Episodes de 16 à 20
Les épisodes sont en ordre décroissant au fur et à mesure de leur création.
Carlo Lorenzini sous le pseudonyme de Collodi du nom du village natal de sa mère avait publié de juin à décembre 1881, sous forme d’épisodes, dans le Giornale per i bambini (le journal des enfants) « Les Aventures d’une marionnette ». Elles s’étaient achevées par la pendaison de Pinocchio. Sous la pression des lecteurs et l’insistance de son ami et rédacteur en chef Guido Biagi, Collodi reprend enfin la suite de l’histoire sous le nouveau titre, Les Aventures de Pinocchio, qui seront diffusées de février 1882 à janvier 1883 jusqu'à un ultime trente sixième chapitre.
Cette suite, plus loufoque, burlesque, fantastique et extravagante je vous la propose à partir du 16e épisode.
Épisode 20 - Pinocchio – Revoilà les brigands !
Les conflits sociaux sont des conflits d’ordre intérieur
qui sèment le désordre à l’extérieur
Pierre Dac – Avec mes meilleures pensées
Où Pinocchio nous montre qu’il est plus crédule que méchant.
Comme de bien s’accorde, la Fée laissa le pantin gicler des mirettes, gueuler et tourner en rond car elle voulait qu’il perde l’habitude de monter un turbin à ses interlocuteurs, à tout bout de champs, ce qui est le plus gros défaut qu’un enfant puisse avoir. Mais le voyant au bord de la crise d’apoplexie et prise de pitié, elle frappa dans ses mimines. C’est alors qu’une kyrielle de picidés, oiseaux communément nommés piverts, entrèrent par la fenêtre. Ils se posèrent sur le long tarbouif de la marionnette et le becquetèrent, le tarbouif pas le pantin, tant et si bien qu’en quelques broquilles, le pif retrouva sa taille normale.
- Tu es ma bonne Fée et j’en croque pour toi, jacta Pinocchio en épongeant ses larmichettes.
- C’est pareil pour ma pomme, je t’ai à la bonne et si tu le veux, tu peux être mon petit frangin et je serai ta frangine protectrice.
- L’idée est chouettos, mais je ne dois pas oublier mon paternel qui doit se languir de moi.
- Te caille pas le raisiné, j’ai gambergé à cela. J’ai fait prévenir ton papa qui doit ralléger icigo avant la nuit.
- Super bonnard ! Hurla le pantin en sautant de joie et coquant la miaille de la Fée bleue. Si tu le permets, je souhaiterais aller à sa rencontre pour lui taper la bise, lui qu’en a bavé des ronds de chapeaux par ma faute.
- File vite, mais fais attention de ne pas te paumer. Prends le ruban qui traverse le bois, c’est direct sur sa route.
Pinocchio trissa aussi sec et une fois dans la forêt, il ralentit puis bloqua sur ses fumerons et resta pique-plante, esgourdant le bruit de pas qui s’approchaient à sa rencontre.
Ne vous réjouissez pas les gones car ce n’est pas le dab du pantin qui se pointe. Si c’était lui, l’histoire finirait ici ce qui nous priverait des péripéties à venir. N’oubliez pas, aimables lecteurs, que Collodi écrivait un feuilleton pour faire bouillir la marmite. Il lui fallait donc créer des rebondissements. Moi qui suis dans la confidence, je peux vous assurer que vous n’allez pas être déçu. Je ne vous laisse pas piaffer d’impatience plus longtemps car vous l’aviez deviné, les gus qui radinent sont Chat et Renard les compagnons que Pinocchio avait perdu de vue après les agapes de l’auberge de l’Ecrevisse Rouge ! Il ignorait que c’étaient eux les bandits dissimulés sous les sacs à charbon.
Cliquez sur l'image pour l'améliorer
- « Bon Dieu ! Mais c’est bien sûr », s’exclama Renard qui connaissait bien les répliques de Raymond Souplex incarnant dans la série télévisée « Les cinq dernières minutes » le commissaire Bourrel, c’est notre cher Pinocchio ! Que fais-tu donc par ici, quémanda-t-il en l’embrassant ?
- Que fais-tu ici, renchérit Chat ?
- C’est une longue histoire, leur répondit la marionnette, je vais vous affranchir. Sachez que lorsque vous me quittâtes (j’aime bien cette conjugaison), je partis vous rejoindre. La nuit était aussi noire et épaisse qu’une tasse de café turc ; n’écoutant que mon courage avec tout de même la boule à l’estogome, je crapahutai sur le ruban, lorsque sortirent de derrière un taillis, deux pellos à la mine plus patte qu’hibulaire. Ils étaient entièrement dissimulés sous des sacs à charbons avec deux trous à la hauteur des yeux. C’étaient bien sûr des arsouilles.
