L'élection du maire de Meys

Contes facétieux des Monts du lyonnais par Le Louis de Maringes (Louis Bourrat)

Les histoires de Meys sont célèbres dans le coin. Aucun lien bien sûr avec des personnes ayant pu exister, ni avec des évènements ayant pu se produire.
Nous sommes dans le domaine de la pure fantaisie.

Les Mézards sont bien les plus braves des Gaulois ! Ils n’ont peur de rien ; ils aiment rire de tout, et ce sont de bons patriotes, qui n’ont pas peur de se chamailler pour faire avancer la politique.

Je vous parle, bien vrai des temps anciens, quand il y avait des rouges et des blancs : comme ils étaient à peu près partagés, les gens s’arrangeaient pour que, ni les uns ni les autres n’aient le dessus. Ils voulaient tous être Conseillers, ce qui fait que pour les élections, il y avait de bonnes quignassées (crêpage de chignons). Le plus dur était de trouver le Maire, la pace était chère et une fois ils ont bien failli ne pas y arriver !
Ils étaient treize conseillers mais après dix tours, il y avait à chaque coup ballotage et des bulletins blancs. Pas moyen de s’en sortir !

Du coup, cela leur donna soif ! Le Mayusse proposa d’aller boire un canon chez la mère Pacolet, dès fois que ça ferait germer une solution ?  Attablés ils burent une jolie file de bouteilles et le Gros Toine fit une proposition qui fut acceptée à l’unanimité. Le Petit Pierre qui savait tenir un crayon fit une note pour le Curé et une autre pour le Garde pour le dimanche à venir. Comme ça, tout le monde serait au courant.

Meys fête de la batteusePendant la semaine chaque Conseiller amena une charrée de gerbes sur la Place où ils firent un gros gerbier aussi rond qu’une poire. C’était justement la saison des écossures (les battages au fléau avant qu’il y ait les batteuses).
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Le dimanche, après la messe, la place était noire de monde. La note du Petit Pierre avait fait son effet ! Présence obligatoire des femmes des Conseillers et ceux-ci venaient avec leurs grands mouchoirs.
Le Garde champêtre fit ranger les gens autour du gerbier et se mit à crier pour faire entendre et donner le règlement :
« Avisse ! N’ayant pas pu nommer le maire pour cause de ballotage, nous allons procéder à des élections publiques ! Les femmes des Conseillers se mettront autour du gerbier, la tête dans le cul des gerbes. Leurs hommes se placeront derrière, les yeux bandés avec leurs mouchoirs de poche. Au signal donné, les femmes baisseront leurs culottes. Alors les Conseillers s’approcheront pour tâtonner à volonté. Le premier qui retrouvera sa femme sera élu maire ! ».

Ce fut un tonnerre d’applaudissements, les gens en pleuraient de rire. Les opérations commencèrent : les yeux des Conseillers furent bandés avec les grands mouchoirs et les femmes se mirent la tête dans le gerbier, le pétariau (derrière) en l’air. Quand le Garde cria : Feu ! Elles baissèrent le pan de leurs culottes.

Il se fit une ovation qui dût s’entendre jusqu’à Grézieu ! Les femmes avaient des culottes larges qui descendaient jusqu’au mollets avec des dentelles autour. Qui n’a pas vu ces treize pétariau au soleil, n’a rien vu ! Les gandoises (plaisanteries) allaient bon train, c’était du délire.

Mais quand les hommes se mirent à tâtonner, il se fit un beau silence. On aurait entendu une taune (grosse mouche ou guêpe) voler.

Pendant un moment, il ne se passa rien du tout, Ils avaient beau tâtonner, changer de pétariau, ils ne trouvaient point de différences. Il n’y en pas un qui arrivait à retrouver sa femme.
Tout par un coup, le Grand Bartho fit une borlée (pousser un hurlement) qui dut s’entendre jusqu’au bois de la Serre !
« Ça y est !Je crois que j’ai trouvé la mienne ! Elle a un baraban au derrière ! Et comme nous en avons mangé hier au soir, c’est sûrement elle ! » Et il montrait à tout le monde une feuille de pissenlit, qu’il avait trouvé collé sur le derrière de la Mélie. C’était bien sa femme.

Les Mézards applaudissaient tous ! Les Rouges comme les Blancs ! Ce fut l’unanimité. Pendant que les femmes se rebrayaient, le Grand Bartho fut proclamé Maire, séance tenante.

Je n’ai pas pu m’empêcher de raconter cette histoire pour les jeunes d’aujourd’hui, et surtout pour nos Gouvernements. Des fois que ça leur ferait comprendre ce qu’il faut faire pour mettre tout le monde d’accord !

Le Louis de Maringes