Saint-Amour
Comédie de Gustave Kerven et Benoît Delépine
Bruno est agriculteur. Et, comme chaque année, Bruno se rend au salon de l’agriculture. Tandis que son père, Jean, participe au concours du plus beau taureau, Bruno, lui, écume les stands de vins du salon. Quand Jean décide de se rapprocher de son fils, qu’il voit de plus en plus malheureux, c’est pour partir sur la route des vins, la vraie, cette fois, en compagnie de Mike, jeune chauffeur de taxi aux allures de Don Juan.
Ce film de Benoît Delépine et Gustave Kervern, est plein d’audace. Il détonne dans le paysage actuel du cinéma français et bien que ce soit une bouteille de vin qui donne son titre au film, le vin n’est pas le sujet du film même si quelques bouteilles parsèment le périple de ces trois personnages qui avancent de traviole déjouant nos attentes en empruntant des chemins de traverses qui reflètent leur image de héros amochés.
Et oui, ce film surprend même si c’est parfois inconfortable pour le spectateur qui perd ses repères et peut être déstabilisé, mais au moins nous bénéficions d'une originalité rare qui pour le moins justifie le prix de notre ticket d'entrée.
Nous suivons donc : le père, Depardieu, agriculteur et colosse bienveillant qui aimerait que son fils sorte la tête de l’eau, Poelvoorde, le fils, pour qui le métier est source de désillusions et de solitude et le jeune chauffeur de taxi, joué par un Vincent Lacoste excellent, dont le personnage prétentieux et fier finit par perdre pied. Il s’en passe des "vertes et des pas mûres" au cours de ce voyage « initiatique » avec des rencontres toutes différentes mais profitables, tantôt drôles, tantôt poétiques, parfois grinçantes et qui contribuent à chaque fois au cheminement de chacun des personnages.
C’est un film qui est aussi généreux avec ses trois personnages qu'avec ses seconds rôles qui sont tous mémorables et tous traités avec le même respect, d’Izia Higelin en ex petite amie de Mike, accablée de malheur, à une hilarante et surréaliste apparition de Michel Houellebecq en maître d’hôte, jusqu’au virage à 180 degrés qui survient dans le dernier tiers du film, au contact d’une femme mystérieuse, Vénus, interprétée par Céline Sallette. Toujours concernant les personnages féminins, qu’il s’agisse de la jeune serveuse Jennifer (Solène Rigot) lunaire et perturbée, de la patronne de la baraque à frites (Chiara Mastroianni) ou de la jumelle (Ana Girardot) sans oublier la femme de l’agence et la future mariée qui fête son enterrement de jeune fille, toutes les rencontres sont originales et surprenantes comme l'est la brève apparition d'Andréa Férréol dans son "partage" avec Depardieu. C’est aussi un film qui fait simplement et avec justesse l’éloge de la paysannerie. Le film rappelle enfin, dans sa description des relations amoureuses, qu’il faut : tant que ça marche, prendre l’amour comme il vient, quitte à casser les codes mais sans méchanceté avec ce brin de poésie un peu pathétique qui sied si bien à nos deux compères.
Bref, ça donne envie de trinquer à la santé de ce film déroutant mais très beau par tout ce qu’il véhicule.
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