- Des marque-mal ! Et que te voulaient-ils mon pauvre ami ?
- Me détrousser, me soulager de mes napoléons.
- Les infâmes ! glapit Renard.
- Les infâmes ! miaula Chat.
- Je feintai comme Zizou face à Ronaldo en nonante neuf lors de la coupe du monde, m’échappai ; ils me poursuivirent, me rattrapèrent, me molestèrent, mais ne conclurent pas car j’avais réussi à mettre les pièces dans ma bouche que je fermai hermétiquement. Ils me pendouillèrent alors à la branche du grand chêne, celui que vous voyez là-bas.
- C’est vraiment horrible ! couina Renard. Dans quel monde vivons-nous et quel refuge pouvons-nous trouver nous autres, les honnêtes gens.
- Ils en étaient ainsi à converser, quand Pinocchio remarqua...
Fin de l’épisode... à suivre
Qu’arnoucha Pinocchio ?
Réponse A – Geppetto qui arrivait et se mit à courir en apercevant son pantin de bois !
Réponse B – Le Grillon qui parle et qui lui fait de grands signes incompréhensibles semblant lui dire ‘’Casse-Toi’’.
Réponse C – La patte avant gauche de Chat qui n’était plus qu’un moignon dépassant de bandelettes.
Réponse D – Lucky Luke chevauchant Jolly Jumper et mâchouillant son brin d’herbe en chantonnant ‘’I am a poor lonesome cowboy and a long, long way from home’’.
Glossaire des mots nouveaux :
Monter un turbin : en argot du XIXe siècle c’était faire un gros travail d’imagination avant que vers 1930 ça deviennent mentir, raconter des histoires pour tromper.
Mimines : il s’agit des mains, mais celles, délicates, des jeunes filles.
En croquer pour : aimer quelqu’un, sous ses différentes formes mais avec respect : platonique, fraternel ou celui de deux personnes entre-elles.
Baver des ronds de chapeau (en) : expression très ancienne puisque on disait autrefois en baver des ronds de gibus pour être dans une situation très difficile. Au départ, le terme "en baver" voulait dire être en admiration devant quelque chose. Au XXe siècle, le terme devient synonyme de supporter quelque chose de difficile. Les ronds de chapeaux étaient des cercles qui servaient à maintenir en place les chapeaux. Ils étaient constitués de plomb. C’est donc la notion de lourdeur qui est venue se greffer au verbe "en baver" afin d’accentuer la difficulté par laquelle une personne passe.
Voir aussi Glossaire pour les mots déjà explicités.
épisode 19 - Pinocchio Cyrano !!!
Je travaille tant que je peux
Seul le sommeil m’empêche de réaliser mes rêves
Jean Poiret
Où la Fée bleue a une façon bien à elle de « tirer les vers du nez » !
Notre marionnette laissa exploser sa joie, sautant, pirouettant, riant, tapant des mains devant la Fée qui ironisa :
– Sans vouloir casser l’ambiance, je constate que mon médoc t’a bien requinqué !
– C’est bien vrai je me sens comme à l’aube d’une renaissance.
– Pourquoi alors, avoir fait tout ce cinéma pour un petit godet de drogation.
– Je sais, ok, j’en ai peut-être fait des caisses, mais tu sais, les momignards, ça y craint quand il faut prendre des médocs ; les labos sont quand même un peu tocassons, ils y savent bien que leurs potions sont pas gouteuses ; ils pourraient rajouter un petit goût de grenadine.
– C’n’est pas faux, oui mais bon ! Un traitement pris à temps ça peut guérir et surtout éviter que l’on passe l’arme à gauche.
– Mea culpa, mea maxima culpa, t’as raison et je promets de plus faire de singeries, j’ai vraiment eu les grelots en voyant ralléger les bouffeurs de carottes et leur pardingue en sapin. Pour sûr si je dois me soigner, je ne me ferai plus prier.
– Bon, ça colle, je passe l’éponge sur tes incartades, viens près de moi et raconte-moi comment tu as fait pour te trouver dans les embrouilles.
