1946 2 Tours de France
la Ronde de France et la Course du Tour
Cette année-là les Français qui vivent encore avec leurs cartes de rationnement, ont le choix entre une petite boucle communiste et une course gaulliste.
Du 10 au 14 juillet, le journal Ce soir, associé à Sports, présente sa Ronde de France qui doit relier Bordeaux à Grenoble. Quelques jours plus tard, la Course du Tour, organisée par l’Équipe et le Parisien libéré, s’élancera le 23 juillet avec cinq étapes entre Monaco et le vélodrome du Parc des Princes à Paris. Cliquez sur les images pour bien les visualiser
Derrière le côté festif de ce double évènement se cachent des enjeux économiques et politiques importants ; objectif : obtenir les années suivantes l’organisation officielle du Tour de France, le seul et unique.
Revenons en arrière : le 30 septembre 1944, le gouvernement provisoire de la République française, présidé par de Gaulle, fait interdire tous les journaux parus sous l’Occupation dont l’Auto, organisateur du Tour depuis 1903. En février 1946, le ministère de l’information autorise la publication de l’Équipe qui prend officieusement la suite de l’Auto.
En face on trouve Sports, soutenu par le Parti communiste français. Ces rivaux convoitent la manne du Tour de France, qui permet d’augmenter les ventes de l’été.
Le 10 juillet s’élance la Ronde de France, le tour Communiste. Sur le bord des routes, le public jubile, mais côté casting c’est plutôt décevant, aucune star française et même les cracks italiens Bartali et Coppi sont absents au départ.
De son côté, la Course de l’Équipe bénéficie de la présence de René Vietto, le plus populaire des coureurs français.
Pour le plus grand plaisir des spectateurs, les deux courses égrènent les étapes mythiques : cols d’Aubisque et du Tourmalet dans les Pyrénées, celui du Galibier dans les Alpes.
C’est pour la Course du Tour de l’Équipe que bat le cœur des Français. Il couronne le jeune Apo Lazaridès, un Français, tandis que la Ronde est remportée par Breschi, un inconnu du grand public.
Au niveau politique, la situation s’envenime entre le Parti communiste et les partisans du général de Gaulle. Ces derniers refusent qu’un évènement comme le Tour de France puisse bénéficier de la « presse gauchiste »
Le 8 juin 1947, le ministre Pierre Bourdan rend enfin sa décision : l’Équipe de Jacques Goddet obtient l’autorisation de l’évènement.
Emilien Amaury est à la manœuvre. Ex-résistant gaulliste, il sert de caution morale à l’ancien directeur de l’Auto. En échange, il entre au capital du nouveau journal et devient co-organisateur du Tour. Les gaullistes ont tout gagné !
Sports, l’Humanité et Ce soir crient à la trahison. Ils n’hésitent pas à rappeler le passé de maréchaliste de Jacques Goddet ! Ce dernier sort de son chapeau un atout de poids : il affirme avoir été membre du réseau Alibi.
Vrai patriote ou résistant de la 25e heure ? Difficile à dire, d’autant que les archives du Conseil national de la Résistance viennent de s’abimer en mer, en étant rapatriées de Londres.
C’est le coup de grâce pour Sports qui disparaît fin 1948. Aujourd’hui, le Tour de France demeure la propriété de l’Équipe qui appartient toujours au groupe Amaury ! Le journal a soufflé en 2016 ses 70 bougies et reste l’unique quotidien sportif français.
Ajouter un commentaire