Julie-Victoire Daubié
Histoire de la première femme bachelière en France
Julie-Victoire Daubié (1824 – 1874) obtient en 1861 son baccalauréat ès lettres à la faculté des lettres de Lyon. Elle est la première bachelière de France. Cette nouveauté amorce l’entrée des femmes dans l’enseignement supérieur. Cette possibilité nouvelle pour les femmes a été obtenue au prix de grandes difficultés.
Julie-Victoire Daubié, Vosgienne d’origine est détentrice à partir de 1844 du brevet de capacité qui lui permet de devenir institutrice. Elle est une essayiste, journaliste et militante féministe, proche des milieux libéraux lyonnais et de féministes de son temps ; elle cherche à ouvrir aux femmes des professions plus lucratives et l’égalité de salaire avec les hommes lorsqu’il y a égalité de service ou de travail.
Dépourvues de droits politiques, réduites à l’état de mineur juridique par le Code civil napoléonien, les femmes sont assignées à leur rôle domestique. Ainsi, le recteur de l’université de Paris refuse dix fois l’inscription de Daubié au baccalauréat. Sa candidature est aussi refusée à Aix-en-Provence.
Le doyen de la faculté de lettres de Lyon, Francisque Bouillier, libéral, accepte d’organiser un jury pour la candidate, après avoir bataillé pour convaincre ses collègues.
Elle bénéficie d’un local particulier, pour ne pas attirer l’attention publique, préoccupation qui pointe dans la lettre de convocation du 8 juillet 1861 :
Mademoiselle J’ai l’honneur de vous faire savoir que vous avez à choisir entre le 13 ou le 16 août pour le premier jour de votre examen du baccalauréat ès lettres. Si vous désirez éviter une trop grande affluence de curieux, vous ferez bien de choisir le 13 au lieu du 16 et de vous laisser ignorer autant que possible. L’épreuve écrite a lieu à 7 heures du matin au Palais Saint-Pierre, place des Terreaux…
Elle se présente néanmoins le 16 août du fait d’un retard du courrier. Les candidats étaient alors évalués par des boules de couleur : Daubié reçoit une boule rouge (bien) pour la version de latin et une blanche (très bien) pour sa composition latine. À l’oral, elle reçoit trois boules blanches, six rouges et une noire (mal). Le soutien d’un de ses frères, prêtre, lui aurait permis d’apprendre le grec et le latin.
Elle obtient le baccalauréat avec la mention passable. Toutefois, elle ne reçoit pas son diplôme directement. En effet, le recteur s’est référé au ministre de l’Instruction publique Gustave Rouland qui refuse de signer le diplôme.
L’intervention de François Barthélemy Arlès-Dufour, militant pour l’égalité homme-femme, auprès de l’impératrice Eugénie (impératrice de 1853 à 1870), permet à Daubié d’obtenir son diplôme en mai 1862. Elle est alors « bachelier ès lettres » : le ministre refuse d’employer la forme féminine pour ne pas créer de précédent.
Après l’obtention de son diplôme, elle publie sans nom d’auteur en 1862 « Du progrès dans l’instruction primaire. Justice et liberté ! » Un ouvrage anticlérical dans lequel elle plaide pour une école gratuite, mixte et contre la dispense d’obtention du brevet de capacité accordée aux religieuses par la loi Falloux pour qu’elles puissent enseigner. Son ouvrage le plus notable reste « La Femme pauvre au XIXe siècle » (1866), enquête et analyse sur la pauvreté féminine, qui touche celles qui sont obligées de travailler pour survivre, celles qui ne peuvent vivre sans métier, alors que le travail des femmes à l’usine augmente massivement. Elle y argumente en faveur de la coéducation des sexes et critique la non-mixité des internats.
Le baccalauréat a donné accès à Daubié aux études supérieures. Elle n’a cependant pas le droit d’assister aux cours, les femmes n’étant pas admises en amphithéâtre, pour empêcher la cohabitation des sexes. Elle est finalement autorisée à étudier en Sorbonne en 1871, année où elle devient la première femme à obtenir une licence ès lettres. Elle souhaite devenir professeur, mais elle meurt en 1874.
L’histoire de l’ouverture aux femmes des différentes branches de l’enseignement supérieur et leur accès aux professions intellectuelles se poursuit ainsi durant la fin du XIXe siècle et tout au long du XXe siècle.
En 1938, les bachelières représentent 36% des diplômés. En 2017, 84% des filles ont le baccalauréat, contre 74% des garçons.
28 octobre 2021
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