Le Radeau de la Méduse

La tragédie et le tableau

Au Louvre, en 1819, un inconnu de 28 ans Théodore Géricault fait scandale avec une œuvre intitulée Scène de naufrage. Pour la première fois un peintre se fait l’écho d’un fait divers tragique qui a ébranlé la monarchie. L’histoire de la réalisation de ce tableau est aussi extraordinaire par son réalisme outré, voulut par l’artiste. Mais revenons sur la tragédie.

Depuis 1815, la seconde Restauration place Louis XVIII sur le trône, et l’Angleterre restitue à la France son ancienne colonie du Sénégal. Il s’en suivit que le 17 juin 1816, la frégate La Méduse appareille de l’île d’Aix pour rétablir la domination coloniale française à partir du port sénégalais de Saint-Louis. Elle mène une flottille de trois autres bâtiments, le navire de combat Loire, le brick Argus et la corvette Echo. À son bord se trouvent environ 400 passagers, dont le colonel Julien Schmaltz, nouveau gouverneur du Sénégal, ainsi que des scientifiques, des soldats napoléoniens, des troupes coloniales, dont des asiatiques, et des colons.

C’est le commandant Hugues Duroy de Chaumareys qui est nommé capitaine de la Méduse en dépit du fait qu'il n'a plus navigué depuis plus de vingt ans. En voulant prendre de l'avance et en dépassant les trois autres bateaux, la frégate dévie de sa trajectoire de 160 kilomètres et quitte donc la route prévue. L’incompétence du commandant est telle que le 2 juillet 1816, La Méduse s'échoue sur le banc d’Arguin, des hauts-fonds, au large des côtes sénégalaises.

Copie du tableauLes chaloupes sont prises d’assaut par les privilégiés. On construit un radeau de vingt mètres sur sept, sur lequel vont s’entasser 152 personnes, avec promesse de les remorquer jusqu’à la côte toute proche. Mais les amarres sont rompues et le commandant de Chaumareys décide d'abandonner à leur sort les passagers du radeau qui dérive seul vers le large. Fautes de vivres, on sacrifie les plus faibles. Les hommes renient leur humanité en se livrant même au cannibalisme.
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Au bout de douze jours, les hommes aperçoivent la voile minuscule d’un bateau. Les naufragés tentent de se signaler, mais la voile se gonfle en sens inverse éloignant leur embarcation du navire. La mer est grosse, le ciel inquiétant, le désespoir gagne les rescapés. C’est la fin de cette terrible odyssée que donne à voir Géricault, même si la peinture n’est pas réaliste, car les hommes sont propres et les muscles saillants. Pas de sang, alors que les naufragés, brulés par le soleil, dérivaient sur une mer d’huile.

Mais c’est ce qui fascinait les foules, car chacun connaît l’issue de l’histoire. Sur quinze rescapés seuls dix survivront lorsque l’Argus apercevra enfin le radeau.
Dans son tableau, Géricault dénonce l’arrogance de la France aristocratique, dans une œuvre outrée au romantisme noir symbole de la tourmente des naufragés, de la tourmente politique et artistique qui hisse Le Radeau de la Méduse au rang de chef-d’œuvre.
Précisons que le 3 mars 1817, le commissaire du roi, le président de la cour martiale condamnera Chaumareys à trois ans de prison pour incompétence et indignité.
Le tableau qui noircit de plus en plus, connaîtra une copie réalisée en 1859 laquelle se trouve actuellement au musée de Picardie d’Amiens. ? la mort de Géricault, en 1924, personne ne veut acheter le tableau original scandaleux. Son ami Dedreux Darcy parviendra quand même à le faire admettre au Louvre.

Pour finir sur une note plus gaie, disons que Le Radeau de la Méduse a été utilisé dans un album d’Astérix, par des caricatures du Canard Enchaîné, dans la chanson les Copains d’abord de Brassens et un film, reprenant la tragédie et la création du tableau, fut tourné en 1991 par Iradj Azimi et sorti sur écran seulement en 1998. Laurent Terzieff jouait Géricault et Jean Yanne tenait le rôle du commandant Chaumareys.

Asterix et le radeau