Episodes de 16 à 20
Les épisodes sont en ordre décroissant au fur et à mesure de leur création.
Carlo Lorenzini sous le pseudonyme de Collodi du nom du village natal de sa mère avait publié de juin à décembre 1881, sous forme d’épisodes, dans le Giornale per i bambini (le journal des enfants) « Les Aventures d’une marionnette ». Elles s’étaient achevées par la pendaison de Pinocchio. Sous la pression des lecteurs et l’insistance de son ami et rédacteur en chef Guido Biagi, Collodi reprend enfin la suite de l’histoire sous le nouveau titre, Les Aventures de Pinocchio, qui seront diffusées de février 1882 à janvier 1883 jusqu'à un ultime trente sixième chapitre.
Cette suite, plus loufoque, burlesque, fantastique et extravagante je vous la propose à partir du 16e épisode.
Épisode 20 - Pinocchio – Revoilà les brigands !
Les conflits sociaux sont des conflits d’ordre intérieur
qui sèment le désordre à l’extérieur
Pierre Dac – Avec mes meilleures pensées
Où Pinocchio nous montre qu’il est plus crédule que méchant.
Comme de bien s’accorde, la Fée laissa le pantin gicler des mirettes, gueuler et tourner en rond car elle voulait qu’il perde l’habitude de monter un turbin à ses interlocuteurs, à tout bout de champs, ce qui est le plus gros défaut qu’un enfant puisse avoir. Mais le voyant au bord de la crise d’apoplexie et prise de pitié, elle frappa dans ses mimines. C’est alors qu’une kyrielle de picidés, oiseaux communément nommés piverts, entrèrent par la fenêtre. Ils se posèrent sur le long tarbouif de la marionnette et le becquetèrent, le tarbouif pas le pantin, tant et si bien qu’en quelques broquilles, le pif retrouva sa taille normale.
- Tu es ma bonne Fée et j’en croque pour toi, jacta Pinocchio en épongeant ses larmichettes.
- C’est pareil pour ma pomme, je t’ai à la bonne et si tu le veux, tu peux être mon petit frangin et je serai ta frangine protectrice.
- L’idée est chouettos, mais je ne dois pas oublier mon paternel qui doit se languir de moi.
- Te caille pas le raisiné, j’ai gambergé à cela. J’ai fait prévenir ton papa qui doit ralléger icigo avant la nuit.
- Super bonnard ! Hurla le pantin en sautant de joie et coquant la miaille de la Fée bleue. Si tu le permets, je souhaiterais aller à sa rencontre pour lui taper la bise, lui qu’en a bavé des ronds de chapeaux par ma faute.
- File vite, mais fais attention de ne pas te paumer. Prends le ruban qui traverse le bois, c’est direct sur sa route.
Pinocchio trissa aussi sec et une fois dans la forêt, il ralentit puis bloqua sur ses fumerons et resta pique-plante, esgourdant le bruit de pas qui s’approchaient à sa rencontre.
Ne vous réjouissez pas les gones car ce n’est pas le dab du pantin qui se pointe. Si c’était lui, l’histoire finirait ici ce qui nous priverait des péripéties à venir. N’oubliez pas, aimables lecteurs, que Collodi écrivait un feuilleton pour faire bouillir la marmite. Il lui fallait donc créer des rebondissements. Moi qui suis dans la confidence, je peux vous assurer que vous n’allez pas être déçu. Je ne vous laisse pas piaffer d’impatience plus longtemps car vous l’aviez deviné, les gus qui radinent sont Chat et Renard les compagnons que Pinocchio avait perdu de vue après les agapes de l’auberge de l’Ecrevisse Rouge ! Il ignorait que c’étaient eux les bandits dissimulés sous les sacs à charbon.
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- « Bon Dieu ! Mais c’est bien sûr », s’exclama Renard qui connaissait bien les répliques de Raymond Souplex incarnant dans la série télévisée « Les cinq dernières minutes » le commissaire Bourrel, c’est notre cher Pinocchio ! Que fais-tu donc par ici, quémanda-t-il en l’embrassant ?
- Que fais-tu ici, renchérit Chat ?
