Premiers épisodes
Épisode 5 - les pieds
Il n’y a pas d'hommes grands, ni des petits.
La bonne taille, c’est quand les pieds touchent bien par terre !
COLUCHE
Être sans pieds, c’est pas vraiment le pied !
- C’est qui qu’est là ? s’enquit Pinocchio.
- C’est moi, ton père, répondit la voix.
Sortant à peine du coltar, le galapian ne s’était pas rendu compte que ses arpions avaient cramés. Il sauta de son siège, se retrouva sur deux ‘’échasses’’, tituba un chouia avant de s’abouser au sol, bousculant un guéridon qui contenait des outils dans une caisse métallique provoquant un vacarme que tu croirais entendre une série de galtouses dégringolant du cinquième étage.
Intrigué Geppetto beurla : c’est quoi ce binz, ouvre-moi !
- Mais mon papa j’y peux pas, on m’a mangé les pieds !
- Et qui donc te les a mangés ? questionna le sculpteur, craignant que son gone n’ait fumé un chichon.
Pinocchio qui venait d’arreluquer le greffier qui s’amusait avec des copeaux inventa : C’est le miron.
- Ouvre-moi où je vais t’en donner du chat, mais ce sera du chat à neuf queues !
- Pitié mon pipa, croyez-moi, je ne peux me tenir debout. Misère à poil, je vais toute ma vie devoir me traîner à genoux !...
Le brave homme persuadé que l’artoupan mentait pour échapper à la correction rentra dans la maison en passant par la fenêtre entrouverte. Quand il vit le pantin par terre, sa rogne s’estompa et il prit son gamin dans les bras.
- Mais c’n’est pas dieu posse, comment as-tu fait pour te griller les pinceaux ?
Alors ici, le récit du pantin, qui voulait tout expliquer, explosa dans un salmigondis d’informations ; Il passa du vent chanin, à la tempête, à la faim qui le tenaillait puis au Grillon-qui-parle venu lui faire la morale et sa mort accidentelle, continua avec le poussin sortant de la poêle disant ‘’Adieu et bonjour chez-vous’’, pour conclure sur le petit vieux qui lui jeta une bassine d’eau sur la tronche et enfin sur ses pieds qu’il avait voulu mettre à sécher en les posant sur le brasero.
- Bouh ! J’ai plus mes ripatons mais la fringale reste bien présente.
Geppetto ne retint finalement de toutes ces élucubrations que la faim et il sortit de sa poche trois poires qu’il gardait pour son déjeuner. Il les tendit au pantin.
- Si je dois les manger, faut me les éplucher !
- Tu es bien délicat pour un affamé et les enfants doivent apprendre à manger de tout ; on ne sait ce que l’avenir nous réserve, tout peut être utile en ce bas monde !
- Vous causez comme le bouquin d’un intello, mais j’n’aime pas les peaux.
Le brave Geppetto que ce caprice commençait à gonfler se retint de coller une baffe au morveux. Il éplucha les fruits en posant les épluchures sur un coin de table. Le gamin s’enquilla la première poire en deux bouchées et allait jeter le trognon quand Geppetto arrêta le geste et reprit la sentence : ne le jette pas tout peut être utile en ce bas monde ! Autant pisser dans un violon, le marque-mal haussa les épaules et les trois trognons rejoignirent les épluchures.
- J’ai encore la fringale ! couina Pinocchio.
- Désolé gamin, mais je n’ai plus rien à te donner.
- Plus rien !
- Non, plus rien que ces épluchures et ces trognons de poires.
- Tant pis ! dit Pinocchio, s’il n’y a plus rien à dégringoler de la croque, je bouloterai bien une épluchure. Il commença à mâchouiller une épluchure comme une pignoche devant sa soupe de légumes et à cha peu engloutit de plus en plus vite trognons et épluchures. Ravi, il se mit à battre des mains de contentement en disant : maintenant, je me sens bien !
- Tu vois, lui fit remarquer Geppetto, que tout peut être utile en ce bas monde ! L’embuni bien calé, la marionnette recommença à bougonner et à pleurnicher en réclamant des pieds neufs. Mais Geppetto qui voulait donner une leçon au gamin se mit à jouer de la longue en le laissant se désespérer une bonne partie de la journée avant de lui demander : Pourquoi devrais-je te refaire les panards, si c’est pour te barrer une nouvelle fois ?
- Promis, juré, craché, répondit le pantin en chougnant, je serai sage comme une image.
- Je sais comment ça se danse, c’est ce que disent tous les marmots quand ils veulent quelque chose.
- J’irai à l’école, j’étudierai, je ferai des étincelles...
