Hommage à Pierre Dac - suite et fin

Nous voici à un tournant de ce feuilleton paru dans "l'Os à moëlle" en 1938-39 et qui, avant "Signé Furax", avait été repris au début des années 50 par les chaînes de radio.

La loufoquerie va atteindre son paroxisme de rebondissements en rebondissements avec les Dernière minutes de Santiago du Chili.

Pour les dernières minutes du N°1 à 20 voir - Hommage à Pierre Dac 

Pour celles du N° 21 à 34 voir - Hommage à Pierre Dac (suite)

Dernières minutes du N° 35 à 45 l'ultime.

ULTIME DERNIÈRE MINUTE Où le pharmacien intègre les services secrets français

De Santiago du Chili :

La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre dans la capitale chilienne. L’entrevue entre le président de la République française et M. Francisco Lopez s’est enfin déroulée mercredi dernier au bar de l’Élysée-Matignon.
En présence de ses principaux ministres, le chef de l’État a largement évoqué l’extraordinaire personnalité et les dons exceptionnels du pharmacien. Puis, en raison de la grave tournure que risquent de prendre certains futurs évènements, il lui a proposé d’entrer dans les services secrets français en qualité d’agent spécial itinérant toutes catégories, sous l’immatriculation O.S. 3,1416 et en vue de missions ultérieures très importantes.
Après avoir chaleureusement accepté, M. Francisco Lopez a pris congé de son hôte et a filé de toute urgence à l’appartement 421 de l’hôtel Matignon (cartes bleues acceptées).

Après avoir fait ses bagages, le couple pharmaceutique est monté à bord d’une voiture blindée, a rejoint l’aéroport et s’est envolé à bord du vol AF 083, à destination de Santiago du Chili. Le nouvel agent réglera sa situation administrative et ses affaires avant de revenir à Paris.

Cela n’empêchera pas, toutefois, la pharmacie Lopez d’être de garde, de gré ou de force, dimanche prochain à Santiago du Chili !

Fin.

À en juger par la fréquentation, je remercie les très nombreux lecteurs qui ont suivi ce palpitant feuilleton.

Tous les amoureux de Pierre Dac et d’authenticité auront remarqué que celui-ci écrit initialement en 1938/39, bénéficie de quelques actualisations lors de son passage sur la radiodiffusion française au milieu des années cinquante.
La radio transmettra ensuite l’incontournable feuilleton « signé Furax » de Pierre Dac et Francis Blanche lequel sera encore plus loufoque. 

DERNIÈRE MINUTE n° 44Où la sorcière aux dents vertes à encore empêché l’entrevue !

De Santiago du Chili :

L’entretien privé que le président de la République française avait réservé à M. Francisco Lopez pour dimanche à 14h 30, au fort de Brégançon, a été, une fois de plus, voué à l’échec. Pourtant soucieux d’être exact au rendez-vous, M. Francisco Lopez, seul au volant d’une 2 CV grand sport, aimablement prêtée par l’ambassade, avait pris le départ à 6h 45 pile. Il s’était tout à fait normalement engagé sur la nationale 7, puis, à la suite d’une manœuvre inexplicable, s’est perdu dans la banlieue de Lyon, est reparti au pifomètre pour se retrouver, après d’incroyables détours, dans un village de montagne proche de Briançon. L’approximative similitude de nom lui laissa à penser qu’il se trouvait enfin tout près de sa destination. Il demanda alors à un villageois où se trouvait le fort. Celui-ci après un court instant de réflexion, lui a répondu :

- M. Fort, vous voulez dire ?
C’est celui qui tient le café-tabac à 50 mètres d’ici…

Aussitôt dit, aussitôt fait. Quelques instants plus tard, M. Francisco Lopez pénétrait dans le café et demandait qu’on l’annonçât au président de la République. Le prenant pour un déséquilibré, le brave commerçant a alerté la gendarmerie qui a aussitôt détaché un brigadier pour contrôler les papiers du pharmacien itinérant. Au vu du carton officiel signé de la propre main du président de la République française, il s’est empressé de téléphoner au fort de Brégançon. Le sous-chef adjoint au secrétariat général particulier et privé du directeur de cabinet, mis au courant de la situation, a répondu que monsieur le président de la République commençait à en avoir par-dessus l’inconditionnel de M. Francisco Lopez mais que, néanmoins, il lui accordait un nouveau rendez-vous pour le mercredi suivant à 19 heures au bar de l’Élysée-Matignon.
Le potard a ensuite repris la direction de Paris où il est arrivé vers 5 heures du matin. Il a alors trouvé son épouse en train de frapper à coups redoublés et avec une machette sur une table de bridge qu’on lui avait livrée dans la journée, en vociférant à tue-tête :

- Gracias, señor Ségalot, eso es mueble !

