Le Gland et la Citrouille
Livre IX , fable 4 de La Fontaine - 1671
Cette fable à l'inverse de nombreuses autres ne s'inspire ni de Phèdre ni d'Ésope. Il semblerait qu'il ait eu connaissance de l'ouvrage de Tabarin sur des pièces populaires paru en 1622 dans : Recueil des questions tabariniques qui reprenait des dialogues entre Grattelard et son maître dans l'ouvrage Rencontres, fantaisies et coq-à-l'âne facétieux du baron de Grattelard. 7e question :
Grattelard. – En me promenant dans le jardin, j’ai aperçu une grosse citrouille et, par ma foi, c’était un vrai tambour de Suisse qui devrait être pendu en l’air. J’admirai comme Nature avait eu si peu d’esprit de faire qu’un si gros fruit avec sa petite queue fut resté à terre. Mais quand j’ai été plus avant dans le bois, j’ai bien changé d’avis et d’opinion.
Le maître. – Tu as reconnu que la nature ne produit rien qu’avec grande considération.
Grattelard. – Par la mordienne, j’étais perdu si elle eût fait autrement, car en passant par-dessous un grand chêne, j’entendais chanter un oiseau qui par son doux ramage m’arrêta tout court, et, comme je voulais regarder en haut, un gland me tombe sur le nez. Je fus contraint alors d’avouer que la nature avait bien fait, car si elle eût mis une citrouille au sommet du chêne, cela m’eût cassé le nez.
Le nom de Garo utilisé par La Fontaine est de son côté, certainement emprunté au Pédant joué de l’auteur libertin Savinien de Cyrano de Bergerac (1619 -1655). je rappelle qu'Edmond Rostand s'est librement inspiré du nom de ce dernier pour nommer le héro de son oeuvre maîtresse Cyrano de Bergerac.
Illustrations
On voit bien Garo dans l'illustration de La Fontaine qui se tient le nez après avoir été touché par un gland dans son sommeil.
Dans mon illustration : création d'un décor avec un beau ciel bleu, puis incrustation d'un chêne.
Pour le personage, après avoir pris une photo de profil d'un mannequin de devanture, je lui ai mis la couleur chair et rajouté des cheveux. je l'ai positionné sur le côté gauche, mis une goute de sang sous le nez.
En dessous ce fut le tour d'une main ouverte sur laquelle j'ai mis un gland que j'ai rendu un peu lumineux et en bas à droite j'ai positionné une citrouille proche d'un champ de cucurbitacées.
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Version de La Fontaine
Dieu fait bien ce qu’il fait.
Sans en chercher la preuve
En tout cet Univers, et l’aller parcourant,
Dans les Citrouilles je la treuve. (trouve en vieux français)
Un villageois, considérant
Combien ce fruit est gros, et sa tige menue
? quoi songeait, dit-il, l’Auteur de tout cela ?
Il a bien mal placé cette Citrouille-là :
Hé parbleu, je l’aurais pendue
? l’un des chênes que voilà.
C’eût été justement l’affaire ;
Tel fruit, tel arbre, pour bien faire.
C’est dommage, Garo, que tu n’es point entré
Au conseil de celui que prêche ton Curé ;
Tout en eût été mieux ; car pourquoi par exemple
Le Gland, qui n’est pas gros comme mon petit doigt,
Ne pend-il pas en cet endroit ?
Dieu s’est mépris ; plus je contemple
Ces fruits ainsi placés, plus il semble à Garo
Que l’on a fait un quiproquo.
Cette réflexion embarrassant notre homme :
On ne dort point, dit-il, quand on a tant d’esprit.
Sous un chêne aussitôt il va prendre son somme.
Un gland tombe ; le nez du dormeur en pâtit.
II s’éveille ; et portant la main sur son visage,
Il trouve encor le Gland pris au poil du menton.
Son nez meurtri le force à changer de langage ;
Oh, oh, dit-il, je saigne ! et que serait-ce donc
S’il fût tombé de l’arbre une masse plus lourde,
Et que ce gland eût été gourde ?
Dieu ne l'a pas voulu : sans doute il eût raison ;
J’en vois bien à présent la cause.
En louant Dieu de toute chose,
Garo retourne à la maison.
Version de Fabulgone
Où La Fontaine témoigne que la nature bonne copine,
Est bien l’œuvre du barbu qui parfois nous taquine.
Un blaireau glandouillait au milieu de son jardin.
Biglant une citrouille, il joue les gros malins.
Pour moi le créateur s’est gouré dans ses choix.
J’aurais pendu la courge au chêne que voilà,
Car ces glands minuscules qui pendent riquiqui
Seraient bien mieux placés à côté des radis.
Les mistons bien souvent se prennent pour des dieux
Plus ils sont incapables, plus ils sont prétentieux.
Vouloir refaire le monde dans les brèves de comptoir
Et jouer les Don Quichotte auprès d’un auditoire
Dans les troquets à Lyon, Paris ou bien Marseille
Ils jabillent leurs conneries à nuls autres pareil.
Le mecton épuisé d’avoir trop gambergé
À l’ombre du grand chêne, s’allonge pour pioncer.
Un gland se détache alors et lui heurte le pif.
Il essuie le raisiné de son appendice olfactif,
En se disant - Couyon, si à la place du gland
T’avais chopé la courge, celle-ci t’écrabouillant,
Saint-Pierre sur son nuage se serait payé ta fiole,
Te voyant ralléger chougnant comme un mariole.
Vous qui n’êtes des dieux que la caricature
Les apprentis sorciers, qui salopent dame nature
Prenez garde qu’un jour ce n’soit sur votre citrouille
Qu’elle se venge car alors c’est en crevant de trouille
Que vous tomberez à genoux comme des mécréants
En pensant à la fable de la courge et du gland.
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