- Cause toujours beau merle, y’a pas écrit pigeon sur mon front.
- Mais si, c’est la vérité vraie, je serai le plus gentil et je jure que j’apprendrai un métier pour devenir votre bâton de vieillesse.
- Ok, je passe les dés, ferme ton clapet, je vais me mettre au turf pour t’arranger le coup. Geppetto prit ses outils, deux bouts de bois sec et mouillant la chemise, en moins de deux heures les pieds étaient fabriqués, deux petits ripatons rapides et nerveux. C’était un bel ouvrage, digne du chef-d’œuvre d’un Compagnon du Devoir et du Tour de France. Il rejoignit Pinocchio.
- Ferme les yeux, reste allongé sur cette table et détend-toi comme pour t’endormir. L’opération est délicate et il ne faut surtout pas bouger. La marionnette ferma les yeux et fit semblant de dormir pour être le plus détendu possible. Geppetto concocta et ramollit de la colle dans une coquille d’œuf et il ajusta si tant bien les deux pieds aux fumerons que l’on ne remarquait rien à l’endroit où ils étaient collés.
À peine le pantin se fut-il aperçu qu’il avait de nouveau pieds qu’il sauta de la table, commença à gambader, à faire des cabrioles comme si il était devenu fou de joie et puis il...
Fin de l’épisode, à suivre...
Que va faire Pinocchio ?
Réponse A – Incorrigible, il va de nouveau faire une fugue au grand désespoir de son père
Réponse B – Il va vouloir sans attendre se rendre à l‘école, mais il lui faut se préparer.
Réponse C – Il va s’inscrire au CEPCD (Centre d’Étude Préparatoire à la Commedia Dell’arte) pour devenir la plus renommée des marionnettes.
Réponse D – Il va téléphoner à la Fée Bleue pour qu’elle ressuscite le Grillon-qui-parle et le prendre comme conseiller personnel.
Glossaire, expressions :
Galapian – couramment utilisé en lyonnais à la place de galapiat, garnement.
Chouïa – vient du maghrébin Chouya : un peu.
Binz, Bin’s ou bintz – mot très employé par Jacquouille la Fripouille dans les Visiteurs ; désordre, pagaille, bordel... Curieusement c’est à la fois une aphérèse (mot sans le début comme bus pour autobus) et une apocope (mot sans la fin comme ciné pour cinéma) du mot cabinet où on a enlevé ‘ca’ et ‘net’ pour ne garder que bin (poubelle en anglais) en rajoutant un z et donc le binz c’est se retrouver dans une situation ou un lieu pas très reluisant !
Chichon – À l’origine c’est chicha mot en verlan de haschisch.
Greffier, miron – en argot on dit Greffier (griffe) pour le chat et à Lyon Miron (onomatopée du ronronnement).
Artoupan – en lyonnais, mauvais garçon.
Pinceaux – pieds, s’emploie toujours au pluriel.
Chanin – en lyonnais qualifie un temps, un vent, désagréable, vif, aigre, piquant.
Dégringoler de la croque : se rassasier avec de la nourriture en abondance.
Boulotter – c’est à la fois manger ou dépenser tout ce qu’il y a, sans laisser de reste pour le manger et jusqu’à son dernier sou pour la dépense.
Embuni ou ambuni – vient de umbilicus en latin puis ombilic, désigne le nombril et par extension le ventre.
Jouer de la longue – c’est traîner en longueur, faire attendre et bien sûr en le faisant exprès.
Panard – en principe c’est un soulier, mais ce terme s’utilise le plus souvent pour le pied et l’expression prendre son panard désigne (parlant par respect) la jouissance sexuelle.
Savoir comment ça se danse : variante de connaître la musique, savoir de quoi on parle.
Passer les dés – se montrer conciliant, compréhensif, laisser de côté sa colère...
Se mettre au turf – se mettre au travail avec ardeur, d’où mouiller la chemise.
Épisode 4 -La faim
Il ne faut jamais vouloir revenir en arrière.
Si Cendrillon avait récupéré sa chaussure, elle ne serait jamais devenue princesse !
Serait-ce la faim des haricots !
Pinocchio se saisit d'un marteau qu'il lança sur l'insecte moralisateur, l'écrabouillant net contre le mur d'où il chût. S'approchant, le pantin ne trouva sur le sol, aucune trace du cadavre.
- Bon débarras dit-il sans remord.
La nuit commençait à tomber.
Que voilà une jolie métaphore qui reprend, à la fin d’un spectacle, le baisser de rideau qui plonge la salle dans le noir.
