La Fable et la Vérité

Jean-Pierre Claris de Florian - Fabuliste

Jean pierre claris de florianJean-Pierre Claris de Florian (6 mars 1755 - 12 septembre 1794) sert comme officier de dragons puis devient un des familiers du château de Sceaux et le protégé de Voltaire dont il était le petit neveu.

Auteur dramatique, romancier, poète, fabuliste, il fut lauréat de l’Académie. Il y remplaça, le 6 mars 1788, le fauteuil du cardinal de Luynes.
Pendant la Révolution, il fut emprisonné sous la Terreur et relâché au 9 thermidor ; il mourut des souffrances endurées pendant sa détention, une année après, âgé de trente-neuf ans.

Il a laissé des Fables, les meilleures après celles de La Fontaine, quelques pièces de théâtre et des pastorales.

Version de Florian

La vérité, toute nue,
Sortit un jour de son puits.
Ses attraits par le temps étaient un peu détruits
Jeune et vieux fuyaient à sa vue.
La pauvre vérité restait là morfondue,
Sans trouver un asile où pouvoir habiter.
A ses yeux vient se présenter
La fable, richement vêtue,
Portant plumes et diamants,
La plupart faux, mais très brillants.
Eh ! Vous voilà ! Bon jour, dit-elle :
Que faites-vous ici seule sur un chemin ?
La vérité répond : vous le voyez, je gèle ;
Aux passants je demande en vain
De me donner une retraite,
Je leur fais peur à tous : hélas ! Je le vois bien,
Vieille femme n’obtient plus rien.
Vous êtes pourtant ma cadette,
Dit la fable, et, sans vanité,

Partout je suis fort bien reçue :
Mais aussi, dame vérité,
Pourquoi vous montrer toute nue ?
Cela n’est pas adroit : tenez, arrangeons-nous ;
Qu’un même intérêt nous rassemble :
Venez sous mon manteau, nous marcherons ensemble.
Chez le sage, à cause de vous,
Je ne serai point rebutée ;
A cause de moi, chez les fous
Vous ne serez point maltraitée :
Servant, par ce moyen, chacun selon son goût,
Grâce à votre raison, et grâce à ma folie,
Vous verrez, ma sœur, que partout
Nous passerons de compagnie

C’est donc tel Arlequin que depuis deux mille ans 
La Fable avec la Vérité amusent la galerie
Et que par le détour de quelques facéties
Elles transmettent leur morale à des milliers de gens

Florian 1792 Fable et Vérite

Version de Fabulgone

Où Fabulgone t’annonce la couleur :
La vérité est bien pâlichonne et ne fait plus recette.
Il faut que la friponne, soit rendue guillerette.
Seule la baguette magique  que tient le fabuliste,
Saura d’une pirouette nous la remettre en piste.

La Vérité qui se faisait tartir dans son puits,
En sortit à loilpuche, mais elle avait vieillie.
Elle qui auparavant, des magazines ornait la une,
Resta sur le carreau, plantée là comme une bugne,
Toute seulabre dans la nuit, chougnant son infortune.
C’est alors qu’elle zyeuta rallégeant tout près d’elle
Une drôlesse sapée comme une romanichelle.
Parée de ses bijoux en joncaille rutilante,
De fripes bariolées, et toute aussi canante 
Qu’Esméralda dansant à la fête des fous
Faisant baver d’envie quelques sombres grigous.
Salut la gueuse, dit-elle, moi mon blase c’est la Fable.
Etre à poil par ce froid, t’as du péter un câble ?
Que glandes-tu icigo ? Qu’as-tu fait de tes fringues ?
T’as fait un strip-poker ? Parole ! Tu sors de bringue ?
La Vérité répond : Si je me caille les miches
Et passe dans le coinsto pour une vieille potiche,
C’est parce que de nos jours les gens se font avoir,
Par les belles promesses de leurs politicards.
La langue de bois fleurit à tous les coins de rues
Et moi qui dis le vrai, plus jamais ne suis crue.
Je suis bien trop viocarde et retourne dans mon puits.
Le mensonge va aux hommes, leur pourrir la vie.
Dégoise pas des fadaises ma commère, dit la Fable
La faiblesse crasse des hommes est certes indécrottable,
Mais commence déjà par mettre l’imperméable,
Qui aux yeux des blaireaux te rendra présentable.
Rallège dans ma chaumière, je vais te relooker,
T’apprendre tous mes tours pour les mecs attirer.
Et c’est en se poilant, se doutant de que dalle,
Qu’ils viendront esgourder nos leçons de morale.

Fable et Vérité  de Fab