– D’accord ma bonne Fée, voilà comment tout a commencé :
Mangiafoco le montreur de marionnettes, qu’à le cœur plus gonflé qu’un bol de riz trempé, m’avait donné quelques sequins d’or pour mon papa Geppetto. En tricotant des piottes sur le ruban qui mène à ma carrée, je croisai deux mectons bien propres sur eux, Renard et Chat ; ils me proposèrent de faire fructifier mon oseille au « Champs des Miracles » jusqu’à mille fois pour chaque pièces. Nous nous arrêtâmes d’abord à l’auberge de « L’écrevisse d’Or » histoire de se mouiller le corgnolon et se remplir l’embuni, puis nous piquâmes un petit roupillon pour être en pleine forme avant de repartir sur le coup des minuits. Le mastroquet me réveilla en m’informant que mes compagnons étaient partis devant et qu’il me suffisait de suivre leurs traces, ce que je fis. La nuit était aussi noire que l’âme d’un regrettier, lorsque je rencontrai deux malfrats dissimulés sous des sacs à charbon.
– Aboule ton pèze si tu tiens à la vie ! Aboyèrent-ils.
– Peau de balle et balai d’crin, rebriquai-je, en planquant aussi sec mon flouze sous la menteuse. Le plus petit eut juste le temps de glisser sa pogne dans ma bouche que d’un claquement de badigoinces je la sectionnai et en la crachant je crus distinguer une patte à chat. J’en profitai pour tailler la route. Ils me coursèrent, me rattrapèrent, me torturèrent, me cigognèrent, me pendouillèrent, ricanant qu’ils reviendraient le lendemain matin où je serai crevé la gueule ouverte ; ils n’auraient plus qu’à récupérer le pognon. C’est là que par chance, on n’peut pas avoir toujours la guigne, tu vins me sauver la mise.
La Fée bleue qu’avait tout esgourdé attentivement questionna :
– Et les napoléons, où t-est-ce donc qu’ils sont présentement ?
– Je les ai perdus ! répondit machinalement Pinocchio que sa tendance à raconter des charres refaisait surface. En fait, il avait mis les pièces d’or dans la fouille de son futal. Mais il n’eut pas plus tôt menti que son nazibus s’allongea de quelques centimètres sans qu’il s’en rende compte.
– Et où les as-tu perdus, les napos ?
– Dans les bois. Deuxième mensonge et le naze du greluchon s’allongea de nouveau de dix bons centimètres.
– Ok, pas de lézard, dit la Fée, allons dans le bois, cherchons et nous les retrouvons car tout ce qui se perd dans ce bois, se retrouve toujours.
– Ah oui ! Maintenant, je me rappelle, rebriqua la marionnette qui s’emberlificotait dans ses contradictions, les quatre pièces restantes, je ne les ai pas perdues, je les ai malencontreusement avalées avec la potion. À ce troisième mensonge, le pif du garnement s’étira si tant qu’il ne permettait plus à Pinocchio de tourner la cabèche. S’il la tournait à droite, l’appendice nasal rencontrait le lit où les vitres de la fenêtre et s’il la tournait à gauche c’était le mur ou la porte de la chambre qu’il heurtait. En levant la tête, la Fée eut juste le temps de se jeter sur le côté avant de se faire crever un œil tandis que le nez touchait le plafond. Elle arnoucha le pantin en se fendant la poire.
– Pourquoi tu te marres ? S’enquit-il soucieux et confus de voir son nez continuer de croître.
– Je me bidonne à cause de tes mensonges, gamin !
– Comment tu sais que je crache des bobards ?
– C’est simple, les mensonges se repèrent tout de suite. Soit chez les uns, les jambes raccourcissent, soit chez les autres le nez s’allonge. À l’évidence tu fais partie de cette deuxième catégorie.
Péteux et confus, ne sachant où se mettre et ne pouvant fuir en quittant la pièce, il s’aperçu qu’il ne pourrait jamais plus passer par la porte.
Fin de l’épisode... à suivre
Pinocchio va-t-il resté prisonnier ?
Réponse A – La Fée va le quitter sans se retourner. Un couple d’oiseau va venir et faire son nid sur le nez qui se ramifie. Bienfait pour lui !
Réponse B – Pinocchio va trouver une scie, il va couper son nez jusqu’à sa longueur normale et s’en aller en ronflant contre les fées : « toutes des greluches ! ».
Réponse C – La Fée une fois encore, va prendre en pitié le garnement et lui ramener son pif à la normale.
Réponse D – La Fée va frapper dans les mains et des piverts vont venir becqueter l’excédent du nazibus.
Glossaire des mots nouveaux :
Abouler : en argot s’utilise surtout dans le sens de donner, apporter et c’est une injonction ; c’est aussi venir et s’emploie alors plus souvent à la forme pronominale.