À suivre...

DERNIÈRE MINUTE n° 43Où le deuxième entretien est reporté, bizarre, vous avez dit bizarre !!!

De Santiago du Chili :

On vient d’apprendre que l’entretien privé entre le président de la République française et M. Francisco Lopez, prévu à Paris mardi à 11h45, n’a pu avoir lieu par suite d’un insolite malentendu. En effet, M. Lopez, soucieux de rendre hommage à son hôte et de l’honorer, a cru bon de se présenter à l’Élysée en tenue de gala
de grand chef sorcier inca.
Coiffé d’un béret basque empanaché de plumes multicolores, il était chaussé de mocassins verts épinard, le torse drapé dans un poncho bigarré, sous lequel apparaissait
une tunique de caporal des mobiles de l’Ardèche.
Les jambes serrées dans un pantalon en poils de
guanaco à pattes d’éléphant, fendu au genou et orné de motifs plus ou moins avouables, il portait également à la ceinture un lasso, un tomahawk de chez Hermès, un totem de la Samaritaine, un carquois contenant des flèches empoisonnées par sa belle-mère, plus, autour du cou et en sautoir, un collier d’oreilles séchées et quatre scalps d’Espagnols du temps de la conquête.
Quelque peu interloqué, le sous-officier de garde à immédiatement alerté le directeur du protocole, lequel a aussitôt donné un coup de fil, suivi, cinq minutes plus tard, de l’arrivée d’un car de luxe
de police secours « spécial V.I.P. ».
Des agents ont courtoisement fait monter notre homme et l’ont conduit, toutes sirènes hurlantes, au cirque Pinder où il a été accueilli avec enthousiasme. Le directeur lui a proposé de l’engager sur-le-champ et de débuter le soir même dans un numéro de pharmacien sauvage
avec des suppositoires en cuivre de 2,5 kilos chacun.
Un coup de fil du ministre des Affaires étrangères en personne a mis fin à ce projet d’attraction. Dans les minutes qui ont suivi, M. Francisco Lopez a été reconduit à l’appartement 421 qu’il occupe à l’hôtel Matignon (carte Américan Express acceptées), où il a retrouvé sa charmante épouse.
Le président de la République française mis au fait de l’évènement, l’a pris avec bonne humeur et a fixé un nouveau rendez-vous au trop consciencieux potard pour dimanche prochain, à 14h30 au fort de Brégançon.

À suivre...

Le guanaco est un ancien mammifère d'Amérique du sud, ancêtre du lama domestique

DERNIÈRE MINUTE n° 42Où le premier entretien s’avère expéditif et de ‘’haute volée’’

De Santiago du Chili :

L’entretien privé entre le président de la République française et le pharmacien Lopez a eu lieu, comme prévu, hier à l’Élysée. À 15 heures précises, M. Francisco Lopez est entré dans le cabinet présidentiel. Il en est ressorti à 15h 04 minutes en vol plané, pour aller atterrir, à bonne distance, dans les jardins, au milieu d’un buisson d’aubépines du Népal.

- Oh ! Oh ! a alors murmuré le chef des huissiers, les Chiliens volent pas ce soir.

- Oui, c’est signe de verglas, a ajouté son subordonné préféré.

Quant à M. Francisco Lopez, le visage largement épanoui,
il a déclaré aux journalistes venant de suivre la scène :

« 
Le geste apparemment inamical du président de la République française est, au contraire, pour moi, hautement honorifique.  Le chef de l’État qui connaît admirablement les coutumes ancestrales de mon pays, a tenu à me recevoir en pratiquant, en mon honneur, le salut rituel des incas, sous la domination desquels le Chili se trouvait avant la conquête espagnole. Lorsqu’ils voulaient manifester leur amitié à des étrangers, ils les expédiaient d’un formidable coup de pied dans les fesses, le plus loin possible. Or, d’après mes calculs, votre président de la République m’a fait effectuer un saut de 65.72 mètres, alors que le grand roi Atabalippa*, un colosse régnant en 1531, n’a jamais pu envoyer à plus de 49 mètres les étrangers qu’il souhait honorer. C’est dire en quelle estime me tient monsieur le président de la République française. Il m’a d’ailleurs fixé un nouveau rendez-vous, à la française cette fois-ci, pour mardi 11h 45. »

À l’issue de cette déclaration, M. Francisco Lopez s’en est allé rejoindre sa jeune épouse qui, en l’attendant, faisait une partie de craps à 3 escudos le point avec le chef bagagiste de l’hôtel Matignon (4 étoiles) où le couple pharmaceutique occupe l’appartement 421.

