Cyrano Académicien !

Edmond Rostand à l’Académie française.

Article de presse du 5 juin 1903
 
Edmond Rostand– « Jamais peut-être on avait vu à l’Académie française un tel enthousiasme juvénile. Une longue ovation salua le discours du récipiendaire, l’interrompit à chaque instant : ce fut un peu la première de Cyrano !...L’assistance était plus brillante et mieux ornée que jamais.
Certes les réceptions d’hiver, toutes en fourrure superbes, sont belles, d’une beauté grave et sérieuse, mais il y a plus d’allégresse et de gaité aux réceptions estivales : tout l’éclat de la saison joyeuse.
Et pas de visages moroses ! Les personnes un peu maussades, qui quelquefois composent le public de ces nobles fêtes, n’étaient pas là : ou bien, si elles y étaient, elles avaient laissé dehors leur maussaderie.
On était jeune, ainsi qu’il seyait, et content.
Et l’Institut, lui aussi, rayonnait, comme s’il se sentait agréablement rajeuni par l’arrivée précoce du poète. De vieux savants dont la mine habituelle est dépourvue d’entrain, ragaillardis, riaient et se louaient de ce beau jour. »

Nom d’un rat ! Le journaliste qui a suivi le discours a été subjugué à son tour. J’aurais bien aimé, moi aussi, être présent pour faire cinq sous à ‘’Cyrano’’ et j’aurais écrit un article en parodiant la tirade du nez.

Henri de bornierEdmond ROSTAND a été élu par l’Académie française à la place laissée vacante par la mort de M. le vicomte Henri de BORNIER ; il a prononcé un discours étincelant, resté dans les annales, un éloge magnifique et très explicite sur son prédécesseur. Vous en avez la retranscription intégrale sur le fichier PDF que je vous propose. Vous pouvez le télécharger, l’éditer et le lire tranquillement. C’est aussi beau que la pièce de Cyrano que j’ai déjà vu plusieurs fois sans m’en lasser. Discours de Rostand 1903

Soulignons que M. de Bornier avait été élu membre de l’Académie en 1893 : il était opposé à Émile Zola. Son plus grand succès littéraire  avait été la pièce de théâtre « La fille de Roland » restée  trois mois à l’affiche de la Comédie Française avec Sarah Bernhardt dans le rôle principal. Le thème en était les amours de Berthe, la fille du chevalier Roland, avec Gérald, le fils du traitre Ganelon et un vers prononcé par Charlemagne est resté célèbre : « Tout homme a deux pays, le sien et puis la France. »

Quatre mois plus tôt, c’était Sarah Bernhardt qui était glorifiée dans un article du 8 février 1903, le journaliste écrivait : 
Sarah bernhardt 1903 — « Madame Sarah Bernhardt, nous conviait à la reprise d’’Andromaque qui avait un double attrait. D’abord parce que la grande artiste, dont l’éclatante interprétation de l’infortunée veuve d’Hector est encore présente dans nos mémoire, apparait cette fois dans le rôle complexe et périlleux d’Hermione et ensuite parce qu’elle a confié au maître Saint-Saëns, l’écriture de la musique de scène de la tragédie de Racine. Madame Sarah Bernhardt a réalisé pour cette reprise une mise en scène délicieuse où, par les baies ouvertes sur la mer bleue, l’œil perçoit un lointain horizon perdu dans les brumes indécises. Et c’est ainsi qu’Andromaque, dont la beauté nous parut rajeunie, constitue un spectacle de haut goût. »

Je confirme que les journalistes de l’époque possédaient un réel lyrisme d’écriture pour évoquer les artistes qui se produisaient. Sommes-nous capable aujourd’hui, à l’instar de ces maîtres de la plume, de nous émerveiller encore ? Ne sommes-nous pas plus exigeants que bienveillant, plus soucieux des défauts qu’admiratif des qualités. En ce qui me concerne, mon plaisir est de continuer de faire travailler vos zygomatiques par le sourire plutôt que la grimace.