C’est alors que Pinocchio ressenti son bide gargouiller. C’était l’annonce d’un petit creux qui grandit rapidement pour devenir une faim, qui devint rapidement une faim de loup, une faim colossale. Bref, il avait les crocs. Arreluquant vers la cheminée une galetouse fumante, il fonça bille en tête vers ce qui n’était en réalité qu’un dessin sur le mur contre lequel il se cogna le coqueluchon.
Aïe ! Gémit-il en se frottant le front, c’est quoi cet attrape-couillon.
Il se retourna, inspecta la pièce, fouillant dans toutes les boites, ouvrant les armoires, les tiroirs mais que nenni, pas le moindre croûton ni morceau de bidoche ou une quelquonque boustifaille, rien à se mettre dans la cage à poulet.
Oh ! Quelle sale maladie que d’avoir faim ! Ronfla-t-il.
Il dégota enfin sous un tas de poussière, un cacou, un œuf qu’il essuya et caressa, lui tapant même la bise. Il le déposa dans un poêlon avec un peu d’eau faute de beurre, qu’il mit à chauffer sur les cendres chaudes du brasero. Quand l’eau se mit à bouillir, elle fit éclater la coquille d’où un petit poussin sortit, une bestiole bien polie qui remercia le polisson, lui fit une révérence en lui disant :
Merci mille fois pour avoir rompu ma coquille. Portez-vous bien et quoi que vienne tenez tati.
Développant ses petites ailes, il s’ensauva par la fenêtre entrouverte et disparu à l’horizon. C’en était trop, Pinocchio se mit à gicler des mirettes, délourda et calta dans le village à la recherche d’un mecton sympa qui lui ferait l’aumône d’un bout de pain.
Dehors, un orage en fin de course, continuait d’illuminer le ciel de ses éclairs, zébrant le ciel, projetant des ombres fantasmagoriques rendues plus effrayantes par les grondements du tonnerre et les coups de vents qui les cigrolaient.
Ça fiche le traczir ! Non !
D’autant que dans la rue tout était fermé, boutiques, portes, volets aux fenêtres et même pas un miron dans les environs ; on se serait cru dans une ville fantôme. La faim tenaillait plus le pantin que sa trouille et il appuya longuement sur le bouton d’une sonnette. À l’étage, ouvrant ses volets, un vieilloque, bonnet de nuit sur le ciboulot bieurla :
C’est quoi ce souk, c’n’est pas bientôt fini d’ameuter tout le quartier !
Faîtes excuses, mais par pitié je suis en train de crevogné la gueule ouverte, z’auriez pas un restant de tambouille !
Approche-toi sous la fenêtre !
Vous y croyez que c’est dans une bonne intention mais en fait, le pépé qui craignait une arnaque avait pris une bassine d’eau qu’il jeta sur le tarbouif de Pinocchio qui se retrouva tout trempe et lorsqu’il rallégea dans sa carrée, il était lessivé (au propre comme au figuré) et complètement frigorifié. Partant du postulat : « Qui dort, dîne » il s’installa sur une chaise à bascule, posa ses ripatons sur le bord du brasero, et s’endormit aussi sec d’un sommeil agité peuplé de mauvais rêves. C’est alors que de violents coups répétés sur la lourde le réveillèrent...
Fin de l’épisode, à suivre...
Qui que c’est que vient ?
Réponse A – Le fantôme du grillon, mandaté par Saint-Pierre pour poursuivre ses leçons de morale.
Réponse B – E.T. qui a vu une fumerole sortir de la fenêtre et qui vient demander la permission d’utiliser le poste à galène pour contacter la soucoupe qui doit le ramener à « Maison ! ».
Réponse C – Geppetto sorti du mitard à la petite aube qui rallège pour mettre les choses au point avec le petit salaupiaud.
Réponse D – Le stroumpf bricoleur et sa caisse à outil. En stroumpfant par la fenêtre entrouverte, il avait stroumpfé les guiboles du pantin stroumpfées par le braséro et il stroumpfait pour lui stroumpfer les pinceaux.
Glossaire :
Avoir les crocs – avoir faim, c’est ce qu’on appelle : une métaphore animalisante.
Taper ou foncer bille en tête – aller rapidement et sans hésitation, c’est un peu péjoratif car risqué ; la bille c’est la tête, mais c’est aussi la première boule de billard qui va conditionner la réussite ou l’échec.
Coqueluchon – En lyonnais, au sens propre, c’est le haut d’une fiarde (toupie de bois que l’on lance avec une ficelle enroulée, un jeu des cours de recrées des autrefois) ; au sens figuré c’est le sommet de la tête.
Attrape-couillon – un couillon était un être peureux et c’est devenu un naïf celui que l’on peut facilement duper et donc un attrape-couillon est presque un pléonasme puisque c’est un attrape-nigaud.
