Papillottes la création

La créativité de Pétrus

Le lendemain matin, le Pétrus, qu’était un garçon bien honnête, cependant chipa dans un bocal de la cuisine de maître Papillot une grosse crotte en chocolat puis il écrivit sur un papier quatre vers qu’il avait mijotés deux heures durant :

Mamzelle Jacqueline
Vous avez bonne mine
Je vous donne mon cœur
Pour vous porter bonheur

Le Pétrus avait appris la poésie à l’école et c’n’est pas rien tant facile à faire que la pâtisserie. Tout content de lui, il roula sa crotte dans le papier et lorsque vers huit heures, la Jacqueline traversa son allée, elle trouva le Pétrus qui l’attendit et qui lui redit comme la veille :
« Bien le bonjour, mamzelle ! » puis il ajouta en lui tendant son petit paquet :
« Tenez, voilà un chocolat que j’ai fait pour vous ».

Ça, c’était pas vrai ! c’était le Papillot qui l’avait fait le chocolat, le Pétrus n’était pas encore de force à en faire. Mais pas moins dans la vie on est ben, des fois qu’il y a, obligé de profiter de ça que les autres ont fait. La Jacqueline répondit gentiment :
« Merci bien, m’sieur, j’aime beaucoup le chocolat ».

Et pendant huit jours ce fut de même et de pareil. Toute la nuit le Pétrus cherchait dans sa tête des jolis vers qu’il écrivait sur un papier dans lequel il mettait un chocolat chipé dans le bocal du Papillot. Au bout de huit jours, le gone et la fenotte étaient de se connaître et de se comprendre. Le pétrus attendait sa Jacqueline sur le quai, ils traversaient l’allée ensemble et se quittaient en rue Mercière. Et à chaque fois le gone remettait à la fenotte une crotte en chocolat plié dans un billet doux.
Un matin, la Jacqueline dit à son ami :
«  Faudrait mettre ça dans un autre papier parce que vos jolies lettres sont toutes froissées et je ne peux pas les mettre dans mon livre de messe, moi qui voudrait tant les lire et les relire sans que personne en sache rien ».

PapillotesToute la journée le Pétrus se demanda comment il pourrait bien envelopper sa crotte de chocolat et son message sans que ça ait l’air d’un bourron de papier à jeter aux équevilles. Enfin il trouva. Il coupa un morceau de papier blanc bien glacé, en petits carrés, dans un de ces carrés il mit son chocolat et son billet doux, et roula le papier tout autour, le côté glacé bien à l’extérieur. Cela donnait une sorte de petit tube et il eut l’idée de couper en franges les deux extrémités, rapport qu’à cette époque les franges étaient bien de mode et que toutes les dames de Perrache et de Bellecour portaient des franges à leurs robes.

Mais comment faire pour que tienne ce papier roulé, le coller ou l’attacher avec une ficelle ? Cela devenait difficultueux. Point de colle chez le Papillot, de la ficelle bien sûr, mais c’était encore du temps à perdre. Comment faire son envoi de gourmandise et d’amour ?

Il eut une idée. Prenant son joli tuyau par le milieu, il en retourna plusieurs fois sur eux-mêmes les deux bouts, franc contre le chocolat et ce fut une merveille. Le lendemain, quand le gone remit à la fenotte son joli cadeau si bien présenté, celle-ci lui dit : 
« Oh ! m’sieur Pétrus, que c’est donc joli ! Faudra toujours y faire comme ça, n’est-ce pas ! Et la gentille petite beline fit à son belin un gros mimi, de tout son cœur.

Mais vous pensez bien braves gens, que dans une rue comme la rue Mercière tout un chacun voit ce qui s’y passe et le raconte bien vite aux autres mondes. Aussi le Papillot resta pas rien longtemps avant d’apprendre que, tous les matins que Dieu fait, d’avant que les huit heures soient sonnés au clocher de Saint-Nizier, son apprenti, le Pétrus attendait dans l’allée, sur le quai une petite poutrone qu’était encore d’aller à l’école. Que tous les deux ils tenaient conversation, que chaque fois le gone remettait à la beline un tout petit paquet qu’on n’voyait pas ce que ça pouvait être et qu’en fin finale, ils se faisaient péter la miaille que s’en était honteux. Tout de même, avait dit la vieille rombière, la concierge de la maison d’en face, qui la première, avait raconté ça au Papillot, faut-y que la jeunesse d’aujourd’hui soye dévergondée. C’est pas rien de mon temps qu’on aurait vu des choses pareilles !...

Et ne voilà-t-il pas qu’un jour, juste au moment où, sur le pas de la porte d’allée de la rue Mercière, le Pétrus, ayant remis à la Jacqueline son petit message, allait recevoir la récompense habituelle, oui, voilà-t-il pas que le Papillot, un balai à la main, sortant de sa boutique, se précipita sur les deux petits mamis.

? suivre…