La jeune veuve
La Fontaine - Livre VI fable 21
Nous sommes toujours dans la commémoration du 400e anniversaire de la naissance, le 8 juillet 1621, de Jean de La Fontaine, célébré par l'Institut de France.
Voici une fable qui n’a pas de " morale " à proprement parler et qui est en fait le constat d’une vérité souriante.
La Fontaine nous offre une pièce de vers charmante avec un prologue plein de finesse, de naturel et de grâce.
Le discours du père à la fille est plein de sentiments, de douceur et de raison.
La réponse première de la jeune veuve appartient encore à la passion de feu son mari.
Les divers changements que le temps amène dans la toilette vont la conduire au dernier trait d’esprit :
« Où donc est le jeune mari ? »
Nous passons alors dans cette fable, de la sévérité à la grâce ingénue.
C’est toujours même note et pareil entretien.
On dit qu’on est inconsolable
On le dit mais il n’en est rien.
Comme on verra par cette fable
Ou plutôt par la vérité.
L’époux d’une jeune beauté
Partait pour l’autre monde. A ses côtés sa femme
Lui criait : Attends-moi je te suis ; et mon âme,
Aussi bien que la tienne est prête à s’envoler. »
Le mari fait seul le voyage.
La belle avait un père, homme prudent et sage ;
Il laissa le torrent couler
A la fin pour la consoler.
« Ma fille, lui dit-il, c’est trop verser de larmes :
Qu’à besoin le défunt que vous noyez vos charmes ?
Puisqu’il est des vivants, ne songez plus aux morts.
Je ne dis pas que tout à l’heure,
Une condition meilleure
Change en des noces ces transports.
Mais après certain temps, souffrez qu’on vous propose
Un époux beau, bien fait, jeune et tout autre chose
Que le défunt – Ah ! dit-elle aussitôt,
Un cloître est l’époux qu’il me faut. »
Le père lui laissa digérer sa disgrâce.
Un mois de la sorte se passe.
L’autre mois on l’emploie à changer tous les jours
Quelque chose à l’habit, au linge, à la coiffure.
Le deuil enfin sert de parure
En attendant d’autres atours.
Toute la bande des Amours
Revient au colombier : les jeux, les ris, la danse,
Ont aussi leur tour à la fin.
On se plonge soir et matin
Dans la fontaine de Jouvence.
Le père ne craint plus ce défunt tant chéri,
Mais comme il ne parlait de rien à notre belle :
« Où donc est le jeune mari
Que vous m’aviez promis ? Dit-elle.
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