Bidoche – on dit aussi barbaque, viande généralement de mauvaise qualité, mais c’est aussi la chair humaine.
Boustifaille – nourriture familière ; on utilise le verbe boustifailler pour manger grossièrement.
Cage à poulet – ou boite à ragoût, désigne l’estomac et était bien utilisé des anciens lyonnais, qui étaient nombreux à consommer le dimanche du poulet rôti avec un bon ragoût de ‘’pommes’terre’’.
Dégoter – trouver, rencontrer après recherches.
Cacou – en lyonnais c’est l’œuf, une onomatopée qui vient du cri de la poule.
Portez-vous bien et quoi que vienne tenez tati – une expression lyonnaise utilisée entre personnes qui s’apprécient pour dire « restez en bonne santé et soyez prêt à résister aux embarras de la vie qui se présenteraient ».
S’ensauver – en lyonnais se rajoute à sauver pour préciser qu’il s’agit d’échapper à un risque.
Gicler des mirettes – pleurer à chaudes larmes.
Calter – partir en courant.
Cigroler – secouer en tous sens. (lyonnais)
Miron – ou mironne : en lyonnais c’est le nom usuel du chat ou de la chatte, il s’agit d’une onomatopée du ronronnement.
Crevogner – En lyonnais, être très fatigué, abattu.
Tambouille – repas et se dit aussi d’une cuisine simple voire médiocre.
Tarbouif – une des 25 façons de désigner le nez.
Tout trempe – en lyonnais nous n’utilisons pas le participe passé mais le mot simple pour désigner un état ; Ainsi nous sommes tout trempe pour dire que nous sommes trempés, de même trempe de chaud et pas trempé de chaud ou tout gonfle après un bon repas et non tout gonflé.
Ripatons – c’est à la fois les souliers et les pieds, mais on utilise rarement ripatons pour souliers, pour cela, il y a une bonne quinzaine de façons de parler des grolles, des croquenots ou croquenauds, des écrase-merdes, ...
Épisode 3 – le grillon moraliste
Faut pas secouer un bébé ça peut le tuer.
Un bébé c’est plus fragile que la salade.
Jean-Marie Gourio – Le petit troquet des brèves de comptoir
Quand la morale s’avère un exercice périlleux.
L’argousin allait remettre Long-pif à Geppetto lorsque les enfoirés du bled suggérèrent que si la marionnette couratait hors de sa casbah, c’est peut-être que maltraitée, elle recevait des raclées à grands coups de ceinturon. La populace est versatile et elle parvint à troubler le représentant des forces de l’ordre (couramment appelé flic, mot qui vient de l’allemand Fliege qui veut dire mouche.Le mot apparaît en en 1836 chez Vidocq et désignait le sergent de ville par les truands ; il a perdu son caractère péjoratif pour être utilisé actuellement dans le langage commun).
Pas très futé (papa disait que le képi empêche le cerveau de ceux qui le porte, de se développer), il relâcha Pinocchio, se saisit de Geppetto pour le coller au gnouf malgré les protestations de l’ancien. Sans demander son reste, le pendrille rejoignit rapidos et en rifougnant la carrée de son daron. Il s’enferma, tournant le verrou à double-tour et se posa sur le sol de terre battue, les soufflets en feu bien qu’il soit de bois. Il gambergeait sur sa mésaventure sans une pensée pour son créateur qui croupissait dans un cul-de-basse-fosse et zieutant autour de lui, il trouva la piaule pas très géniale lorsqu’une voix l’interpella :
– Cri, cri, cri ! Pinocchio couina pas très rassuré :
– Qui est-ce ?
– C’est mézigue, pomme à l’eau ! rebriqua la voix.
Je sais pas vous, mais je trouve gonflant quand tu demandes à quelqu’un que tu n’vois pas de se présenter, en général (et même en colonel) la voix te dit « c’est moi » ce qui te fait une belle jambe.
Se retournant, Long-naze arnoucha un grillon maous-costaud qui se bambanait le long du mur. Celui-ci poursuivit :
– Je crèche dans la baraque depuis plus de cent ans. Ça fait un bail, non ! Bienvenue parmi nous.
– Ok machin, sauf que maintenant c’est moi qui zone dans la cambuse. Alors tu t’arraches et tu files squatter ailleurs.
– D’ac’ mon pote mais laisse-moi avant t’affranchir d’une vérité vraie.
– Alors fais fissa et ensuite casse-toi sans oublier de fermer la lourde en repartant.
Sympa le dialogue entre un pantin de bois et un grillon géant qui cause ; j’aime bien, mais écoutons la suite.
