Panthéon un début sacrilège

De Mirabeau à Victor Hugo

La décision prise en 1791 par la Révolution de faire de l’église Sainte-Geneviève un temple destiné à honorer des citoyens profanes consistait à créer une nouvelle catégorie d’individus qui recevraient par une sépulture consacrée, un semblant de culte pour des raisons laïques et rationnelles ; c’étaient un défi à l’ancienne France royaliste.

Le Panthéon commença par un scandale. Revoyons les faits :
MirabeauNous sommes à Paris le 2 avril 1791. Dans sa maison, Honoré Gabriel Riqueti dit Mirabeau, président de l’Assemblée, "orateur du peuple", rend son dernier souffle. Une foule immense lui rend  un dernier hommage et tout le gratin de la Révolution est présent. N’était-il pas le héros de 1789 qui répondit au représentant du roi ordonnant aux députés de quitter la salle du jeu de paume à Versailles :
" On ne nous en arrachera que par la puissance des baïonnettes ".

Le duc de la Rochefoucauld  propose alors de faire de la basilique Sainte-Geneviève achevée deux ans plus tôt par l’architecte Soufflot, un panthéon pour les personnalités remarquables de la nation et donc d’y mettre le cercueil de Mirabeau. Le 4 avril un décret approuve l’idée. Le Panthéon est né. On grave en vitesse au fronton de l’église l’inscription
« Aux grands hommes, la patrie reconnaissante »
Un cortège funéraire de centaines de milliers de Parisiens s’étalant sur plusieurs kilomètres accompagne la dépouille du tribun qui devint le tout premier locataire du Panthéon et réalisa le record de l’entrée la plus rapide.
La popularité de Mirabeau est toujours au beau fixe lorsque fin août 1792, le roi est destitué. Dans ses appartements du palais des Tuileries on découvre une armoire de fer cachée par un lambris pivotant. Elle détient des correspondances secrètes entre le souverain et des acteurs de la Révolution.
Horreur, le héros Mirabeau aurait trahi la cause révolutionnaire !

Le 20 novembre, le ministre de l’intérieur Jean-Marie Roland, après avoir fait disparaître quelques plis mettant en cause ses amis girondins, dépose un dossier accablant sur le bureau de la Convention.
" Mirabeau était un traître, je demande que ses cendres soient retirées du Panthéon " hurle à la tribune le député Philippe Rhül.

Des lettres dévoilent l’impensable du double jeu du comte qui, dès le printemps 1790, était devenu le conseiller secret du roi qui épongeait ses dettes notamment envers des prostituées. Après des mois d’enquête, il est déclaré "traitre à la nation". Le 12 septembre 1794 la dépouille du félon est transportée dans un dépôt mortuaire avant de finir en 1798 dans une fosse commune du cimetière de Clamart à Paris où ses restes ne seront jamais retrouvés.

Journaliste, médecin et député révolutionnaire, Jean-Paul Marat est assassiné le 13 juillet 1793 par Charlotte Corday. Il devient martyr de la Révolution et remplacera Mirabeau en novembre 1794. Mais les troubles politiques de l’époque le feront sortir du panthéon le 8 février 1795, moins de cinq mois plus tard.
Parallèlement, Louis-Michel Lepeletier de Saint-Fargeau, député et marquis, rallié au Tiers état pendant la Révolution, est assassiné le 20 janvier 1793 par un partisan de Louis XVI pour avoir voté la mort du roi. Transféré au Panthéon par la suite, son corps réclamé dans sa famille en sortira le 17 février 1795.
Auguste Marie Henri Picot de Dampierre, général de la Révolution française qui s’illustra durant la bataille de Valmy et la bataille de Jemmapes, lors de combats contre l’armée autrichienne se fait arracher la cuisse par un boulet de canon et meurt le 9 mai 1793. Il reçoit les honneurs du Panthéon quelques mois plus tard, mais ne l’intégrera pas car des soupçons pesaient sur une possible trahison à venir avant son décès.

Victor Hugo au PantheonOn le voit, les débuts du Panthéon furent tumultueux.

Le fait est, que pendant le siècle qui a suivi sa création, son statut a été un véritable baromètre de l’état idéologique de la France. Laïc de 1791 à 1806, rendu au culte catholique de 1806 à 1830, laïcisé à nouveau de 1830 à 1851, rebelote et rendu à l’Église de 1851 à 1885.

Le Panthéon deviendra enfin tel que nous le connaissons maintenant avec l’hommage à la dépouille de Victor Hugo qui y fut transféré le 1er juin 1885.

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