Deschanel président sénateur

Une sensibilité exacerbée

Député d’Eure-et-Loir, il restera célèbre pour avoir provoqué en duel à l’épée, le grand Georges Clemenceau, le futur « Père la Victoire » à cause de divergences de vues, sur le scandale financier de Panama. Le duel a lieu à Boulogne-sur-Seine et tourne rapidement à l’avantage du Tigre, colosse et fine-lame qui va blesser le Député au visage, le contraignant à l’abandon.
Paul Deschanel présidentSur le plan sentimental, il était aussi très différent des autres hommes ; il resta chez ses parents jusqu’à l’âge de 46 ans, lorsqu'il épousa Germaine Brice de Viel qui lui donna trois enfants. Il passait pourtant pour un séducteur : séduisant, de grands yeux bleus, une moustache frétillante, un sourire charmeur, une voix chaleureuse et il vouait une attention maladive à sa tenue toujours parfaite : redingote, plastron de satin noir, chemises immaculées, soulier vernis.
Persévérant et travailleur acharné, le 17 janvier 1920, à 65 ans, il sera élu à la présidence de la République. Il venait d’avoir sa revanche en battant son grand rival, Clemenceau, de 19 voix. Malheureusement pour lui, les grilles dorées de l’Elysée, vont se révéler les portes de l’enfer.
L’opinion publique ne verra dès lors, que son côté farfelu ou le plus fou avec ses frasques relayées par les médias.
À peine intronisé, lors des inaugurations ou remises de médailles et décorations il remettait ses dernières avec de grands gestes théâtraux, il serrait dans ses bras les poilus mutilés, il agissait sans retenue ni solennité comme l’exigeait le protocole.
En plein milieu d’un banquet offert à l’hôtel de ville, il quitta le repas d’un seul coup sans prévenir, d’un air maussade. À Nice, il répondit à la foule qui l’applaudissait en envoyant des baisers du bout des doigts et en agitant frénétiquement ses gants blancs et son haut de forme. Ce même jour il répètera deux fois son discours.
L’affaire arriva à son paroxysme avec sa chute du train. Il prit alors un peu de repos au château de Rambouillet où, sous l’œil ahuri du jardinier qui venait de prendre son service, Deschanel entra à moitié nu dans le bassin aux carpes jusqu’à la moitié du corps. Les services de l’Elysée, interceptèrent certaines lettres et documents qu’il signait… Napoléon !
C’en était trop, malade, déprimé, il remit sa démission en septembre 2020 après seulement sept mois d’exercice de son mandat. Il partit se soigner trois mois au sanatorium de Rueil-Malmaison. Surmenage, dépression, mais surtout désillusion car il ne supportait pas de n’avoir aucun pouvoir ; à cette époque, le pouvoir était concentré dans les mains du président du Conseil, et Paul n’était bon qu’à inaugurer les chrysanthèmes. Il va guérir et reviendra en politique en étant élu au premier tour, sénateur d’Eure-et-Loir en janvier 1921. Ayant repris du poil de la bête, il préparait un discours où il entendait critiquer la toute-puissance du chef de Gouvernement face à la présidence de la République. Le destin lui était décidemment défavorable car il attrapa la grippe et mourut brutalement le 28 avril 1922 à Paris.

Tout ceci ne doit pas nous faire oublier que Paul Deschanel fut entre autre, en faveur de la loi de séparation des Églises et de l’État, de l’abolition de la peine de mort et surtout qu’il fut l’instigateur de la création de tribunaux spéciaux pour enfants et du régime de liberté surveillée.

14 octobre 2022