Les lauriers sont coupés
Une comptine érotique !
Toutes ces comptines qui ont bercé des générations d’enfants, sans traces écrites, ont un sens caché, très loin de l’innocence et de la mièvrerie qu’on leur prête. Bienvenue dans un joli monde empreint de violence, d’érotisme et de politique !
Prenons celle aux origines historiques : "Nous n’irons plus aux bois" ("les lauriers sont coupés..."). Elle date du XVIIe siècle.
Louis XIV a lancé le vaste chantier du palais de Versailles et de son parc. Ce qui ne manque pas d’attirer les femmes spécialisées dans le commerce de leurs charmes. Toute cette activité se déroule dans les bosquets voisins.
Le roi, craignant qu’une maladie vénérienne décime les troupes d’ouvriers, compromettant ainsi le chantier fait donc tailler les taillis coupables.
Les prostituées se replient dans la ville où des branches de laurier, disposées au-dessus de leurs portes, signalent discrètement qu’elles restent opérationnelles, d’où la chanson, qui inspirera le poète
Théodore de Banville (Les Stalactites, 1846) :
Nous n’irons plus au bois, les lauriers sont coupés.
Les Amours des bassins, les Naïades en groupe
Voient reluire au soleil en cristaux découpés
Les flots silencieux qui coulaient de leur coupe.
Les lauriers sont coupés, et le cerf aux abois
Tressaille au son du cor ; nous n’irons plus au bois,
Où des enfants charmants riait la folle troupe
Sous les regards des lys aux pleurs du ciel trempés,
Voici l’herbe qu’on fauche et les lauriers qu’on coupe.
Nous n’irons plus au bois, les lauriers sont coupés.
Une autre légende plus chaste vient d’un érudit du XIXe siècle, portant le joli nom de Capefigue qui a signé de nombreuses biographies et surtout celles des favorites royales. Il précise : - près de Paris, dans un domaine où le roi Louis XV a fait installer sa maîtresse, La Pompadour connaissant le goût de son amant pour les rondes composa ce chant qu’elle lui dédia un après-midi. Capefigue ajoute : - Il y a plus de vie, de poésie dans ce couplet que les compositions pédantes et hautaines de tous les philosophes : on dirait une couronne de tubéreuses, de jonquilles, de jacinthes et de lilas au front d’un enfant !
Nous avons aussi une troisième explication qui nous emmène au temps de Saint-Louis. Le roi avait interdit dans Paris, la prostitution, qui trouva refuge à Vincennes, dans les parages du fameux Chêne de Justice. La mère du roi offusquée obtint de son fils qu’il rase les buissons où les ébats se multipliaient. Les prostituées s’installèrent alors dans des cabanes de planches identifiées par une branche de laurier au-dessus de la porte.
Reste à confronter le texte où il est question :
de cigale endormie, de fauvette au "doux gosier" et de lauriers coupés qui à la fin repoussent…
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