- C’est une longue histoire, leur répondit la marionnette, je vais vous affranchir. Sachez que lorsque vous me quittâtes (j’aime bien cette conjugaison), je partis vous rejoindre. La nuit était aussi noire et épaisse qu’une tasse de café turc ; n’écoutant que mon courage avec tout de même la boule à l’estogome, je crapahutai sur le ruban, lorsque sortirent de derrière un taillis, deux pellos à la mine plus patte qu’hibulaire. Ils étaient entièrement dissimulés sous des sacs à charbons avec deux trous à la hauteur des yeux. C’étaient bien sûr des arsouilles.
- Des marque-mal ! Et que te voulaient-ils mon pauvre ami ?
- Me détrousser, me soulager de mes napoléons.
- Les infâmes ! glapit Renard.
- Les infâmes ! miaula Chat.
- Je feintai comme Zizou face à Ronaldo en nonante neuf lors de la coupe du monde, m’échappai ; ils me poursuivirent, me rattrapèrent, me molestèrent, mais ne conclurent pas car j’avais réussi à mettre les pièces dans ma bouche que je fermai hermétiquement. Ils me pendouillèrent alors à la branche du grand chêne, celui que vous voyez là-bas.
- C’est vraiment horrible ! couina Renard. Dans quel monde vivons-nous et quel refuge pouvons-nous trouver nous autres, les honnêtes gens.
- Ils en étaient ainsi à converser, quand Pinocchio remarqua...
Fin de l’épisode... à suivre
Qu’arnoucha Pinocchio ?
Réponse A – Geppetto qui arrivait et se mit à courir en apercevant son pantin de bois !
Réponse B – Le Grillon qui parle et qui lui fait de grands signes incompréhensibles semblant lui dire ‘’Casse-Toi’’.
Réponse C – La patte avant gauche de Chat qui n’était plus qu’un moignon dépassant de bandelettes.
Réponse D – Lucky Luke chevauchant Jolly Jumper et mâchouillant son brin d’herbe en chantonnant ‘’I am a poor lonesome cowboy and a long, long way from home’’.
Glossaire des mots nouveaux :
Monter un turbin : en argot du XIXe siècle c’était faire un gros travail d’imagination avant que vers 1930 ça deviennent mentir, raconter des histoires pour tromper.
Mimines : il s’agit des mains, mais celles, délicates, des jeunes filles.
En croquer pour : aimer quelqu’un, sous ses différentes formes mais avec respect : platonique, fraternel ou celui de deux personnes entre-elles.
Baver des ronds de chapeau (en) : expression très ancienne puisque on disait autrefois en baver des ronds de gibus pour être dans une situation très difficile. Au départ, le terme "en baver" voulait dire être en admiration devant quelque chose. Au XXe siècle, le terme devient synonyme de supporter quelque chose de difficile. Les ronds de chapeaux étaient des cercles qui servaient à maintenir en place les chapeaux. Ils étaient constitués de plomb. C’est donc la notion de lourdeur qui est venue se greffer au verbe "en baver" afin d’accentuer la difficulté par laquelle une personne passe.
Voir aussi Glossaire pour les mots déjà explicités.
épisode 19 - Pinocchio Cyrano !!!
Je travaille tant que je peux
Seul le sommeil m’empêche de réaliser mes rêves
Jean Poiret
Où la Fée bleue a une façon bien à elle de « tirer les vers du nez » !
Notre marionnette laissa exploser sa joie, sautant, pirouettant, riant, tapant des mains devant la Fée qui ironisa :
– Sans vouloir casser l’ambiance, je constate que mon médoc t’a bien requinqué !
– C’est bien vrai je me sens comme à l’aube d’une renaissance.
– Pourquoi alors, avoir fait tout ce cinéma pour un petit godet de drogation.
– Je sais, ok, j’en ai peut-être fait des caisses, mais tu sais, les momignards, ça y craint quand il faut prendre des médocs ; les labos sont quand même un peu tocassons, ils y savent bien que leurs potions sont pas gouteuses ; ils pourraient rajouter un petit goût de grenadine.
