Aymar-Vernay rabdomancien
L'ancêtre des baguettisants
Le 5 mars 1692, un marchand de vin de Lyon et sa femme furent assassinés.
L’enquête piétina accusant une bande qui ravageait le Dauphiné. C’est alors qu’on vit arriver un paysan nommé Jacques Aymar-Vernay, baguettisant ou rabdomancien (on dit aussi rhabdomancien pour celui qui pratique la divination avec une baguette de sourcier) réputé dans la région de Grenoble, qui affirma pouvoir trouver les meurtriers et fut agréé par le lieutenant-criminel.
Il était armé d’une baguette de sourcier fort longue précisant qu’il l’avait cueillie entre onze heures et minuit, le premier mercredi de la lune, en prononçant les phrases rituelles. Il avait enchanté la baguette suivant les règles de la magie noire.
Son arme courbée, il visita les lieux du double meurtre et sortit, suivi d’un long cortège gagnant le bord du Rhône en suivant la rive droite jusqu’à la banlieue où il pénétra dans le jardin d’un cabaretier. Sur une table il y avait trois bouteilles dont l’une était vide. « Ce sont les assassins qui l’ont bue », déclara Aymar-Vernay.
Et le cabaretier s’empressa de déclarer qu’il y avait des individus de mauvaise mine qui venaient justement de sortir de chez lui. L’expert improvisé guidé par sa baguette arriva en bord du Rhône où l’on trouva des traces de pas qui aboutissaient au fleuve. On s’embarqua pour descendre au camp des Sablons, mais la baguette s’affola et il fallut rebrousser chemin.
Le lendemain, la chasse fut longue, puisqu’on alla jusqu’à Beaucaire où la baguette mena Aymar-Vernay à la prison, et à la cellule d’un petit bossu qui avoua qu’il avait fait le guet pour les meurtriers.
On poursuivit la traque jusqu’à la frontière d’Italie qui était alors la Savoie. On sut que les coupables venaient de passer, mais il n’y eu pas de poursuite, ni châtiment.
L’affaire fit grand bruit et le prince de Bourbon, fils du Grand Condé voulut attacher Aymar-Vernay à sa personne en région parisienne. Mais la baguette sembla avoir perdu ses pouvoirs magiques et le Dauphinois accusé de tricherie, s’en retourna à Lyon.
Il devint le collaborateur quotidien de la justice criminelle. Il trouvait toujours la piste des auteurs des délits et crimes, Hélas les malfaiteurs disparaissaient au moment d’être capturés.
Cela finit par donner l’éveil à un lieutenant perspicace qui enquêta à titre personnel. Il découvrit que si Aymar-Vernay trouvait toujours la piste des voleurs, il ne les faisait jamais prendre pour une raison excellente : c’est qu’il était le chef de la bande, et jamais bande ne fut plus nombreuse, plus excellemment organisée, ni mieux à l’abri des surprises du sort.
Et voilà pourquoi Aymar-Vernay en décembre 1707, ancêtre et patron des baguettisants, mourut en tirant la langue, pendu sur le gibet, à quelques pieds au-dessus du sol.
23 avril 2022
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