Ted Rambo

Ted Kotcheff réalisateur de Rambo en 1981

Voici le contenu du Billet de Thomas Baurez, cinéphile, rédacteur à Première.fr qu’il a eu la gentillesse d’écrire dans le journal du 20 octobre 2019 du Festival Lumière 2019.

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Journal 2019 10 20Ted Rambo

Puisque Rambo a récemment refait surface en 2019 plus musclé et expéditif que jamais, il me vient un souvenir Lumière 2015, le père du sombre héros, éternel crucifié d’une Amérique qu’il a toujours traversée comme une ombre maudite, est à Lyon. Pas Sly, Ted. Ted Kotcheff, grand gaillard d’alors 83 ans, est un cinéaste canadien dont la carrière a été marquée au fer rouge par le premier Rambo, First Blood, en 1981.

Au  Festival Lumière de Lyon, l'homme était tout de même venu se décrotter un peu les rangers et a laissé momentanément son encombrant héros au vestiaire. Il a présenté son troublant  Wake in Fright  (Réveil dans la terreur, en VF), sorti en 1971, un survival autour d’un pauvre bougre coincé dans l’outback australien.
Le film peut d’ailleurs se lire comme un prélude à  Rambo, réalisé dix ans plus tard. Un film fiévreux à (re)découvrir dans un bel écrin vidéo - attention auto-promo - à la boutique Lumière. Mais en 2015, tout ramène forcément Ted à Rambo. L’homme s’en accommode bien volontiers.

Je l’interroge. Il répond avec une gentillesse non feinte et laisse poindre une certaine gravité en rappelant le contexte de l’époque 1981, l’arrivée de Ronald Reagan au pouvoir et un sursaut patriotique peu compatible avec les aventures de ce proscrit revenu traumatisé de la guerre :
« les vétérans du Vietnam étaient alors des pestiférés. Pour la droite, ils symbolisaient la défaite ; pour la gauche, des jeunes qui avaient participé à une sale aventure.  Beaucoup d'entre eux ont fait des tentatives de suicide. » 
Et Sly alors ?
« Personne n’en voulait. Stallone, c’était Rocky Balboa. Les studios souhaitaient capitaliser sur cette saga et ne pas courir le risque de casser son image avec cet antihéros !  » 

Ted a toutefois réussi à l’imposer. Il n’a pas regretté : « Sur le tournage, il était torse nu par  -10 °C. Difficile de trouver un acteur plus impliqué ! »

Puis, il y a eu l’incroyable succès et des envies de saga. Kotcheff sourit quand on évoque les suites. Si son Rambo se défendait contre une populace peu amène, il refusait de tuer qui que ce soit gratuitement :
« D'emblée, Sylvester m'a dit que Rambo, contrairement à ce que nous avions écrit, ne pouvait pas s'acharner contre les flics. Ce type vient de faire la guerre, il ne veut plus tuer personne. Il avait raison. » 
Kotcheff marque un temps d'arrêt, puis poursuit amusé :
« Quand on voit ce qu'est devenu le personnage dans les autres volets de la saga, on peut être surpris. Le saint homme s'est transformé en boucher ! »
Logiquement, le Canadien a refusé de rempiler et de suivre Rambo refaire la guerre du Vietnam à lui tout seul. Les cachets mirobolants aussi.

En nous quittant, Ted envoie quelques flèches :
« j'aime beaucoup Sylvester, moins ses choix. Je l'ai croisé juste avant qu'il ne réalise sa nouvelle saga, Expendables, Il m’a dit  “ Je t'aurais bien demandé de réaliser le film, mais après mes deux divorces, je suis à sec. J'ai besoin de ce cachet !” »

Comme quoi, sous les kilos de muscles, il y a aussi un cœur qui bat.

Voir ci-dessous la bande annonce impressionnante de Wake in Fright