À suivre...

* 1497-1533 : Atahualpa, ou Atabalippa (prononciation espagnole), ou Atawallpa (en Quechua), est le dernier empereur de l'Empire inca indépendant, une région dont les principales villes sont à l'époque Quito et Tomebamba. Il s'empara du trône impérial de Cuzco après sa victoire lors de la guerre fratricide qui l'opposa à son demi-frère Huascar pour le pouvoir après la mort de leur père Huayna Capac. Sa victoire coïncida toutefois avec l'arrivée au Pérou des conquistadors espagnols.

DERNIÈRE MINUTE n° 41Où le premier contact est particulièrement chaleureux

De Santiago du Chili :

Il est maintenant confirmé que, comme prévu, M et Mme Lopez sont arrivés à 12 heures à Paris, par le vol AF 112 en provenance directe de Santiago du Chili.
À leur descente d’avion, ils ont été accueillis par M Joseph Isidore de Mollard du Smig, premier secrétaire adjoint au sous-directeur du protocole du palais de l’Élysée.
Dès la fin des formalités traditionnelles, le couple a immédiatement pris la direction du faubourg Saint-Honoré à bord d’une fourgonnette bâchée décapotable, suivie par deux voitures officielles dans lesquelles s’entassaient huit motards d’escorte.
En effet, encore embrumés par les fumées d’une fête organisée la veille à la caserne, ils avaient oublié leurs motos au garage.
À l’Élysée, le président de la République française et son épouse ont chaleureusement accueilli leurs invités. Ces derniers ont ensuite remis à leurs hôtes de somptueux cadeaux, parmi lesquels une canne à sucre plombé à bout platinée et à manche recourbé en forme de condor des Andes, un châle de l’archipel de los Conos, entièrement tissé à quatre mains, en fil arachnéens de guano richement sulfaté.
M. et Mme Lopez ont ensuite pris congé du couple élyséen, mais un nouveau rendez-vous a été pris entre le président de la République française et le pharmacien aux fins d’un entretien en tête à tête dont la durée prévue est actuellement de quarante-cinq minutes.

Une information qui intrigue considérablement les milieux diplomatiques qui se demandent on ne sait trop pourquoi, mais se le demande néanmoins très sérieusement et tout aussi anxieusement. Et réciproquement.

 À suivre...

DERNIÈRE MINUTE n° 39Où le voyage de noces du célèbre couple pharmaceutique les conduirait en France !!!

De Santiago du Chili :

Une nouvelle pancarte orne désormais la devanture de l’officine de l’avenida San Marin.
Elle est ainsi rédigée :
« M. Francisco Lopez et madame, à la suite de leur récent mariage, informent leur fidèle clientèle que la fermeture de leur pharmacie est prolongée pour causes postnuptiales de réglage de consommation conjugale, d’allumage, de mise au point définitive, d’indispensable recharge d’accus mais aussi pour terminer leurs préparatifs de départ. »

À suivre...

DERNIÈRE MINUTE n° 38Où le mariage revêt une solennité particulière

De Santiago du Chili :

Le mariage del señor Francisco Lopez avec la toute gracieuse Consuela del Suedo a été célébré solennellement en la iglésia de la Recalata, n° 220, en présence d’une assistance considérable et pieusement recueillie un peu partout.
La bénédiction nuptiale retransmise en radiodiffusion sur les postes servis par la « transradio presso servico nationale » devait être donnée par S. E. Toninio Varas-Eliodaro, cardinal archevêque de Combarbala (provincia de Coquinmbo), cousin de la señora Dolores Strumpfkopf, tante de la mariée. Malheureusement, le cardinal, étant d’une nature extrêmement distraite, a commis la sainte fâcheuse erreur de donner l’absoute en sifflotant le De Profondis au lieu de la formule traditionnelle.
Il a été immédiatement, mais respectueusement, escamoté puis remplacé, à soutane levée, par le R. P. Tabalaba-Lota, de la compagnie des frères pétroliers, qui se trouvait par hasard, au sein de l’assemblée.
Après la prise de photos selon le procédé autochrome, un dîner somptueux a suivi la cérémonie au restaurant El Rey de las Papas Fritas, galeria Antonio Varas, 1114.
Un peu avant la furieuse bagarre qui ne pouvait manquer d’éclater entre les deux familles au moment de régler l’addition, les nouveaux mariés se sont éclipsés à l’indienne pour gagner leur lit nuptial, situé au-dessus de la pharmacie de l’avenida San Martin. Un appartement composé d’un élégant deux-pièces avec kitchenette, salle d’eau et W.C à la turque, au fond du laboratoire d’analyses.

