Le Grillon
Version de Florian
Un pauvre petit grillon
Caché dans l’herbe fleurie
Regardait un papillon
Voltigeant dans la prairie.
L’insecte ailé brillait des plus vives couleurs ;
L’azur, le pourpre et l’or éclataient sur ses ailes ;
Jeune, beau, petit-maître, il court de fleurs en fleurs
Prenant et quittant les plus belles.
Ah ! Disait le grillon, que son sort et le mien
Sont différents ! Dame nature
Pour lui fit tout et pour moi rien.
Je n’ai point de talent, encor moins de figure ;
Nul ne prend garde à moi, l’on m’ignore ici-bas :
Autant vaudrait n’exister pas
Comme il parlait, dans la prairie
Arrive une troupe d’enfants ;
Aussitôt les voilà courants
Après ce papillon dont ils ont tous envie.
Chapeaux, mouchoirs, bonnets, servent à l’attraper.
L’insecte vainement cherche à leur échapper,
Il devient bientôt leur conquête.
L’un le saisit par l’aile, un autre par le corps ;
Un troisième survient et le prend par la tête.
Il ne fallait pas tant d’efforts
Pour déchirer la pauvre bête.
Oh ! Oh ! Dit le grillon, je ne suis plus fâché ;
Il en coûte trop cher pour briller dans le monde.
Combien je vais aimer ma retraite profonde !
Pour vivre heureux vivons caché.
Version de Fabulgone
Un grillon tout mignard planqué sur une herbette,
Près d’un coquelicot reluquait à la sauvette,
Un papillon machaon aux ailes bleues et or,
Butinant les bleuets et puis les boutons d’or.
Dame nature est vacharde, grésillait l’ensifère
Elle qui m’a créé bien plus noir que l’enfer.
Machaon est aimé, tout le monde m’ignore.
À quoi me sert de vivre, j’en appelle à la mort.
Pendant qu’il rouscaillait, arrivent dans le pré
Une paire de mioches qui s’mettent à courater
Après le papillon qu’ils veulent arquepincer,
Et qui en courant d’air, ne put se déguiser.
Le garçon chopa une aile, la fillasse la queue.
Ils cigognèrent la tête, tuant le porte-queue.
Les momignards caltèrent laissant tomber l’insecte
Sans penser qu’ils avaient commis un crime abject
Aux yeux de l’ensifère encore tout brassouillé
Et surpris de ce drame, de sa soudaineté.
Le grillon gambergea que les stars du show-biz
Adulées par leurs fans qui leur tapent la bise,
Sont aussi poursuivies par des paparazzis
Qui leur prennent la tête, leur pourrissent la vie.
L’issue bien sûr n’est pas toujours aussi fatale
Que pour le papillon qui n’entrava que dalle
Quand il partit rejoindre le squelette et sa faux.
Anonyme, il aurait évité bien des maux !
Cette maxime crois-moi, il vaut mieux adopter :
« Pour vivre heureux, vivons caché. »
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