Julieta

Mélodrame de Pedro Almodovar

Julieta s’apprête à quitter Madrid définitivement lorsqu’une rencontre fortuite avec Bea, l’amie d’enfance de sa fille Antía la pousse à changer ses projets. Bea lui apprend qu’elle a croisé Antía une semaine plus tôt. Julieta se met alors à nourrir l’espoir de retrouvailles avec sa fille qu’elle n’a pas vu depuis des années. Elle décide de lui écrire tout ce qu’elle a gardé secret depuis toujours.
Julieta parle du destin, de la culpabilité, de la lutte d’une mère pour survivre à l’incertitude, et de ce mystère insondable qui nous pousse à abandonner les êtres que nous aimons en les effaçant de notre vie comme s’ils n’avaient jamais existé.

JulietaAlmodovar nous revient avec ces portraits de femmes qui enchantent son cinéma. Sans fioritures il nous présente une histoire assez épurée. Très rapidement nous assistons à une série de flash-back avec des bonds entre les années remplis d’émotions contradictoires dans ce parcours éprouvant de l’héroïne qui nous emporte par sa fluidité et nous surprend à chaque plan. Le cinéaste reprend son principe auquel il nous a souvent habitués : « faire l’amour pour conjurer la mort ». Il l’enrichi cette fois du poids de la culpabilité de Julieta qui lui fait provoquer des catastrophes.
Le coup de maître est aussi d’avoir choisi deux actrices différentes pas vraiment associées à son cinéma. Emma Suarez est Julieta à 50 ans, une excellente comédienne, parfaite dans l’incarnation de cette femme si humaine dans ses errements et si belle derrière ses traits tirés par la douleur. Adriana Ugarte est Julieta à 30 ans dont l’innocence et la fraîcheur que l’on suit tout au long d’un long flash-back nous offre un contraste immortalisé par un raccord d’anthologie. Julieta va mal et sa fille l’aide à se laver ; après le shampoing elle lui frictionne les cheveux avec une serviette qui lui recouvre le visage. Quand elle relève le tissu, Emma Suarez s’est substituée à Adriana Ugarte.
De même, la truculente Rossy de Palma qui joue habituellement dans un registre comique interprète ici une glaçante domestique. Elle est éblouissante de sobriété dans ce contre-emploi.

Un film magnifique, un mélodrame juste, intime et poignant qui confirme Almodovar au rang des plus grands, que l’on apprécie ou non ses films.