–Les mouflets qui respectent pas les vioques, qui traînent dans les raves-parties et fument des pétards finissent toujours dans la mouscaille tout péteux.
– Me fais pas marrer avec ta morale à deux balles, j’ai les lèvres gercées. Demain, crois-moi sur parole, je me fais la malle pour ne pas aller à l’école. Etudier, c’n’est pas ma tasse de thé, je préfère chasser le papillon, dénicher les oiseaux et courir la patentaine.
– Petit ébravagé, tu finiras âne bâté et tout le monde se payera ta fiole !
– Lâche-moi la grappe, je glande ousque je veux !
– Si tu n’veux pas t’instructionner, pense au moins à te placer comme arpette pour apprendre un boulot chouettos. T’abouleras du flouze et tu vivras honnêtement.
– Esgourdes-moi bien l’insecte, il n’est pas encore né le gus qui me verra mouiller la chemise en allant au chagrin. Je te le répète, ce qui me botte, c’est bâfrer, licher à l’occase une topette d’anthésite, piquer un roupillon, faire la java et lentibardaner, alors...
– Alors tu finiras à l’hospice ou au gnouf. T’est vraiment qu’une marionnette à la tronche de gaille aussi vide et dure que le bois de tilleul dont tu es fait !
– Pinocchio dont la patience était aussi limitée que la sympathie d'un pousse-cul venu encaisser le terme en retard commençait à se foutre en renaud et péta un câble. Il se ...
Fin de l’épisode, à suivre...
Que va faire Pinocchio ?
Réponse A – Il se dirige vers la porte, quitte la maison, se rend à la pharmacie, achète une boite de boules Quiès pour ne plus entendre le moraliste.
Réponse B – Il se saisit d’un marteau, le lance sur l’insecte qui va être écrabouillé, raide mort.
Réponse C – Il se saisit du grillon pour le jeter par la fenêtre ; la fée bleue arrive, transforme Pinocchio en statue de sel et le condamne à écouter la morale en boucle.
Réponse D – Très en colère, il se met à trembler et meurt victime d’un infarctus et pour ne pas se faire virer, le grillon va le transformer en cendres en le jetant dans le braséro.
Glossaire :
Pendrille – en parler lyonnais c’est un garnement, mauvais sujet, vagabond déguenillé ; pour un voyou et un malhonnête on dira un marque-mal.
Rifougner – terme populaire utilisé surtout par la gent féminine envers ceux qui rient sous cape ; il ne figure dans aucun dictionnaire !
Daron – ou dab, en argot c’est un petit patron et aussi le père. Un daron est aussi un tenancier de bistrot ou de maison close, mais pour la maison close, c’est surtout une daronne, une mère maquerelle. Un dabe c’est le père - une dabe ou dabuche c’est la mère - dabesse la mère supérieure d’un couvent et parfois une reine. Au pluriel, dabes ou darons ce sont les parents. Notons que le Grand Dab c’est Dieu.
Piaule, piôle ou piolle – terme générique : appartement, domicile, logement.
Gamberger – le Larousse à repris ce terme argotique pour dire familièrement : réfléchir, imaginer. Chez les truands c’est aussi préparer un mauvais coup, combiner, ruminer, méditer et par contre, gambergeailler c’est rêvasser.
Bambaner (se) – flâner, se promener en parler lyonnais.
Crécher – en argot, résider, habiter dans son domicile principal.
Arracher (s’) partir, quitter rapidement un lieu.
Mouscaille, dèche – en argot : misère noire.
Péteux – en argot, poltron, mal à l’aise, gêné, c’est aussi un être prétentieux.
Patentaine – lyonnaisisme pour prétentaine.
Ebravagé – (lyonnais) écervelé, sans réflexion, dit et fait n’importe quoi.
Lentibardaner – (lyonnais) flâner, errer sans but avec l’idée de traînasser.
Tronche de gaille – littéralement en argot c’est une tête de cheval, pour San Antonio dans « Le coup du père François », c’est une insulte pour dire de quelqu’un qu’il est têtu et stupide. Papa, lecteur de San Antonio utilisait cette formule pour ceux qu’il considérait comme stupide, incapable de réfléchir et de changer d’opinion même face à l’évidence. Petit je croyais que c’était une tête de cochon ; c’est un peu pareil.
Pousse-cul - dans le lyonnais des autrefois, c'était un huissier chargé d'encaisser les loyers en retard ; il avait le pouvoir d'expulser les locataires retardataires s'ils ne payaient pas immédiatement.
Épisode 2 - la création
Qu'il est plus aigu que la dent d'un serpent d'avoir un enfant ingrat.
