La voiture aux chèvres

Les beaux jours place Bellecour

Dès les premiers beaux jours, la place Bellecour prend une animation extraordinaire. Il y a sous les marronniers et autour du chef d'œuvre de Lemot (Le cheval de bronze) foule de promeneurs.
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Voiture aux chèvresLa voiture aux chèvres, avec laquelle tous les lyonnais se sont donné l'illusion de posséder un équipage, passe à bonne allure.
Voici les bonnes d'enfants et leurs inséparables militaires, les babys qui qui se livrent à leurs joyeux ébats, la foule des « gommeux », cocottes, petits marchands, flâneurs de tous acabit, et enfin les mamans, les demoiselles à marier, les vieilles dames et les vieux messieurs qui forment, sous les orangers la « potinière » où tout se raconte, tout se grossit, où le plus petit fait prend de l'importance d'un événement. 

Tout cela bavarde, gesticule, tourbillonne et fait de la place Bellecour le coin de Lyon où le psychologue et le caricaturiste ont le plus à glâner.
Et il n'en coûtera que cinquante centimes pour donner à l'enfant descendu de la voiture aux chèvres un beau ballon rouge qu'on attachera à son poignet, à moins que maladroitement libéré, il ait aussitôt pris de l'altitude pour filer au-dessus des frondaisons des marronniers.
Il arrivait aux chèvres de la voiture de voir passer en liberté d'autres chèvres : celles que conduisait un gardien en blouse et béret qui jouait des airs « du pays » sur son harmonica, celles qui fournissaient  aux enfants des bols de lait « bourru ».
Et il n'y avait pas de commission d'hygiène pour prescrire le lavage de chaque bol vide. Le chevrier se contentait de le secouer d'un geste large avant de le remplir et de le passer à un autre client.
À propos de lait, n'est-ce-pas à la porte d'un hôtel de Bellecour qu'était accroché l'écriteau : « Pour le lait d'ânesse, s'adresser à la concierge. »