On a égaré une bombe H
Palomarès 1966
Le 17 janvier 1966, dans le ciel espagnol, un bombardier B-52 de l’Us Army, se prépare à une opération de ravitaillement en vol. Le Boeing KC-135 Stratotanker s’approche pour l’approvisionner en carburant, la routine. Mais rien ne se passe comme prévu et les deux appareils entre en collision. Horreur ! Le choc entraîne une explosion et sept membres des équipages sont tués.
Un drame certes, mais il y a pire car dans sa chute le B-52 largue ses quatre bombes à hydrogène. Chacune possède une puissance soixante-dix fois supérieure à celle lancée sur Hiroshima en 1945. Trois d’entre-elles percutent le sol, sans provoquer d’explosion nucléaire car leur système de mise à feu n’est pas enclenchée. Le cataclysme est évité, même si du plutonium radioactif se diffuse dans les terres.
Deux bombes, dont les parachutes ne se déploient pas, sont détruites à l'impact au sol : leurs explosifs conventionnels explosent en dispersant une quantité de plutonium sur 250 hectares jusqu'aux fermes situées à 1,6 km des côtes, ainsi que de l'uranium de qualité militaire. La troisième bombe touche le sol et reste presque intacte près de Palomarès (province d’Almeria).
La quatrième a disparue en mer. Les autorités militaires américaines sont unanimes : ça craint ! Il faut tout faire pour la retrouver au plus vite. La presse est déjà sur le coup et à un journaliste qui l’interroge sur la localisation de l’engin thermonucléaire, un officier répond :
« Je ne connais aucune bombe manquante, mais nous n’avons pas positivement identifié ce que je pense que vous croyez que nous sommes en train de chercher. »
Avec une telle réponse de langue de bois, l’armée passe pour de joyeux amateurs. De plus l’état-major américain dit convaincre l’opinion qu’une arme nucléaire introuvable, non, non, ce n’est pas du tout dangereux avec une nouvelle réponse tout aussi sibylline :
« La technique de sécurité de l’arme est si grande que la probabilité de voir exploser une bombe H perdue est aussi faible que celle d’en perdre une !!! »
Le 7 mars 1966, Manuel Fraga Iribarne, ministre du tourisme, pour rassurer les futurs estivants, parade sur la plage en costume de bain (à 15km de l'impact toutefois).
3000 hommes 38 vaisseaux et le sous-marin Alvin, pouvant plonger à 6 000 pieds, sont mobilisés, sans résultat pendant près de deux mois. Elle n’a été localisée le 15 mars que quand le commandement militaire américain a fini par écouter le témoignage de Francisco Simó Orts, un pêcheur devenu héros local, connu en Espagne sous le sobriquet de Paco el de la bomba (« Paco, le type de la bombe ») qui, à bord de son chalutier, avait repéré avec ses jumelles le point d'impact d'un gros tube gris doté de son parachute gris de sécurité.
L’Alluminaut, un autre submersible s’approche de l’Alvin pour prendre le relai quand soudain il bascule vers l’arrière manquant l’écraser. La mission a failli encore tourner au vinaigre. L’opération de repêchage débute : on tracte le colis avec un câble.
Il n’est plus qu’à 30m de la surface lorsque l’amarre se rompt ! La bombe repart vers les fonds marins. Une semaine plus tard, elle est de nouveau localisée. Ultime montée d’angoisse lorsque l’Alvin manque de s’accrocher au parachute de la bombe ce qui aurait eu pour effet d’être un lest fatal pour le submersible.
Le 7 avril, le projectile est enfin déposé sur le pont du vaisseau USS Petrel. Pour la presse les militaires posent à côté de l’arme atomique fraîchement repêchée. Fin de 81 jours de suspense, L’apocalypse nucléaire n’aura pas lieu.
Sur les 714 personnes suivies jusqu'en 1988, 124 avaient un taux de plutonium dans les urines supérieur au minimum détectable.
En 2008, en pleine frénésie immobilière, des promoteurs s’intéressent à cette partie de la côte d’Almeria mais le taux d’américium est très largement supérieur au maximum autorisé. La zone est déclarée inconstructible.
Le 19 octobre 2015, le secrétaire d'État américain John Kerry et le ministre espagnol des Affaires étrangères José Manuel García-Margallo signent un accord dans lequel les États-Unis s'engagent à prélever quelque 50 000 m3 de terres contaminées de Palomarès et de les expédier sur le sol américain par voie maritime. 50 ans plus tard, rien n’est en fait, encore résolu.
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