William Shakespeare
Accoucher est une épreuve, créer un pantin de bois polisson aussi !
Encore un chouia groggy, Cerise bieurla :
- C’est ouvert, poussez et entrez. Geppetto, sculpteur sur bois et ami d’Antonio, encarra dans la turne ; arnouchant son ami en fâcheuse position, il demanda :
- Qu’est-ce donc que tu bricoles à crapotons ?
- J’apprends le calcul aux fourmis, grommelle Cerise qui ne voulait pas passer pour un froussard.
- Noble tâche mon ami ! Je viens en fait pour un petit service. J’ai gambergé que si j’avais une marionnette qui sache tricoter des gambettes, manier l’épée et faire des cabrioles, je pourrais décaniller de se coinsto pour aller gagner du flouze dans les villages et les villes en suivant les gens du voyage comme marionnettiste.
J’ai entendu parler d’un certain Mourguet, qui de l’autre côté des Alpes a fait un tabac avec une marionnette du nom de Guignol et que son théâtre perdure avec ses héritiers du côté de Lyon. Peut-être que ma marionnette aura, elle aussi, une renommée internationale ! En attendant, aurais-tu un morceau de bois que je puisse façonner ?
- Y’a pas de lézard Polenta, piaula la voix de fausset venue du rondin.
Les mouflets du village surnommaient ainsi Geppetto à cause de sa perruque couleur farine de maïs ce qui mettait le sculpteur en colère et les gamins faisaient vite feux des deux fuseaux pour éviter les taloches qu’ils méritaient.
Croyant que la phrase venait de Cerise, Geppetto le houspilla et les deux hommes en vinrent aux mains jusqu’à tant qu’épuisés, ils se rabibochent et que Cerise ayant expliqué le côté un peu magique du morceau de bois, décide de se débarrasser du rondin en le remettant à Geppetto.
Aussi sec, après avoir remercié, le sculpteur s’en retourna vers sa bicoque. Lui aussi était dans la mouise et créchait dans une piaule minable avec pour mobilier, une table vermoulue, un tabouret bancal et un bardanier avachi. C’était tellement la précarité en ces temps-là et Coluche n’avait pas encore fondé les Restos du cœur, que le poêle au fond de la pièce sur lequel chauffait une galtouse fumante, n’était qu’une peinture en trompe l’œil dessinée sur le mur ; ça lui permettait de croire qu’il avait de quoi se tuber à s’en faire peter la ventraille alors qu’il graillait le plus souvent à la table qui recule, vusse qu’il avait son frigo plus vide que l’esprit d’un caquenano.
Pour l’heure il n’avait qu’une hâte : se mettre au turbin. Rajoutant un peu de boulets d’anthracite dans le braséro pour se chauffer un peu les mains, Il prit une gouge et commença de façonner le rondin en commençant par le haut, c’est-à-dire les tifs, le front, les sourcils et des gobilles toutes rondes qui le lorgnèrent avec insolence.
Lorsqu’il s’attaqua au tarin, celui-ci ne cessait de grandir ; plus il le taillait plus le pif s’allongeait. Perplexe, il le laissa d’une bonne longueur en se grattant la tête, éjectant un cuchon de pellicules que t’aurais dit une boule à neige à la retournette.
Ayant achevé la boite à dominos, celle-ci ricana, se moqua de lui et finit même par lui tirer la langue. Lorsque les brandillons furent achevés avec les mains et les doigts, ceux-ci s’agitèrent et lui piquèrent sa moumoute que l’effronté se mit sur le ciboulot. Mais le pire, c’est quand les guiboles et les ripatons furent terminés, car ils se balancèrent et Geppetto en reçu un vilain bourre pif.
- T’es à peine fini que déjà tu manques de respect à ton paternel, tu n’es qu’un sale mioche ! Gémit l’ancêtre. Mais regardant avec tendresse son œuvre, il décida d’appeler le pantin Pinocchio. Dans le Florentin familier, ce mot signifie « pignon » et en italien classique on dit pinolo avec l’expression "duro come un pinolo" pour une personne au caractère bien trempé.
Il le posa à terre où, un peu mou des genoux, il mit quelques minutes, aidé de son créateur, pour apprendre à marcher. À peine était-il bien assuré sur ses arpions, tournant, virevoltant qu’il se dirigea vers la porte d’entrée, souleva le loqueteau et vif comme l’éclair gicla sur le trottoir, s’ensauvant, poursuivi à grand peine par Geppetto et provoquant l’hilarité des badauds devant ce spectacle.
Alerté par le boucan, un argousin moustachu, que s’il n’avait pas son bicorne tu l’aurais pris pour un phoque, s’interposa et agricha le pantin par le pif.