Badigoinces : comme babouines, il s’agit des lèvres était utilisé en 1532 par Rabelais.
Bobard : il s’agit d’un mensonge peu crédible et le cracheur de bobards se dit d’un menteur habituel.
Charres : exagération, bluff, moqueries, mensonges s’emploie généralement au pluriel. Au singulier on dira arrête ton char (Ben Hur) de façon ironique à quelqu’un qui exagère en paroles.
Futal : utilisé couramment en langage populaire pour désigner le pantalon, on dit aussi : le bénard, le bénouze, le grimpant.
Avoir les grelots : Grelots au pluriel représente les testicules, mais c’est aussi dans l’expression « avoir les grelots » pour « avoir peur » une métaphore qui symbolise le tremblement, grelotter.
Mastroquet : c’est à la fois le cabaretier, marchand de vin et le lieu, cabaret, bistrot troquet ; vient du flamand meisterke qui est un tenancier d’auberge.
Nase, nase, nazibus, nazebroque : le nez tout simplement mais nase comme adjectif signifie abimé cassé et également nul en parlant d’une personne ou d’une situation.
Pas de lézard : nous avons vu que lézard est à la fois un faux-frère, un escroc, et une difficulté et donc pas de lézard se dit pour une action facile à mettre en œuvre.
Passer l’arme à gauche : mourir ; nous sommes ici dans une expression militaire dont l’origine est :
L’infanterie de la Grande Armée napoléonienne utilisait de longs mousquets qu’il fallait recharger. Pour cela, après avoir tiré, les soldats passaient leur arme dans la main gauche pour la réapprovisionner par le canon. Durant le laps de temps relativement long compte tenu du contexte, le fantassin était très vulnérable, car désarmé et très concentré sur la préparation de son prochain tir. Beaucoup d’entre eux se faisaient tuer lors de cette phase délicate, d’où l’expression...
Peau de balle et balai de crin : dans de nombreuses expressions utilisant peau, il s’agit du mot usuel, où la peau est la fleur de l’individu, le symbole de la vie de ce qui existe et donc peau de balle, de zebi, de bite c’est pratiquement rien de même le balai de crin n’est pas pratique pour balayer et donc peau de balle et balai de crin est synonyme de rien du tout. Nous verrons petit à petit les nombreuses variantes utilisant peau.
Tocasson : nous connaissons tocard pour désigner quelqu’un de mauvais, sans envergure, le tocasson est plus « gentil » et désigne une personne qui ne réfléchit pas assez.
Tricoter des piottes : nous avons vu que tricoter des gambettes c’est danser, ici (les piottes en lyonnais désignent les jambes) il s’agit de marcher vite.
Se poiler, se fendre la poire, la prune, la pèche... comme se bidonner : c’est rire et précisons que bidonner en forme non pronominale c’est fausser, truquer, tricher.
Voir aussi le Dico actualisé
épisode 18 - Tête à claques
Fais très attention à ton comportement envers les femmes
Même le vent fripon sur l’Pont des Arts n’a plus le droit de soulever les jupes des filles
Où la Fée bleue se montre d’une patience infinie. C’n’est pas dieu posse d’y croire !
La Fée donna à Pinocchio le morceau de sucre qu’il croqua et s’envoya derrière le corgnolon en claquant de la menteuse. Il dégoisa ensuite en se léchant les babouines :
– Nom d’un mulot ! si le sucre pouvait être de la drogation, je veux bien être potringue pour en consommer journellement.
– Oui, mais bon ! On n’va pas y passer la nuit. Tiens ta promesse et bois ce verre qui va te requinquer.
En renâclant, il prit le godet, renifla son contenu et larmoya :
– C’est trop amer, trop amer, jamais je pourrais boire cette mixture.
– Comment peux-tu dire cela, tu n’y as même pas gouté ?
– Même pas en rêve ! Rien que l’odeur ça me donne envie de rendre tripes et boyaux. Donnes-moi encore un sucre pour faire passer la pilule.
Avec la patience infinie que seule une maman peut avoir, la Fée lui mit dans la bouche un nouveau morceau de sucre avant de lui présenter à nouveau le breuvage.
– Je n’peux pas boire dans les conditions présentes grimaça le pantin.
– Et pourquoi t-est-ce donc ?
– Parce que l’oreiller qui est sur mes ripatons me gêne. La Fée lui ôta l’oreiller.
– T’es sympa mais ça ne va toujours pas.
– Autre chose te gêne ?
