L'aveugle et le paralytique

Cette fable a été inspirée d'un texte écrit par Christian Fûrchtegott Gellert (1715-1769), un saxon qui vivait à Leipzig. En 1745, cet érudit enseignait la poésie, la rhétorique et la littérature à l'université de Leipzig où, en 1751 et jusqu'à sa mort, il fut "professeur extraordinaire" de philosophie morale. Friedrich Klopstock, poète renommé lui écrira : « La fille la plus belle et la plus aimée de la plus belle des mères, devra te lire pour : devenir encore plus belle en te lisant, et, te voyant endormi, t'embrasser avec candeur. » 
Gellert dans son récit avait évoqué Confucius ce que reprit Florian, même si personne n'est en mesure d'affirmer ou d'infirmer si cette anecdote chinoise a bien existée.

La fable de Claris de Florian

Aidons-nous mutuellement,
La charge des malheurs en sera plus légère ;
Le bien que l'on fait à son frère
Pour le mal que l'on souffre est un soulagement.
Confucius l'a dit ; suivons tous sa doctrine :
Pour la persuader aux peuples de la Chine, 
Il leur contait le trait suivant :
Dans une ville de l'Asie
Il existait deux malheureux,
L'un perclus, l'autre aveugle, et pauvres tous les deux.
Ils demandaient au Ciel de terminer leur vie :
Mais leurs cris étaient superflus,
Ils ne pouvaient mourir. Notre paralytique, 
Couché sur un grabat dans la place publique,
Souffrait sans être plaint ; il en souffrait bien plus.
L'aveugle, à qui tout pouvait nuire,
Était sans guide, sans soutien,
Sans avoir même un pauvre chien
Pour l'aimer et pour le conduire.
Un certain jour il arriva
Que l'aveugle à tâtons, au détour d'une rue,
Près du malade se trouva ;
Il entendit ses cris, son âme en fut émue.
Il n'est tels que les malheureux
pour se plaindre les uns des autres.
J'ai mes maux, lui dit-il, et vous avez les vôtres :
Unissons-les, mon frère ; ils seront moins affreux.
Hélas dit le perclus, vous ignorez, mon frère,
Que je ne puis faire un seul pas ;
Vous-même vous n'y voyez pas :
À quoi nous servirait d'unir notre misère ? 
À quoi ? répond l'aveugle, écoutez : à nous deux
Nous possédons le bien nécessaire ;
J'ai des jambes, et vous des yeux.
Moi, je vais vous porter ; vous, vous serez mon guide :
Vos yeux dirigerons mes pas mal assurés,
Mes jambes à leur tour iront où vous voudrez :
Ainsi, sans que jamais notre amitié décide
Qui de nous deux remplit le plus utile emploi,
Je marcherai pour vous, vous y verrez pour moi

Cette fable de Florian à pour principale caractéristique, que la morale figure en préambule

Elle a suscité un tel engouement, que plusieurs villes, dont Cambrai et Levallois-Perret, ont fait ériger dans leur jardin public une statue, allégorie des deux miséreux.

La statue la plus célèbre a été installée en 1883 au Palais Episcopal d'Arles.
Elle a été réalisée par Jean Turcan (1846-1895),
statuaire arlésien renommé.

 

L'aveugle et le paralytique 

05 mai 2021