Le Chartier embourbé
La Fontaine - Livre VI - fable 18
La Fontaine pour rendre hommage à Esope, enjoliva son texte :
Le Bouvier et Hercule.
Un charretier emmenait d’un village un chariot qui glissa dans une fondrière. Il lui fallait du secours et il se tenait là sans rien faire, implorant Hercule. Car c’était ce dieu qu’il aimait et honorait entre tous. Alors le dieu lui apparut et lui dit : « Mets la main aux roues, pique les bœufs et ensuite implore le dieu quand à ton tour tu agiras. En attendant, ne fait pas de prières en vain. »
La Fontaine va améliorer ce texte avec une morale qui va devenir un proverbe que tout le monde connait de nos jours :
« Aide-toi, le ciel t’aidera. » Illustration de Gustave Doré
Notes :
Phaéton fils du soleil voulu conduire le char de Jupiter. Mauvais conducteur il faillit embraser la Terre. Irrité, Jupiter le foudroya. À l’époque de La Fontaine, phaéton était un nom commun péjoratif pour désigner un mauvais cocher ou un charretier dont la réputation était de jurer sans vergogne (chartier n’a que deux syllabes dans la fable pour la mesure du vers).
La machine ronde qu’Hercule a porté sur son dos est le globe terrestre ce qui veut dire que La Fontaine connaissait bien la mythologie des douze travaux dans ses détails ; en effet, à la fin de ses épreuves, il a remplacé Atlas portant le monde le temps qu’il aille lui-aussi se procurer quelques pommes d’or du jardin des Hespérides.
Le phaéton d’une voiture à foin
Vit son char embourbé. Le pauvre homme était loin
De tout humain secours : c’était à la campagne,
Près d’un certain canton de la basse Bretagne,
Appelé Quimper-Corentin
On sait assez que le destin
Adresse là les gens quand il veut qu’on enrage
Dieu nous préserve du voyage !
Pour venir au chartier embourbé dans ces lieux
Le voilà qui déteste et jure de son mieux
Pestant en sa fureur extrême,
Tantôt contre les trous, puis contre ses chevaux,
Contre son char et contre lui-même.
Il invoque à la fin le dieu dont les travaux
Sont si célèbres dans le monde :
31 mars 2022
« Hercule, lui dit-il, aide-moi. Si ton dos
A porté la machine* ronde,
Ton bras peut me tirer d’ici. »
Sa prière étant faite, il entend dans la nue
Une voix qui lui parle ainsi :
« Hercule veut qu’on se remue ;
Puis il aide les gens. Regarde d’où provient
L’achoppement qui te retient ;
Ote d’autour de chaque roue
Ce malheureux mortier, cette maudite boue
Qui jusqu’à l’essieu les enduit ;
Prends ton pic et me romps ce cailloux qui te nuit ;
Comble-moi cette ornière. As-tu fait ? Oui dit l’homme.
Or bien je vas t’aider, dit la voix. Prends ton fouet.
Je l’ai pris. Qu’est ceci ? mon char marche à souhait :
Hercule en soit loué ! » Lors la voix : « Tu vois comme
Tes chevaux aisément se sont tirés de là.
Aide-toi, le Ciel t’aidera.»
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