits comme pour les grands !


Suzy calorAu début du XX° siècle, on se méfiait de la publicité. On pensait que si produit est de bonne qualité, point n’est besoin de publicité ! Léo Trouilhet pense le contraire, et une fois de plus, il se veut visionnaire :
« 
Comment peut-on penser qu’on vous achètera un produit si vous ne le faites d’abord connaître ? » Il se lance dans des campagnes d’affichage qui ont marqué l’histoire de la publicité.
Il engage, à partir de 1922, Georges Favre, le créateur de «  la petite Suzy », véritable mascotte de la maison Calor pendant des décennies, déclinée non seulement sur de grandes affiches, mais aussi sur tous les catalogues de vente, les bons de commande, les notices techniques etc.
La petite Suzy symbolise la jeune soubrette délurée, femme-enfant au comportement ingénu, avec son grand nœud dans les cheveux. Elle repasse, aspire, cuisine avec aisance. Elle symbolise la paix retrouvée, l’air nouveau qui souffle après la violente déchirure de 14/18. Femme moderne au foyer, elle est le modèle de la maîtresse de maison libérée des contraintes domestiques grâce à l’évolution technique. 

«  Moins de travail, plus de loisirs » tel est le message lancé par celle que Léo Trouilhet appelait parfois « Mademoiselle Calor» ou « Suzy Calor »

26 février 2022