– Oui, la porte qui est entrouverte, elle fait courant-d’air. La fée alla fermer la porte.
En quinchant et pissant des calots, Pinocchio trépigna sur place :
– Ce truc amer, je n’en veux pas, non, non, non et non !
– Tu vas le regretter mon garçon.
– M’en fiche comme de colin tampon.
– C’est que tu es sérieusement malade.
– Rien à secouer.
– Avant qu’il ne soit tard, avec cette fièvre, tu vas rejoindre la grande faucheuse.
– Tant pis !
– Tu ne crains donc pas de dépoter ton géranium ?
– Pas le moins du monde, plutôt crevogner que boire cette sale mixture.
À ce moment-là, la lourde de la chambre s’ouvrit brusquement en grand. Quatre lapins entrèrent. Il était noirs comme de l’encre et portaient sur leurs épaules une petite boite à asticots.
– Qu’est-ce que c’est que ce cirque, beurla le pantin en tremblant et claquant des mandibules et se redressant sur le bardanier.
– Nous sommes venus te chercher, mon jeune ami, rebriqua le plus grand des croqueurs de carottes.
– Comment ça me chercher, je n’suis pas encore calanché !
– Sans doute, ce n’est qu’affaire de quelques broquilles, le temps d’un sablier réglé sur œuf-coque, puisque tu refuses de te drogationner, reprit longues-canines en tournant l’objet ; le sable commença de s’écouler inexorablement.
– Ô Fée, ma bonne Fée, supplia la marionnette, apportez-moi tout de suite ce verre ! Ça urge, magniez-vous par pitié, je n’veux pas souffler ma veilleuse. Il saisit le godet à deux mains et avala le breuvage cul sec.
– Dommage ! Dirent à l’unisson les quatre petits « mammifères herbivores lagomorphes à longues oreilles » que les scientifiques appellent « léporidés », les enfants « lapinous » et nous « lapin » car nous avons le sens du raccourci.
– C’est moche, nous avons fait le voyage pour que dalle. Ils remirent le pardingue en sapin sur leurs épaules et quittèrent la piaule en grommelant.
Les bestioles venaient tout juste de refermer la porte que Pinocchio sautait du pucier complètement guéri. Il faut savoir que les marionnettes en bois sont d’une constitution plus robuste que nozigues car elles tombent rarement malade et surtout lorsque ça leur arrive, elles se rétablissent très vite.
Fin de l’épisode... à suivre
Quelle va être l’attitude de Pinocchio une fois rétabli ?
Réponse A – La Fée va le questionner sur ses aventures et Pinocchio va lui parler des brigands sans rien lui cacher.
Réponse B – Toujours aussi menteur, il va continuer de mentir sur ses pièces d’or qui sont dans sa poche.
Réponse C – La Fée connaît la vérité et va jeter un sort au pantin en lui faisant raccourcir les jambes à chaque mensonge.
Réponse D – La Fée connaît la vérité et va jeter un sort au pantin en lui faisant rallonger le nez à chaque mensonge.
Glossaire des mots nouveaux :
Drogation, drogasser (se) : en parler lyonnais médication et se drogasser c’est prendre des drogues, des médicaments.
Corgnolon ou corgnôle : en lyonnais, il s'agit du gosier et de nombreuses expressions "littéraires" l'empruntent pour boire : s'en jeter un, s'en faire passer un, dans la corgnôle, se laver la corgnôle, s'adoucir la corgnôle, se rincer la corgnôle... et bien sûr on peut remplacer corgnôle par son diminutif corgnolon.
Babouine, se lécher les babouines : en argot comme en parler lyonnais, c'est un dérivatif de babine : lèvre pendante chez certains animaux comme le singe ou le chameau. Babine comme se pourlécher les babines figurent dans les dictionnaires classiques en tant qu'expression familière.
Quincher : en parler lyonnais, c'est pousser des cris aigus et perçants.
Dalle (que) : expression argotique qui signifie « rien du tout » et rien à voir avec la dalle qui est la gorge, le gosier, dalle était de l’argent allemand à l’époque de Napoléon et être fauché, sans argent, c’était n’avoir que dalle (ce que répondaient les allemands quand les grognards demandaient de l’argent aux autochtones) ; Actuellement très utilisé avec comprendre : il ne comprend que dalle !
Voir si besoin le Dico actualisé
épisode 17 - consultations
Nous les maçons, on est soudés par le ciment et vous les postiers, vous avez quoi ?
La colle des timbres ?!
