Les éblouis

film de Sarah Suco

Camille, 12 ans, passionnée de cirque, est l’aînée d’une famille nombreuse. Un jour, ses parents intègrent une communauté religieuse basée sur le partage et la solidarité dans laquelle ils s’investissent pleinement. La jeune fille doit accepter un mode de vie qui remet en question ses envies et ses propres tourments. Peu à peu, l’embrigadement devient sectaire. Camille va devoir se battre pour affirmer sa liberté et sauver ses frères et sœurs.

Affiche les éblouisSarah Suco nous propose un film sur l’emprise d’une communauté religieuse sectaire à l’encontre de personnes psychologiquement fragilisée.

Tiré de sa propre expérience la talentueuse actrice, a volontairement pris de la distance en actualisant son histoire qu’elle a voulue plus romanesque. Elle a souhaité que les spectateurs découvrent une histoire vraie qui raconte la dérive sectaire, l’embrigadement, où comment une famille peut tomber de manière très simple et glisser dans une emprise qui par effet domino se répercute sur les enfants devenus des victimes innocentes.

Elle nous montre le point de vue d’une jeune adolescente qui doit combattre la dérive sectaire, qui doit combattre tout un groupuscule et en même temps être sans cesse, en trouble. Elle a été très aidée par Nicolas Silhol, le coscénariste.

Sarah Suco nous montre parfaitement les rouages de ce sectarisme à la violence induite, qui annihile tout esprit de critique et toute conscience. Elle a su nous immerger dans ce milieu avec beaucoup de tact et d’intelligence, en s’accompagnant d’acteurs à couper le souffle dans leur prestation de haut niveau.

Camille Cottin endosse un contre-emploi saisissant ; elle se montre surprenante dans ce rôle de mère de famille catho psychologiquement fragile, à la dérive, qui livre ses enfants en pâture en toute inconscience. Elle tient là sans doute son meilleur rôle, tant elle transpire le mal être et l’angoisse à fleur de peau.
Éric Caravaca, acteur discret, talentueux et prolifique, joue un père aimant et naïf qui finit lui-aussi par perdre pied et son libre arbitre.
Jean-Pierre Darroussin dans le rôle faussement bienveillant du Berger est la démonstration implacable de l’emprise d’un seul homme sur une communauté et nous vivons le processus terrible que ce prêtre met en place pour dominer et endoctriner des êtres fragiles, dépassés, en quête d’eux-mêmes et de leurs proches. C’est fascinant de machiavélisme.
Mention spéciale à la jeune Céleste Brunnquell, qui interprète Camille. Elle se montre éblouissante dans sa capacité à s'approprier toute une palette complexe de réactions et d'émotions, tellement vraie, lumineuse et saisissante que l’on vibre et tremble pour elle dans sa volonté et sa capacité à rester lucide et clairvoyante. Elle a obtenu le prix d'interprétation féminine à Sarlat, le film recevant pour sa part la Salamandre d'or.
Les trois jeunes frères et sœur sont aussi à leur niveau extrêmement touchants, d’autant plus quand ils se retrouvent sous l’aile protectrice de cette formidable grande sœur.

Nous apprécions aussi la très belle photo d’Yves Angelo et la musique qui l'accompagne. La réalisatrice précise : « Laurent Perez Del Mar a su sentir qu’il ne fallait pas une musique religieuse, puisqu’il y en a déjà. J’avais envie qu’il y ait de l’électronique, j’avais envie qu’il y ait de la dissonance au fur et à mesure et en parallèle à la dissonance dans les personnages. »

Oui, Sarah Suco, nous bluffe par tant de puissance, et pourtant tant de délicatesse dans cette réalisation exceptionnelle parfaitement aboutie et maîtrisée. Ce phénomène préoccupant vu et décortiqué ici avec un grand réalisme est d’autant plus intéressant et inquiétant, qu’il risque à l’heure d’une société qui s’individualise, se fragilise et se précarise énormément, de tenter plus d’un individu ou plus d’une famille en quête de sens, de valeurs profondes et de spiritualité. Un film rare, intelligent et bouleversant à plus d’un titre !

Opinion des gens :
Presse (21 titres – 95% de positif dont 14% de 5/5 et 43% de 4/5 et en négatif 5% de passable.
Spectateurs (60 critiques) – 88% de positif dont 26% de 5/5 et 42% de 4/5 et en négatif 7% de passable et 5% de mauvais.
Notation (370 personnes) – 76% ont aimé le film.

Nationalité : Française. Genre : Drame, famille, société

25 novembre 2019