Accusé Frédéric Mitterrand
Réquisitoire du 15 mai 1981
Dans les années 70, Frédéric Mitterrand était devenu gérant d’une salle de cinéma dans le 14ème arrondissement de Paris. Il ouvrit ensuite un réseau de plusieurs salles de cinéma Art et Essai dans Paris. Mais au milieu des années 80, en raison de difficultés financières, les salles de cinéma sont fermées.
Sa passion pour le 7ème art le conduit à réaliser son premier film (Lettres d’amour en Somalie en 1981), puis à présenter sur TF1 l’émission dédiée au cinéma, Étoiles et toiles (1981–1986). En 1982 il avait déclaré :
« Je ne veux pas démythifier le cinéma auprès du public, j’aimerais simplement schématiser mon désir par une simple phrase : réveiller la curiosité des gens pour le cinéma et l’associer à l’idée de surprise. »
Française, Français,
Belges, Belges,
Mon président,
Monsieur le ténor du fado,
Mon cher Mitterrand,
Mesdames et messieurs les jurés tirés au sort,
Public chéri, mon amour
Je signale aux auditeurs qui prendraient l'émission en cours, que c'est Mitterrand que nous allons condamner à mort ensemble, aujourd'hui. Je lis et croyez bien, mesdames et messieurs les jurés, que ma stupeur n'est pas feinte, je lis que la cour présidée par monsieur Villers accuse Mitterrand d'incitation au passéisme ! Enfin Claude, soyons sérieux et logique, comment un homme nouveau comme Mitterrand pourrait-il inciter les Français au passéisme ?
Que vous trouviez l'accusé antipathique, c'est votre problème. En revanche, nous le savons, et pas seulement de Marseille, c'est la sérénité de la justice qui est en cause. Nous le savons, et pas seulement aux huiles d'amandes douces, grâce auxquelles Mitterrand a su conserver depuis le début de la quatrième République la fraîcheur éclatante de son teint de jeune fille.
Quand Pierre Mendès France gouvernait la France en assumant conjointement la décolonisation extrême-orientale et l'hyper-lactation des cours préparatoires, Mitterrand faisait encore pipi au lit.
Plus tard, quand De Gaulle est arrivé au pouvoir, porté par une incroyable ferveur populaire et soutenu par les grossistes en merguez d'outre-Méditerranée, Mitterrand, en 1958 avait à peine entamé sa puberté. Déjà dans les choux, il croyait que la vie naissait dans les roses et lisait Union de la (main) gauche.
Les auditeurs ne sont pas dupes, monsieur Villers, vous avez convié monsieur Mitterrand, non pas pour parler de la crise du cinéma, mais juste pour vous moquer de lui, et mon petit Claude, c'est indigne. Mitterrand est un être simple et naïf, un peu la Mère Denis de la cinéphilie, c'est un être inoffensif qui savoure en toute quiétude de vieilles pellicules de vieux films. Comme le disait Yvonne de Gaulle en regardant son mari s'envoler pour Londres en juin 1940 : " Pendant qu'y fait ça, il est pas au bistrot. "
Et soyons charitable, ce qui est arrivé à son tonton François, personne n'oserait le souhaiter à son pire ennemi. Enfin, tout le cirque de la campagne n'a pas été vain, puisque ce nouveau septennat s'annonce prometteur : la peur nucléaire n'est plus qu'un souvenir, le budget de l'armée est transféré à la recherche contre le cancer, même les millions de petits bébés qui crèvent de faim dans le monde sont quasiment sauvés.
Ce n'est plus la France au fond des yeux, c'est la France au fond du couloir à droite !
Personnellement le moment où j'ai vraiment vibré, pendant cette campagne présidentielle, ce fut le 5 mai à 20h 20, lorsque eut lieu sur les trois chaînes l'ultime débat entre la vieille droite pourrie et la vieille gauche pas fraîche. Y z-auraient pu au moins nous mettre les interdits de Coluche sur la 3, puisque personne n'aurait regardé.
Ce qui m'est apparu, superbe, magnifique et bouleversant, c'est que le débat a été tourné dans le studio 101 de la Maison de la Radio, le même studio 101 où j'ai osé faire mes débuts à la télé, il y a cinq ans grâce à un maître bourré d'humour et d'agressivité joviale. L'émission s'appelait Le Petit Rapporteur. Or, j'ai donc revu ce studio avec son décor disposé un peu de la même façon qu'il y a cinq ans, avec les mêmes fauteuils.
Et quelle ne fut pas ma stupeur, en voyant celui sous lequel je collais les chewing-gums que Daniel Prévot me jetait. Celui, où je posais mon cul naguère, était occupé par celui ô combien illustre de Valéry Giscard d'Estaing, alors que celui de François Mitterrand trônait en face, dans le fauteuil de Collaro. Ah, dur, dur !
Comme le disait madame Rosenblum en se dissolvant dans la baignoire d'acide sulfurique du docteur Petiot : " On est bien peu de chose ! "
Quelle ironie, pour deux hommes politiques aussi magnifiquement grandioses que Giscard et Mitterrand ! Aller à la pêche au voix et se retrouver à la pêche au moules.
En vérité, Françaises, Français, il nous faut maintenant tirer un trait sur le passé afin d'oublier nos vaines querelles pour repartir avec un sang nouveau vers ces sept années qui, n'en doutons pas, seront aussi merdiques que les sept dernières.
Oui, deux dates inoubliables furent : le 5 novembre 1981 et l'annonce de la candidature de Coluche le 30 octobre 1980.
- 30 octobre 1980 : un gugusse quitte son tabouret de gugusse pour se jeter dans l'arène politique.
- 5 mai 1981 deux battants de la Cinquième quittent l'arène politique pour se poser dans des fauteuils de gugusses.
La boucle est bouclée, la France est éternelle. Vive la France.
Quand à vous Frédéric Mitterrand, votre tonton s'est rendu célèbre en coupant la queue des roses. Personnellement je ne réclame que votre tête !
Nota Benêt : Frédéric Mitterrand : Neveu, cousin ou fils caché de l'autre, cet esthète précieux et volubile a brusquement disparu du paysage mondain où il évoluait. On peut le retrouver sur la chaîne histoire où il commente en différé le mariage de la reine Elisabeth.
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