Jean-Marie Gourio – Brèves de comptoir
Où Grillon-qui-parle règle ses comptes et la Fée bleue joue les infirmières.
Le Corbac rallégea le premzire. Il prit le pouls de Pinocchio, lui tripota le nazibus, le petit orteil et au final se retourna vers la Fée ; il croassa avec solennité :
- À mon avis, cette marionnette est bel et bien clamsée. Pourtant, si par hasard elle n’avait pas soufflé sa veilleuse, alors nous pourrions affirmer et y a pas à tortiller, qu’elle est toujours vivante.
La Chouette après son examen hulula avec un soupçon de mépris dans le hou ! hou ! :
- Je regrette de devoir contredire mon honorable confrère et non moins illustre ami (un petit coup de brosse à reluire précède toujours l’avis d’un faux derch’) mais selon moi, la marionnette est bien vivante. Evidemment si par mésaventure elle n’était pas vivante, alors il serait indiscutable qu’elle soit morte.
- Et vous ? Vous ne jactez rien ? demanda le Fée au Grillon-qui-parle.
- En ce qui me concerne, je ne vais pas tourner autour du pot, et je pense que la meilleure chose que puisse faire un carabin quand il ne sait pas de quoi il parle, il ferait mieux de se clouer le bec. Je rajoute que je connais bien le fourachaux allongé sur ce pucier et depuis un bail même.
En esgourdant ces mots, Pinocchio qu’avait pas bronché d’une brindille fut pris d’un frémissement convulsif qui ébranla le bardanier.
- Cette marionnette, continua le Grillon-qui-Parle, n’est rien d’autre qu’un marque-mal bon qu’à taper la gruge.
- Pinocchio leva les calots, mais les referma aussi sec.
- C’est un polisson, un feignasse, cossard, bulleur, fatigué de naissance et un traîne-patins, un pioche-poubelle.
Pinocchio enfouit sa tête sous les torchons.
- Pour en terminer, je rajouterai qu’il est un mioche désobéissant et résultat des courses, son paternel va en claquer de chagrin.
À ce moment on esgourda des sanglots ; pas les sanglots longs des violons de l’automne qui vous bercent le cœur d’une langueur monotone, non des biens bruyants, ceux des mouflets qui pissent des calots et piaillent comme si on les égorgeait. Interloquée, l’assistance souleva les toiles et découvrit la marionnette toute chougnante.
- Quand un macchabée chougne, c’est qu’il va guérir, déclara le Corbac avec emphase.
- Sans vouloir contredire mon illustre confrère, intervint la Chouette, pour moi, quand un macchabée chougne, c’est qu’il en a ‘’ras la casquette’’ d’être calenché et qu’il souhaite gicler de la zone des sacs d’os.
Les deux carabins s’en allèrent en devisant joyeusement sur l’art du diagnostic à l’usage des petites gens. La Fée s’approcha du pantin de bois, lui toucha le front et constata que Pinocchio était brulant de fièvre.
Inutile de ricaner, nous sommes dans une histoire à la frontière du réel où même en bois, la marionnette présente des symptômes similaires à l’humain. On se calme ou je fais évacuer les trublions.
Elle sortit de l’armoire à pharmacie un sachet de poudre blanche d’acide acétylsalicylique, substance active aux propriétés antalgiques, antipyrétiques, anti-inflammatoires, utilisable comme antiagrégant plaquettaire non stéroïdien, autrement dit et vous l’avez compris, un sachet d’aspirine qu’elle fit dissoudre dans un demi-verre d’eau. Elle le tendit à la marionnette en lui disant avec tendresse :
- Écluse cette mixture et tu seras guéri rapidement.
Pinocchio arnoucha le verre, fit la bobe et demanda en couinant :
- C’est sucré ou c’est amer ?
- Amer, mais c’est pour te faire du bien.
- Rien à chiquer, si c’est amer, j’en veux pas
- Fais-moi confiance et bois.
- Je déteste quand c’est amer et puis c’est marre.
- Bois et ensuite je te donnerai un morceau de sucre pour te refaire la ganache.
- Où que c’est-il donc qu’il est ce morceau de sucre ?
- Le voici, rebriqua la Fée en plongeant sa main dans un sucrier en or.
- Je veux d’abord le sucre, je boirai après.
- La fée qui craignait l’entourloupe demanda au gamin de jurer.
- Croix de bois croix de fer, si je mens je vais en enfer
Fin de l’épisode... à suivre
Quel va être l’attitude de Pinocchio
Réponse A – Il va tenir sa promesse et prendre le médicament, puis il présentera ses excuses à Grillon-qui-Parle lui demandant de l’accompagner jusqu’à Geppetto.