– C’n’est pas faux, oui mais bon ! Un traitement pris à temps ça peut guérir et surtout éviter que l’on passe l’arme à gauche.
– Mea culpa, mea maxima culpa, t’as raison et je promets de plus faire de singeries, j’ai vraiment eu les grelots en voyant ralléger les bouffeurs de carottes et leur pardingue en sapin. Pour sûr si je dois me soigner, je ne me ferai plus prier.
– Bon, ça colle, je passe l’éponge sur tes incartades, viens près de moi et raconte-moi comment tu as fait pour te trouver dans les embrouilles.
– D’accord ma bonne Fée, voilà comment tout a commencé :
Mangiafoco le montreur de marionnettes, qu’à le cœur plus gonflé qu’un bol de riz trempé, m’avait donné quelques sequins d’or pour mon papa Geppetto. En tricotant des piottes sur le ruban qui mène à ma carrée, je croisai deux mectons bien propres sur eux, Renard et Chat ; ils me proposèrent de faire fructifier mon oseille au « Champs des Miracles » jusqu’à mille fois pour chaque pièces. Nous nous arrêtâmes d’abord à l’auberge de « L’écrevisse d’Or » histoire de se mouiller le corgnolon et se remplir l’embuni, puis nous piquâmes un petit roupillon pour être en pleine forme avant de repartir sur le coup des minuits. Le mastroquet me réveilla en m’informant que mes compagnons étaient partis devant et qu’il me suffisait de suivre leurs traces, ce que je fis. La nuit était aussi noire que l’âme d’un regrettier, lorsque je rencontrai deux malfrats dissimulés sous des sacs à charbon.
– Aboule ton pèze si tu tiens à la vie ! Aboyèrent-ils.
– Peau de balle et balai d’crin, rebriquai-je, en planquant aussi sec mon flouze sous la menteuse. Le plus petit eut juste le temps de glisser sa pogne dans ma bouche que d’un claquement de badigoinces je la sectionnai et en la crachant je crus distinguer une patte à chat. J’en profitai pour tailler la route. Ils me coursèrent, me rattrapèrent, me torturèrent, me cigognèrent, me pendouillèrent, ricanant qu’ils reviendraient le lendemain matin où je serai crevé la gueule ouverte ; ils n’auraient plus qu’à récupérer le pognon. C’est là que par chance, on n’peut pas avoir toujours la guigne, tu vins me sauver la mise.
La Fée bleue qu’avait tout esgourdé attentivement questionna :
– Et les napoléons, où t-est-ce donc qu’ils sont présentement ?
– Je les ai perdus ! répondit machinalement Pinocchio que sa tendance à raconter des charres refaisait surface. En fait, il avait mis les pièces d’or dans la fouille de son futal. Mais il n’eut pas plus tôt menti que son nazibus s’allongea de quelques centimètres sans qu’il s’en rende compte.
– Et où les as-tu perdus, les napos ?
– Dans les bois. Deuxième mensonge et le naze du greluchon s’allongea de nouveau de dix bons centimètres.
– Ok, pas de lézard, dit la Fée, allons dans le bois, cherchons et nous les retrouvons car tout ce qui se perd dans ce bois, se retrouve toujours.
– Ah oui ! Maintenant, je me rappelle, rebriqua la marionnette qui s’emberlificotait dans ses contradictions, les quatre pièces restantes, je ne les ai pas perdues, je les ai malencontreusement avalées avec la potion. À ce troisième mensonge, le pif du garnement s’étira si tant qu’il ne permettait plus à Pinocchio de tourner la cabèche. S’il la tournait à droite, l’appendice nasal rencontrait le lit où les vitres de la fenêtre et s’il la tournait à gauche c’était le mur ou la porte de la chambre qu’il heurtait. En levant la tête, la Fée eut juste le temps de se jeter sur le côté avant de se faire crever un œil tandis que le nez touchait le plafond. Elle arnoucha le pantin en se fendant la poire.
– Pourquoi tu te marres ? S’enquit-il soucieux et confus de voir son nez continuer de croître.
– Je me bidonne à cause de tes mensonges, gamin !
– Comment tu sais que je crache des bobards ?
