L'âme de l'Europe

La Grand-Mère fondatrice

L'Europe ne connaît que des pères fondateurs, mais elle avait sa " Grand-Mère ". Journaliste pacifiste, féministe, romancière, mémorialiste, cinéaste, femme d'influence et eurodéputée.
Louise Weiss a vécu toutes les aventures de son siècle.

Une femme au courage exemplaire

Louise Weiss est née le 26 janvier 1893 à Arras où son père était inspecteur des mines.
Louise est reçue durant l’été 1914 à l’agrégation de lettres classiques. Elle écrit ses premiers articles pour Le Radical, le journal d’un ami de son père, le sénateur Julien Perchot. Le 12 janvier 1918 à 25 ans, dans un Paris vidé par les bombardements, elle lance le premier numéro de son journal, L’Europe nouvelle, décidant de « 
faire la guerre à la guerre » selon la volonté de Wilson, le président des Etats-Unis.
C’est un hebdomadaire d’influence lu dans toutes les chancelleries. La jeune rédactrice en chef compte sur son carnet d’adresses prestigieux des plumes de premier plan comme Aristide Briand, Léon Blum ou Edouard Herriot qu’elle réunit autour d’elle.
Louise Weiss en 1928Elle se donne une tribune à la mesure de sa passion et publie son premier livre La République tchécoslovaque.
Le 28 juin 1919 elle assiste à la signature du Traité de Versailles et lucide, elle en repart avec le sentiment d’un rendez-vous manqué. Elle entame alors, seule un long périple qui la pousse jusqu’à Moscou où elle affronte Léon Trotsky, et se laisse séduire par ce qu’elle appelle « l’intelligence de feu » d’Alexandra Kollontaï, théoricienne de l’émancipation sexuelle. Elle arrache aux griffes du « 
tsar Famine » cent-vingt-cinq institutrices françaises piégées au service au service des grandes familles dépossédées par la révolution d’Octobre pendant que ses reportages paraissent en première page du Petit Parisien qui tire alors à plus d’un million d’exemplaires.

À son retour, elle mène durant les Années folles, un train d’enfer pour l’Europe, au service de la politique d’Aristide Briand qu’elle accompagne à la société des Nations à Genève, centre de gravité de la politique mondiale. En 1930, celle qu’on appelle la Dame de Genève crée une Ecole de la Paix qui essaime dans toute l’Europe avant que, selon ses dires, le national-socialisme ne « calcine le terrain ».
En 1934 sentant la paix compromise par le réarmement allemand, Louise Weiss abandonne la direction de l’Europe Nouvelle après avoir signé le 3 février cet ultime mise en garde : « 
On ne pactise pas avec Hitler. »

Droit de vote Louise Weiss 1934Elle crée l’association La Femme nouvelle qui multiplie les coups d’éclat médiatisés, et notamment le 6 octobre 1934, elle ouvre sur les Champs-Elysées une boutique où elle prépare avec des amies dont les trois célèbres aviatrices : Maryse Bastié, Adrienne Bolland et Hélène Boucher, les tracts et manifestations pour le droit de vote de cette grande inconnue : la femme française. Ce n’est que dix plus tard, le 21 avril 1944, que les femmes obtiendront en France le droit de vote.

Elle crée en 1938 un Comité des Réfugiés pour les émigrés qui fuient les régimes totalitaires. Dès le début de la guerre elle entre en résistance sous le nom de Valentine agent 1410 et signe Louise Vallon, ses articles dans le journal clandestin La Nouvelle République du réseau Patriam Recuperare.
Elle assiste au procès de Nuremberg, puis en 1946, avec Georges Bourdelon, jeune opérateur, elle parcourt le monde pour remonter « 
aux sources des civilisations » où en quinze ans ils réalisent trente films documentaires.

En 1971 Louise obtient à Strasbourg la création d’une chaire de polémologie et d’un institut qui décerne un prix pour « l’avancement des sciences de la Paix et l’amélioration des relations humaines. » 
Parmi les lauréats, le chancelier allemand Helmut Schmidt, en 1977, la baptise affectueusement « la Grand-Mère de l’Europe ».
Le 17 juillet 1979, elle devient la doyenne du Parlement européen élu au suffrage universel dont elle prononce le discours inaugural. Présidente d’un jour elle connaît la joie d’
une vocation de jeunesse miraculeusement accomplie.
Elle s’éteint le 26 mai 1983 à 90 ans.
Une grande dame qui, toute sa vie, a donné de belles leçons de courage, européenne convaincue au service de la Paix, partisante de l’égalité du droit des femmes et du soutien aux opprimés.

27 mai 2021