Réponse B – Toujours aussi menteur, il va continuer de jouer la comédie jusqu’à ce que la Fée le transforme en statue de sel. Réponse C – Malgré les caprices du pantin, la Fée ne perd pas patience et l’arrivée de lapins va remettre les choses en ordre.
Réponse D – Il va excéder la Fée avec ses caprices et se retrouvera transformé en âne qu’un meunier utilisera pour le transport de ses sacs de farine.
Glossaire de l'épisode : voir aussi l'intégral actualisé - Dico des gones et des affranchis
Bobe (faire la) : en parler lyonnais vient du germanique baepe, muffle bouche, c'est faire la grimace ou bouder, la bobe étant la "boude".
Bulle, buller, coincer la bulle, bulleur, bullard, vient du niveau à bulle ou la bulle doit être horizontale comme couché et c'est donc ne rien faire, paresser ; bulleur ou bullard sont des paresseux.
Clouer le bec : clouer le bec de quelqu'un signifie qu'on le fait taire. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, le verbe "clouer" n'a aucun lien avec le "clou". Il est issu de "cloer" qui signifiait "clore". Il s'agit donc plutôt de "fermer" le bec de quelqu'un. Ce bec précisément symbolise la bouche et par métaphore, la parole.
Écluser : boire une consommation, une bouteille, c'est en principe boire avec excès.
Entourloupe : tromperie, escroquerie, vient du français ‘’entourloupette’’ (jouer un mauvais tour) et bien sûr entourlouper c'est escroquer.
Feignant, feignard, feignasse : vient de fainéant (faire le néant) et donc paresseux.
Faux derch ou faux cul : faux-frère, hypocrite, par analogie à l'accessoire féminin qui se plaçait sous la jupe pour donner l'illusion de fesses rebondies (callipyges).
Gruge (taper la) : expression argotique récente (1998) qui signifie gruger, escroquer sans état d'âme, frauder, très utilisé par les jeunes qui utilisent les transports en commun sans payer.
Pioche-poubelle : vagabond par analogie à ceux qui, sur les fins de marchés, récupèrent les légumes abandonnés ou ceux qui fouillent les poubelles.
Y a pas à tortiller : s’emploie pour « c’est une évidence » ou « il n’est plus temps de tergiverser »
épisode 16 - Il revient de loin
La lecture est une porte ouverte sur un monde enchanté
François Mauriac
Où la fée bleue envoie chercher Pinocchio et appelle trois médecins pour un diagnostic
Pinocchio, pendu à une branche du grand chêne comme François Villon au gibet de Montfaucon, pendulait tout crevogné ; la croquignolette gisquette aux cheveux couleur bleu-nuit se pointa alors à la fenêtre. Arnouchant la pauvre marionnette qui brandigolait sous la bise, elle éprouva de la commisération pour le zigoto et frappa trois fois dans ses mains diaphanes.
Dans un grand bruissement d’ailes comme l’aigle noir de Barbara, un Faucon maousse-costaud vint se poser sur le rebord de la fenêtre.
- Me voici, me voilà prêt à esgourder tes ordres ma gracieuse Fée, réclama le falconidé en inclinant respectueusement le bec.
Vous y saviez, vous, que le cri du faucon c’est réclamer ? Finalement, c’est un peu comme le vrai... qu’est jamais content, non !
La mignonette était donc une fée qui créchait m’a-t-on dit depuis plus d’un millier d’années dans ce bois.
- Zieute icigo, le pantin accroché à la branche du grand chêne.
- C’est ok, je le visualise.
- Parfait, vole donc jusqu’à lui ; le nœud coulant qui lui serre le kiki doit être figé et impossible à défaire ; de ton bec bien affuté, tranche le, comme Alexandre avec son épée le fit, sur mon conseil, pour dénouer le nœud Gordien qui liait le timon du char du roi Midas, exploit qui lui valut selon la prophétie de devenir le maître de l’Asie.
- J’y go ! dit le volatile en s’envolant.
Il revint moins de deux broquilles plus tard, mission accomplie.
- Comment l’as-tu trouvé ce pauvre mioche ?
- Il m’a paru sans vie, mais une fois le nœud brisé et alors que je l’allongeais doucement dans l’herbe au pied de l’arbre, il m’a semblé l’entendre murmurer :
- Maintenant je me sens mieux.