Fin de l’épisode à suivre...
Que va-t-il se passer ?
Réponse A – Le gendarme va confisquer la marionnette et dresser procès-verbal à Geppetto pour trouble à l’ordre public.
Réponse B – les badauds vont prendre fait et cause pour le pantin que le gendarme va laisser partir avant de conduire Geppetto au poste.
Réponse C – La fée bleue va se pointer, transformer la marionnette en souris et Geppetto en chat qui va bouloter séance tenante la souris avant de redevenir humain et de mourir d’un infarctus réalisant son crime.
Réponse D – La fée bleue va se pointer et d’un coup de baguette magique va transformer Pinocchio en Cyrano de Bergerac et le téléporter dans une autre histoire. Perdez pas patience je relis le bouquin de Rostand et je reviens pour la suite...
Glossaire : je mets les mots nouveaux (voir aussi le glossaire des épisodes de Blanche-Neige)
Tricoter des gambettes – danser, gambiller...
Flouze – argent, pognon, artiche, picaillon, braise...
Rabibocher – remettre en état quelque chose d’abimé et donc se rabibocher, c’est se réconcilier.
Bardanier – en lyonnais, le lit, la bardane étant la punaise de lit ; en argot on dit pucier dans le même esprit.
Galtouze ou galtouse – à l’origine c’est la gamelle d’un prisonnier et c’est donc une casserole ordinaire, pas une cocotte en fonte.
Se tuber à s’en faire peter la ventraille – mâchonner, faire un gueuleton, se goinfrer avec l’idée d’abondance. Grailler à la table qui recule – une périphrase pour montrer celui qui veut manger en imaginant une table pleine de victuailles laquelle recule quand il s’approche. C’est jeuner.
Caquenano – en lyonnais, personne niaise qui est aussi emprunté, empoté.
Cuchon – en lyonnais : quantité ; Un des rares mots de ce parler régional encore bien utilisé de nos jours.
Boite à dominos – nous avons ici la bouche et les dents, mais c’est aussi un cercueil avec le squelette.
Guiboles, ripatons, arpions – les jambes, les pieds et les orteils.
Argousin – policier, gendarme, vient de agosin qui désignait au XVe siècle l’officier subalterne chargé de la surveillance des forçats.
Agricher – attraper fermement avec l’idée de tenir les mains comme des griffes, accrocher.
Épisode 1 - le bout de bois
Il était une fois. Rien que de lire, écrire ou entendre cette simple phrase, tu frissonnes ; tu sais que tu t’embarques dans une aventure croquignolesque qui te fera sourire, rire, grimacer, pleurer, hurler, hausser les épaules, baisser les bras, fermer les yeux, ouvrir les oreilles (personnellement, les miennes ne sont jamais fermées et je n’ai jamais vu un blaireau avoir les étiquettes qui se refermaient sur son circuit auditif), bref te voilà embringué dans un conte de fées.
Et ça, c’est bien un truc d’adulte pour te faire passer une leçon de morale et t’éducationné sur les choses de la vie. Sans compter que ça peut se montrer dangereux. Non ! Si ! La preuve ! Écoute, écoute... Quand j’étais momignard, j’allais à la cambrousse en champ aux vaches, c’est-à-dire placé chez un paysan où je participais de juillet à septembre aux travaux agricoles, les foins, la moisson, les fruits, les vendanges et j’avais en garde une chèvre, blanche comme celle de monsieur Seguin, mais moins foldingo car elle ne s’éloignait pas de la ferme au grand désespoir du loup qui restait la langue sur les godasses ou sur ses pattes, si tu préfères.
Dans les faits, ma participation aux taches agricultesques était symbolique. Désolé pour les fans de Victor Hugo, j’étais pas chez les Thénardier, mais chez de braves gens. Lui était président du comité des fêtes et sa fille avait épousé le facteur qui était le chef de la fanfare. Je les accompagnais toutes les semaines dans les fêtes de village du Beaujolais. Quand tu as dix ans, c’est le bonheur absolu et j’en garde le souvenir.
Mais bon, oublions cette belle tranche de vie pour revenir à notre propos sur le danger de certains contes.
Il y avait dans une ferme voisine une petite drôlesse, un peu culcul-la-praline, gentillette mais pas très futée rusée ; Elle venait parfois par chez nous avec sa maman. Un jour que nous causions à côté d’un marigot, elle me dit en arnouchant un crapaud :
- Je vais lui taper la bise, il va se transformer en prince et moi en princesse et tu seras mon écuyer.