À suivre...

DERNIÈRE MINUTE n° 37Où les fiançailles sont célébrées avec faste selon la coutume locale

De Santiago du Chili :

Les fiançailles officielles del señor Francisco Lopez avec la toute gracieuse Consuela del Suedo, ont été fastueusement célébrées avant-hier au cours d’un somptueux déjeuner servi en el restaurante Pinpilinpansha, avenida Antonio Varas Eliodoro(1), 1888, Tel. 399-177.
Les convives, composés d’une incroyable potée de parents et d’amis étaient au nombre de 287 plus une bonne trentaine de resquilleros. Au milieu du festin, Francisco Lopez a passé au doigt de sa promise, toute rougissante de virginal émoi, une bague de fiançailles en alliage d’or entamé de cuivre guilloché, orné d’authentiques pierres précieuses imitant les fausses à s’y méprendre, achetée le matin même, avec facilité de paiement, chez Guardiola y Barraca, les célèbres joaillers de l’avenida Isidora Goyenechea
(2), 270. Puis il lui a administré une magistrale paire de claques afin de lui faire perdre l’habitude de se moucher avec une pelle à tarte à la mode inca et de se faire sauter les points noirs à la casserole.
Au dessert, chacun y est allé de son refrain et Francisco Lopez a fait battre bien des cœurs en l’honneur de sa belle et en dialecte typique araucan : « 
En avant les zouaves, dit la mère Michel en riant, ceux qui sont trop nouilles n’auront pas d’enfants. »
Les cérémonies du mariage civil et religieux sont prévues pour mercredi prochain, en matinée et en soirée.

À suivre...

  1. -  Antonio Varas Eliodoro était un politique chilien du 19e siècle  très apprécié. Il fut pendant plus de trente ans, ministre de l’intérieur et des affaires étrangères et président du Sénat.
  2. - Isidora Goyenechea était une riche et célèbre industrielle chilienne du 19e siècle. L’avenue à Santiago qui porte son nom est aussi célèbre et visitée que la rue de la Paix à Paris.

Une fois encore Pierre Dac nous démontre qu’il n’est pas qu’un simple loufoque.

DERNIÈRE MINUTE n° 36Où Consuela del Suedo épousera notre cher pharmacien

De Santiago du Chili :

M. Francisco Lopez vient de révéler à la presse l’élue de son cœur.
Il s’agit de la toute charmante señorita
Consuela del Suedo, fille cadette del señor Fermin Vivaceta del Suedo, riche producteur de guano et gros propriétaire de vignoble à Vina del Mar, proche de Valparaiso, et de la señora Conception y Pisagua y Sacorro y Mackena y Mapocho y Cariola y Madrugada y Balneario y Panimavida y Schtrumpfkopf y Calamar del Rio Blanco.
En attendant les fiançailles prévues pour samedi en huit ou dimanche en neuf, M. Francisco Lopez a fait apposer sur la devanture de sa pharmacie une pancarte ainsi libellée :

« Pour raisons matrimoniales, la fermeture de rigueur est remplacée par une clôture momentanée. »

Le nom de la promise serait-il un clin d'œil à l'épisode de la pharmacie suédoise ?
Étonnant non ! aurait dit Pierre Desproges...

À suivre...

DERNIÈRE MINUTE n° 35Où Francisco Lopez annonce son intention de se marier

De Santiago du Chili :

Un coup de théâtre vient d’éclater comme un coup de tonnerre ou une grenade dégoupillée dans la capitale chilienne.
Devant les journalistes venus du monde entier, M. Francisco Lopez a expliqué les raisons de sa retraite au monastère San Felipe de Llulllaillaco. Il a ainsi déclaré que de pieuses méditations l’avaient amené à penser que son état de célibataire était incompatible avec sa gloire nouvelle. Il a donc pris la grave décision de se marier. Avec qui ? Il a refusé de le dire, courtoisement d’abord, puis grossièrement devant l’insistance des journalistes.
Il a toutefois promis de révéler son secret, dès sa sortie de retraite. Elle aura lieu en fanfare et aux flambeaux selon le rite traditionnel du monastère dont, à toutes fins utiles, nous rappelons l’adresse : avenida Presidente Errázuriz. 3790. Tel : 448-7.966.
Compte chèque postal 1.1182/80, centre Antofagasta, officina Correo, n° 11, Providencia 1.388.

À suivre...