It must be Heaven

comédie burlesque de Elia Suleiman

Elia Suleiman quitte la Palestine à la recherche d'une nouvelle terre d'accueil, avant de réaliser que son pays d'origine le suit toujours comme une ombre. La promesse d'une vie nouvelle se transforme vite en comédie de l'absurde. Aussi loin qu'il voyage, de Paris à New York, quelque chose lui rappelle sa patrie. Un conte burlesque explorant l'identité, la nationalité et l'appartenance, dans lequel Elia Suleiman pose une question fondamentale : où peut-on se sentir " chez soi " ?

Affiche It must be heavenLe réalisateur-acteur palestinien Elia Suleiman, malgré le destin de son peuple, en dépit des exils forcés à Paris ou New York, reste un éternel observateur de la comédie humaine et préfère sourire de l'absurdité de la vie plutôt que de se morfondre sur des questionnements psychologico-politiques.

Il promène son chapeau et son humour aux quatre coins de la planète, sans jamais oublier qu'il est un homme condamné à être un étranger même dans son propre pays. «It Must be Heaven» est une succession de saynètes parfois dialoguées, souvent muettes, toujours surréalistes : certaines sont plus réussies que d'autres et parfois la «chute» déconcerte. Mais quand cela fonctionne, c'est irrésistible, poétique, enchanteur, comme si les esprits de Jacques Tati et Buster Keaton s'étaient incarnés en un seul et même artiste. 

La violence est latente et sous-jacente, mais toute l’habileté du film consiste dans l’évocation, par l’absurde, de cette violence. Il manie l’humour, sans brader le propos comme les discriminations sociales, la brutalité des échanges, le tout-sécuritaire.

Elia Suleiman se révèle un véritable Candide contemporain. La chorégraphie du monde est bien huilée. Par exemple à Paris, les travailleurs du SAMU social suivent un protocole gestuel rigoureux où pas une seconde superflue ne sera dédiée à l’homme sans abri, à qui on a bien donné son plateau-repas : que pourrait-il vouloir de plus ?
À New York, les mères à poussette se regroupent pour faire de la gymnastique synchronisée dans les parcs…

Après la première partie à Nazareth, il retourne dans son pays où nous retrouvons le questionnement : les larcins irrésolus, l’indulgence envers le voleur, l’homme égaré que l’on raccompagne la nuit, toutes ces bribes de Palestine, ne valent-elles pas mieux que ces sociétés qui cachent leur sauvagerie sous des semblants compassés ? Les chasseurs de perdrix, les monts arborés, les oliveraies secrètes et comme le dit le barman : Les gens boivent pour oublier, les palestinien boivent pour se souvenir, Tous ces personnages ne sont-ils pas chacun les éléments d’une fresque merveilleusement vivante ? Et si le voisin envahissant peut entrer à tout moment dans son jardin cueillir le fruit de son labeur ne s’est-il pas bien occupé de ses citronniers pendant son absence ! Et enfin dixit le diseur de bonne aventure : « La Palestine existera un jour, mais pas de votre vivant, ni du mien ».

Un film baroque qui n’est pas vraiment tout public, quoique ça ne me semble pas incompatible il offre une réponse poétique, mélancolique, peut-être pas encore tout à fait désespérée.

Opinion des gens : Presse (30 titres) – 100% de positif dont 30% de 5/5 et 50% de 4/5 ; Spectateurs (73 critiques) – 67% de positif dont 21% de 5/5 et 24% de 4/5 et en négatif 22% de passable et 11% de mauvais. Notation (435 personnes) – 91% ont aimé ce film. Parmi ceux-ci, les spectateurs savaient donc pour la plupart ce qu’ils allaient trouver.

Nationalité : Palestinien Quatari, Français, Allemand, Canadien. Genre : Comédie burlesque, poétique, elliptique, société

21 décembre 2019