Avant que je rebrique, elle chope la bestiole et lui bise la tête ; beurk, beurk ! Je te dis pas la « cata ». Avant de compter jusqu’à dix, ses lèvres se mirent à doubler de volume et des petits bubons se formèrent autour de sa bouche, de l’impétigo, je crois. En fait de royaume, elle récolta une fessée et dû manger sa soupe avec une paille pendant trois jours. Depuis, j’ai toujours eu un doute sur ce que racontaient les grandes personnes. Et puis d’abord, le crapaud y causait pas, ça pouvait pas être un prince !
Mais commençons notre histoire. C’n’est pas du Disney mais du Carlo Lorenzini connu sous le pseudonyme de Collodi et ça se passe dans un petit village pauvre des autrefois, en Italie.
Il était une fois un micheton d’un âge avancé qui exerçait la profession de menuisier. Il avait pour blase Antonio, mais était surnommé maître Cerise à cause de son tarin rouge et brillant. Il faut préciser qu’il ne suçait pas de la glace et carburait au gros rouge qui tache, pas du Barolo ou du Barbaresco ni du Amarone Della Valpolicella , le pauvre homme carburait au picrate de base, que son estogome, blindé comme un char Patton parvenait à supporter.
Un jour qu’il vadrouillait dans la forêt, il dégota un bout de bois, une sorte de rondin long et droit, du tilleul, un bois facile à tailler et léger. Idéal pour un pied de guéridon, pensa-t-il. Tout content, il le mit sur son épaule et rallégea dans sa carrée. S’enquillant dans son atelier, il prit une hachette bien affutée pour enlever l’écorce et le dégrossir, mais à peine donna-t-il le premier coup qu’une voix de quinche supplia :
- Frappes pas si fort !
Alors là, crois-moi, la binette de Cerise vaut son pesant de gratons ; elle vira cramoisie, pareille à celle qu’a du avoir Jeanne, la bergère de Domrémy du côté de Fassolle-la-scie-d’eau, qu’avait trouvé sa voie en entendant celles qui lui parvenaient d’en haut. Des mauvaises langues disent qu’elle confondait l’eau claire avec le schnaps aux mirabelles, mais ceci ne nous regarde pas.
Cerise fit le tour de sa casbah, lorgna sous l’établi, dans l’armoire à outils et la panière pleine de copeaux et de sciure ; mais fifrelette, personne, pas même la queue d’un rat. Se gratouillant la perruque en chassant au passage quelques poux, il se remit au chagrin, repris la hache et coupa un morceau d’écorce.
- Aïe ! Sauvage, tu m’as fait mal ! reprit la voix.
- Nom d’une lime-râpe ! s’exclama le bonhomme, on dirait que ça vient de la bûche ; serait-elle habitée par un gnome ou un farfadet ? Il la saisit, la secoua dans tous les sens, la frappa sur l’établi, contre le mur, puis en approchant ses portugaises du morceau de bois, il écouta attentivement, mais aucun son n’en sortit.
- J’ai dû avoir des hallucinogènations, se dit-il ; faudrait peut-être que je force moins sur la bibine ! Il prit son rabot pour adoucir le rondin. Au deuxième aller-retour de la varlope, la voix pointue recommença :
- Hi ! Hi ! Hi ! Arrête de me faire des papouilles, je suis chatouilleux comme un adjupète sur le règlement. C'en était trop, Cerise partit à dame et se retrouva le cul par terre comme sonné. C’est alors qu’on frappa à la lourde de son estanco.
Fin de l’épisode, à suivre...
Qui c’est y donc qui vient ?
Réponse A – Blanche-Neige et le prince Catodik ; elle est enceinte et ils viennent commander un berceau.
Réponse B – Le facteur venu apporter un commandement d’huissier, vusse que Cerise a trois mois de retard dans ses paiements à l’URSSAF (Union de Récupération et de Saisie des Sous des Artisans Fauchés).
Réponse C – Son copain Geppetto sculpteur sur bois et qui est aussi à la dèche que lui et qui vient lui demander un petit service.
Réponse D – L’instituteur du village pour la commande de nouveau bureaux pour la rentrée prochaine. (L’instruction publique primaire étant devenue obligatoire).
Glossaire
Etiquettes - ce sont les oreilles.
Vadrouiller – marcher, vagabonder sans but précis.
Dégoter – trouver, découvrir.
Carrée – chambre, se dit aussi d'une maison quelquonque et d'un petit appartement.
Fifrelette - vient de fifrelin une monnaie qui ne valait pas grand-chose et donc c’est un peu comme dire ‘rien du tout’ puisque c'est si peu de choses.
Lourde - c’est une porte, mais s’emploie surtout pour une porte d’entrée massive, pas une porte d’intérieur.
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