Le cor de Roland
Chroniques de Saint-Denis
Les Chroniques de Saint-Denis sont des chroniques en latin compilées à l'abbaye de Saint-Denis du XIIe au XVe siècle. L'abbaye située à cinq kilomètres au nord de Paris se flattait d'être la mémoire des Capétiens par sa proximité avec le pouvoir et la garde des insignes royaux. Voici ce qui fut écrit après la bataille de Ronceveaux livrée aux Sarrasins :
" Après le combat, Roland mit à sa bouche son cor d'ivoire et commença à corner de toute sa force, afin que si aucuns des chrestiens s'estoient cachez au bois pour la peur des Sarrasins, ils vinssent à lui et fussent à son trèspassement et prennent son épée et son cheval. Lors il sonna l'olifant par si grande vertu qu'il le fendit par le milieu et se rompit les veines et les nerfs du cou. Le son et la voix du cor allèrent jusqu'aux oreilles de Charlemagne qui étoit loin de Roland d'environ huit milles. "
Un cor baladeur !
Voici ce qu'écrivit Léopold Niepce (vice-président de la société littéraire de Lyon, historien d'art, précurseur de la sensibilisation au patrimoine) en 1890 sur le cor de Roland.
Jadis, les moines de l'Ile-Barbe au nord de Lyon, conservaient avec un soin pieux dans leurs archives, au château de l'Ile, un cor que la tradition dit avoir appartenu au fameux palatin Roland. Ce cor était en ivoire et pesait six livres et demie; son embouchure manquait. L'intérieur du pavillon était peint en rouge. Sur le côté étaient écrits ces mots : " L'an mil quatre cent quatre-vingt-onze, le 11 juillet, abbé de la dite isle, d'Albon. "
L'un des membres de l'illustre famille de Mont-d'Or, laquelle avait son tombeau dans l'église de l'Ile-Barbe, s'était plu à faire don à l'abbaye, de ce cor de Roland, dont cette maison prétendait descendre. Il s'était réservé, en faisant ce don, le droit d'aller tous les ans à l'abbaye, le jour de l'Ascension, et de l'exposer à la vénération des fidèles, très nombreux ce jour à l'abbaye de l'Ile-Barbe. Il s'était réservé, en outre, la faculté de prendre deux emboutées (poignées) des offrandes faites à l'autel de la chapelle Notre-Dame, par les pèlerins et de les distribuer aux pauvres. "
Cette cérémonie a dit Le Laboureur (titre du chanoine et chantre de l'abbaye) a duré jusqu'en 1562 lorsque les hérétiques dépouillèrent le cor de ses ornements, le laissant sans honneur dans un coin des archives. En 1680, Le Laboureur, Antoine Clapeyron, qui avait rendu quelques services au Chapitre, manifesta le désir de posséder la relique.
La Compagnie par acte du 5 janvier 1745 le lui abandonna " pour en disposer, comme il en aviseroit bon être. " Le 15 du même mois le chanoine Clapeyron en fit présent à M. de Lafond, seigneur de Curis et de Juys, et celui-ci le rendit à messire Laurent de Mont d'Or le 20 août 1769. La famille ne le conserva pas et messires, Laurent, César, Charles, Humbert de Mont d'Or l'offrirent au Chapitre, c'est à dire à la Primatiale Saint-Jean après la suppression de l'abbaye de l'Ile Barbe. À la Révolution, la Nation, s'en empara et il fut réuni à tous les objets qu'elle avait confisqué en 1791 dans les maisons religieuses.
Laurent de Mont-d'Or le réclama par une pétition adressée au district de Lyon, lequel donna un avis favorable dans sa séance du 31 décembre 1791. Le directoire du département ordonna ensuite que ce "cornet" devra être rendu à celui des Montdor qui le réclame. Depuis lors, ce cor avait disparu et on ignorait son sort ; Léopold Niepce est parvenu à savoir grâce à M. Morel de Voleigne que Charles-Louis de Mont-d'Or ayant péri, avec son fils, sur l'échafaud de la Révolution, sa fille Eléonore Gabrielle, s'étant remariée avec M. Claude-Frédéric de Roquelaude, chevalier de Saint-Louis, à Vitry-le-François, ce dernier en fit hommage, en 1829, à monseigneur le comte de Chambord, lequel l'emporta avec lui dans son exil.
Longtemps on l'a vu dans son cabinet, à Frohsdorf château autrichien. Il est donc probable que le comte de Bardi, son neveu et son héritier, en est en possession aujourd'hui.
Oui, mais bon, le cor de Roland n'est plus à la France.
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