– C’est simple, les mensonges se repèrent tout de suite. Soit chez les uns, les jambes raccourcissent, soit chez les autres le nez s’allonge. À l’évidence tu fais partie de cette deuxième catégorie.
Péteux et confus, ne sachant où se mettre et ne pouvant fuir en quittant la pièce, il s’aperçu qu’il ne pourrait jamais plus passer par la porte.
Fin de l’épisode... à suivre
Pinocchio va-t-il resté prisonnier ?
Réponse A – La Fée va le quitter sans se retourner. Un couple d’oiseau va venir et faire son nid sur le nez qui se ramifie. Bienfait pour lui !
Réponse B – Pinocchio va trouver une scie, il va couper son nez jusqu’à sa longueur normale et s’en aller en ronflant contre les fées : « toutes des greluches ! ».
Réponse C – La Fée une fois encore, va prendre en pitié le garnement et lui ramener son pif à la normale.
Réponse D – La Fée va frapper dans les mains et des piverts vont venir becqueter l’excédent du nazibus.
Glossaire des mots nouveaux :
Abouler : en argot s’utilise surtout dans le sens de donner, apporter et c’est une injonction ; c’est aussi venir et s’emploie alors plus souvent à la forme pronominale.
Badigoinces : comme babouines, il s’agit des lèvres était utilisé en 1532 par Rabelais.
Bobard : il s’agit d’un mensonge peu crédible et le cracheur de bobards se dit d’un menteur habituel.
Charres : exagération, bluff, moqueries, mensonges s’emploie généralement au pluriel. Au singulier on dira arrête ton char (Ben Hur) de façon ironique à quelqu’un qui exagère en paroles.
Futal : utilisé couramment en langage populaire pour désigner le pantalon, on dit aussi : le bénard, le bénouze, le grimpant.
Avoir les grelots : Grelots au pluriel représente les testicules, mais c’est aussi dans l’expression « avoir les grelots » pour « avoir peur » une métaphore qui symbolise le tremblement, grelotter.
Mastroquet : c’est à la fois le cabaretier, marchand de vin et le lieu, cabaret, bistrot troquet ; vient du flamand meisterke qui est un tenancier d’auberge.
Nase, nase, nazibus, nazebroque : le nez tout simplement mais nase comme adjectif signifie abimé cassé et également nul en parlant d’une personne ou d’une situation.
Pas de lézard : nous avons vu que lézard est à la fois un faux-frère, un escroc, et une difficulté et donc pas de lézard se dit pour une action facile à mettre en œuvre.
Passer l’arme à gauche : mourir ; nous sommes ici dans une expression militaire dont l’origine est :
L’infanterie de la Grande Armée napoléonienne utilisait de longs mousquets qu’il fallait recharger. Pour cela, après avoir tiré, les soldats passaient leur arme dans la main gauche pour la réapprovisionner par le canon. Durant le laps de temps relativement long compte tenu du contexte, le fantassin était très vulnérable, car désarmé et très concentré sur la préparation de son prochain tir. Beaucoup d’entre eux se faisaient tuer lors de cette phase délicate, d’où l’expression...
Peau de balle et balai de crin : dans de nombreuses expressions utilisant peau, il s’agit du mot usuel, où la peau est la fleur de l’individu, le symbole de la vie de ce qui existe et donc peau de balle, de zebi, de bite c’est pratiquement rien de même le balai de crin n’est pas pratique pour balayer et donc peau de balle et balai de crin est synonyme de rien du tout. Nous verrons petit à petit les nombreuses variantes utilisant peau.
Tocasson : nous connaissons tocard pour désigner quelqu’un de mauvais, sans envergure, le tocasson est plus « gentil » et désigne une personne qui ne réfléchit pas assez.
Tricoter des piottes : nous avons vu que tricoter des gambettes c’est danser, ici (les piottes en lyonnais désignent les jambes) il s’agit de marcher vite.
Se poiler, se fendre la poire, la prune, la pèche... comme se bidonner : c’est rire et précisons que bidonner en forme non pronominale c’est fausser, truquer, tricher.
Voir aussi le Dico actualisé