Guibord s'en va en guerre
Fable politique de Philippe Falardeau
Steve Guibord est un membre indépendant du Parlement Québec-Nord. Un coup du sort politique l’amène à effectuer seul un vote décisif : le Canada doit-il entrer en guerre avec le Moyen-Orient ? Sans expérience et sans équipe, mis à part son stagiaire Souverain, un étudiant haïtien en sciences politiques, ils embarquent alors tous deux pour une tournée politique qui les mettra sur le chemin de pacifistes, de miniers, de routiers et de groupes aborigènes.
Philippe Falardeau nous offre une comédie politique, une fable acerbe, grinçante sur la démocratie et la vie politique mais aussi un grand moment jubilatoire. Steve Guibord (génialement interprété par Patrick Huard) est un ancien champion de hockey dont la prometteuse carrière a été stoppée par son aérodromophobie (peur de l’avion). Député d’une vaste circonscription forestière englobant des territoires algonquins, il passe de longues heures sur la route avec son jeune stagiaire haïtien, Souverain Pascal, joué par le charismatique Irdens Exantus, féru de sciences politiques, lecteur de Rousseau, Montesquieu, Tocqueville.
Guibord doit d’abord régler des problèmes locaux, crise entre routiers transporteurs de bois et indiens autochtones qui défendent leur territoire. Député indépendant et satisfait de n’avoir aucun pouvoir, Guibord va se trouver devant un dilemme, car sa voix va décider du vote pour ou contre la guerre puisque la majorité vient de perdre la voix d’avance d’une députée.
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Il va donc essayer de consulter son électorat, flanqué de son épouse Suzanne, pépiniériste, de sa fille Lune, rebelle et pacifiste et de son stagiaire haïtien, qui le soir relate sur internet par Skype, les faits et gestes de son député à ses compatriotes de Port au Prince.
C’est intelligent et subtilement drôle ; sa recherche de démocratie participative tourne court, ses électeurs plaçant le local avant l’international. Comment faire la part des enjeux personnels et des enjeux collectifs ?
Les mœurs politiques sont gentiment égratignées avec le premier ministre qui le reçoit entre deux morceaux de musique et lui laisse espérer un poste de ministre aux affaires indigènes, s’il sait se montrer réaliste.
Tout au long du film, Guibord reste un personnage attachant, politicien de proximité, éminemment sympathique, limité dans sa compréhension comme dans ses moyens. Souverain est un Candide pétillant, posant un regard d'indien sur les mœurs politiques de cette contrée perdue du Canada et Stéphanie, la jeune journaliste, craquante de candeur, est très bien jouée par Sonia Cordeau.
Nous passons du débat national à la querelle familiale entre l’épouse va-t-en-guerre et la fille pacifique. C’est rythmé et riche de dialogues savoureux.
Le réalisateur donne ici un ton singulier au film politique ; les comédiens y croient, engagés et enthousiastes, portés par un sujet auquel ils adhèrent.
C’est original, rafraîchissant et réjouissant ; par les temps qui courent cela fait du bien ! Et puis il y a le joual, ce dérivé du français parlé au Québec qui colle parfaitement à la nature de la Belle Province (périphrase utilisée pour désigner le Québec en tant que province du Canada). A voir absolument et en VOST pour ce joual que l’on comprend sans avoir recours aux sous-titres ou très peu et pour le parler français très pur du jeune Haïtien. Ce film est un petit bijou, une perle du cinéma francophone.
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