Episode 11
Première prise de contact
« Les conneries, c’est comme les impôts, on finit toujours par les payer. »
Michel Audiard
Où la Belle découvre enfin son hôte et ils entament un échange presque mondain.
La Belle avait les chocottes et arnoucha en direction du bruit des pas qui se rapprochaient. La lourde s’ouvrit doucement. Zyeutant le monstre qui apparût sous ses quinquets ébaubis, elle faillit partir à dame et se rattrapa de justesse en enfonçant ses ongles dans le dossier en cuir d’une chaise.
Il avait pourtant pris la peine de soigner son apparence, mais il ne ressemblait tout de même pas à un gigolpince du genre beau ténébreux. Il avait revêtu un ensemble, pourpoint et pantalon en brocart bleu nuit broché de fils d’argent et sur les épaules une cape gris bleu qui lui tombait jusque sur les guiboles. Il ne portait aucune arme à son ceinturon et avait enfilé de larges gants de cuir pour dissimuler ses grosses pattes griffues. Kif-kif avec ses bottes mousquetaires pour cacher ses ripatons. Sa crinière était soigneusement coiffée et gominée et il s’efforçait d’afficher un doux sourire félin pour ne pas effaroucher la donzelle. Il jacta de sa voix de baryton aux intonations qu’il voulait amicales:
« Bonsoir La Belle ! Avez-vous fait bon voyage ? S’il vous manque quelque chose, crachez le morceau. Je me fendrai en quatre pour vous servir ! »
« Me voilà rassurée ! » Jabilla-t-elle « J’avais eu les jetons de te servir de casse dalle. La bouffe est bonne. Le pieu est confortable et tu n’as pas décoré la casbah comme un sagouin. Le choix de tes bouquins n’est pas craignosse. Moi qui rêvais d’être bibliothécaire, je suis à la noce. Quand j’étais mignarde, je n’jouais pas à la poupée ni à la marchande. Je dévorais tous les livres qui me tombaient sous la pogne. J’ai lu tout Pif le chien, Tintin, Fripounet et Marisette. J’n’ai pas lu les ‘‘Martine’’ car c’était un peu nunuche. Après, je me suis mis à suivre Agatha Christie, San Antonio et Stephen King sans oublié Proust, Bazin, Montaigne et La Boétie. Ta baraque est bien entretenue, tout est nickel chrome. Je n’sais pas qui passe l’escouve dans les escadrins et la patte mouille sur les carreaux, mais ma parole ! T’as du passer un deal avec La Mère Denis, Monsieur Propre et Canard WC. »
Un chouia soulé par ce flot de paroles, La Bête répondit :
« Quelle horreur, j’ai jamais eu l’intention de te becqueter. J’aime bien la volaille, mais quand même ! Non je n’ai même plus l’intention de te trucider. Toi et ton Vieux, je vous ai à la bonne. Engage toi seulement à rester six mois dans ce château en ma compagnie et après tu pourras partir ! »
Mais c’n’est pas dieu posse que d’y croire ! Nos deux héros se tutoient déjà comme copains cochons. On croirait avoir atterri dans le remake du film « Quai des brumes » que Marcel Carné a tourné en 1938 au moment où Gabin dit à Michelle Morgan « T’as de beaux pneus tu sais ! » Faites excuse, je m’ai gouré c’est à son garagiste qu’il disait ça ; à la Morgan il jactait « T’as de beaux yeux tu sais ! »
Poursuivons Pluto ! Comme fit le charcutier coursant le clebs à Mickey qui venait de lui gauler un chapelet de saucisses dans son estanco.
« T’es moche comme un pou, mais t’as vraiment le cœur plus gonflé qu’un bol de riz trempé. » Jaspina la Belle. « C’est ok, je resterai les six mois dans ta casbah sans chercher à m’enfuir. Tu as ma promesse ! »
« Merci ! J’avais eu les foies que tu ne sois une pétasse, mais rencarde moi, un joli petit lot comme Toi, doit surement avoir un coquin qui va se foutre en renaud et venir faire du suif au château ! »
« Pétasse, ça craint, t’aurais pu dire gourgandine, mais je n’suis pas bêcheuse et je le prends pour un compliment. Ne te casse pas le bonnet gros minet. Je cours pas la patentaine et frotte pas avec les greluchons. J’ai juste dix-huit balais et j’n’ai pas dans les intentions de me mettre à la colle avec un miston. »
Elle rajouta : « Maintenant que les présentations sont faites et que tout est clean qu’est-ce qu’on fait ? On prend l’apéro ? On se tape une coinche ? On borgnote les guignols sur canal ? Pour ma part, je commence à avoir un peu les crocs. Seulement il y a une couille dans le potage car le couvert n’est mis que pour un seul convive ! »
La Bête rétorqua : « Pour dire vrai, t’as vu ma dégaine et ma tronche ! Je briffe comme un dégueulasse et je suis un peu péteux que tu me vois boulotter. Si ça ne te coupe pas l’appétit, je peux rester à tes cotés et apprendre les bonnes manières. Mais j’ai une demande à t’adresser ! »
Fin de l'épisode, à suivre...
Que demanda-t-il ?
Réponse A : Veux-tu m’embrasser, je suis sous l’emprise d’un charme et un baiser me rendra mon apparence originelle ?
Réponse B : Veux-tu m’épouser ? Je ferai de Toi une princesse riche et célèbre. Tous tes désirs seront exhaussés.
Réponse C : Veux-tu une fois ton repas terminé commencer à m’apprendre à ne plus licher dans une écuelle et à me tenir à table ?
Réponse D : Veux-tu savoir comment tout a commencé et me dire si la fée bleue n’a pas poussé le bouchon un peu loin ?
Alors là c’est vachard. Faut attendre une semaine. J’en trépigne !
Comme toujours, je rajoute dans le dictionnaire, les nouveaux mots du langage populaire, argot ou lyonnais comme escouve, estanco, gauler, gigolpince, pogne et surtout les dérivés croquignolets de pogne.
Voir - Glossaire
29 mars 2020
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