La Fée frappa cette fois deux fois dans ses mains et apparut un magnifique Caniche qui marchait sur ses deux pattes de derrière, comme s’il était un humain. Il était sapé comme un cocher de fiacre arborant sa livrée de gala. Sur son coqueluchon il portait un galure à trois pointes bordé de fils d’or, une perruque blanche dont les boucles lui tombaient sur les épaules, une veste couleur chocolat aux boutons étincelants et deux grandes poches pour y mettre les os que lui donnait sa patronne, un pantalon en velours rouge vif, des bas de soie, des souliers découpés et, dans le dos, une sorte de fourreau en satin bleu pour y abriter sa queue en cas de pluie.
- Allez Médor, du courage ! Jacta de sa voix mélodieuse la Fée. Fais atteler illico presto mon plus beau carrosse et dirige-toi vers le bois. Sous le grand chêne se trouve une marionnette plus ou moins calanchée ; tu la prends délicatement, tu la poses précautionneusement sur les coussins et tu rallèges aussi sec. Pigé ?
Le Caniche acquiesça en remuant le fourreau de satin bleu, calta vers l’écurie d’où il sortit à bord d’un petit carrosse bleu-ciel, entièrement capitonné de plumes de canaris et, à l’intérieur matelassé avec de la crème fouettée et des biscuits à la cuiller. Le véhicule était tiré par un attelage de deux cents petites souris blanches. Assis sur le siège du cocher, il faisait claquer son fouet comme un postillon qui craint d’être en retard.
Je fais ici une petite pause pour rassurer les ceusses qui se demandent si je ne fume pas des pétards en écrivant. Tout est authentique et conforme à l’histoire, même si de mon côté je me demande aussi si Collodi ne serait pas un chouia opiomane du genre Sherlock Holmes. Considérons que ce n’est qu’un léger délire qui parfois saisit l’écrivain. Mais poursuivons.
Un quart de plombe plus tard, le carrosse rallégea. Sans faire de manière, la Fée Bleue (c’est son blase) chopa la marionnette par le cou, la porta jusqu’à une petit piaule aux murs de nacre, prit son smartphone (elle n’est pas ringarde et branchée aux plus récentes technologies) et tapa un sms aux plus fameux toubibs du voisinage.
Trois carabins ramenèrent leur viande l’un après l’autre. Le premier était un Corbeau, le second une Chouette et ce fut le Grillon-qui-parle qui ferma le ban. Les amenant près du bardanier où gisait Pinocchio, Fée Bleue quémanda :
- Sans vous commander, ce serait bonnard de me rencarder si cette malheureuse marionnette vit encore ou si elle tape déjà le carton avec la Camarde.
Fin de l’épisode... à suivre
Quel va être le verdict des spécialistes ?
Réponse A – Pinocchio a juste un sequin d’or coincé dans la glotte qui lui bloque le corgnolon comme une arête de poisson ; mon fidèle assistant Harpagon va pas mettre deux plombes pour récupérer la pièce.
Réponse B – La marionnette est bien morte, mais si elle remue les brandillons et ouvre les quinquets, c’est qu’elle vit encore.
Réponse C – La marionnette est bien vivante, mais si elle ne remue pas les brandillons et garde ses quinquets fermés, c’est qu’elle est calanchée.
Réponse D – Le petit salopiot est en bois dont on fait des flûtes, il est surement en train de nous jouer la comédie vu que c’est un fourachaux.
Glossaire :
Brandigoler – mot lyonnais pour être en déséquilibre, branler, vaciller.
Calter – fuir précipitamment vient de l’ancien français caler qui signifiait reculer fuir.
Coqueluchon – mot lyonnais pour désigner le sommet du crâne vient du latin cucullum qui est le capuchon du moine.
Crécher – habiter en milieu rural dans un endroit vétuste, c’était un gite misérable mais le terme a perdu son côté péjoratif pour être un domicile courant habituel confortable ou non.
Fourachaux – mot lyonnais qui signifie écervelé et un peu fou, vient de ce que les travailleurs des fours à chaux de Vaise et de Saint-Clair du côté de Lyon avaient mauvaise réputation, un peu voyous, irréfléchis...
Kiki – mot du parler populaire pour le cou et parce qu’on serrait le cou en tirant sur une cravate ou un ruban ou un nœud papillon qui enserrait le cou et qu’on nommaient en se moquant, un kiki, par analogie aux rubans que portent les filles dans les cheveux.
Se pointer – arriver dans un endroit précis et s’arrêter (comme par exemple dans une usine où on se pointe pour marquer son arrivée).
Ajouter un commentaire