Saison 4
40e épisode - Aetius et Attila "frères ennemis"
Journal de Fabullus le jeune (suite)
L'incursion hunnique en Gaule
Ce qui caractérise l’empereur Valentinien III, ce n’est ni sa vaillance au combat, ni ses qualités de stratège mais son intransigeance en émettant des édits de persécution contre les païens et en faisant de même avec les chrétiens non catholiques. Sa rigueur morale ou peut-être sa jalousie, le pousse à faire assassiner l’amant de sa sœur Honoria, l’envoyant à Constantinople et lui interdisant de se marier.
En cherchant à se venger, la drôlesse va précipiter le rythme de l’histoire. Elle demande secrètement l’aide d’Attila contre son frère ; pour cela, elle lui envoie sa bague. Le grand chef des Huns considère l’envoi de la bague comme une demande en mariage. Il réclame alors à Valentinien, la Gaule comme dot. L’empereur interloqué refuse.
Alors vexé, Attila ne fait ni une ni deux, il envahit la Gaule en 450.
Tandis qu’avec ses troupes il dévaste pille et massacre joyeusement sur son passage les villes de Strasbourg, Metz et Reims et se dirige vers Troyes en évitant Paris (ce qui alimentera l’intervention « divine » de Sainte Geneviève), Aetius grâce aux bons offices d’Avitus s’allie avec Théodoric roi des Wisigoths ; puis il forme avec l’armée romaine une coalition composé de nombreux fédérés qui bien sûr ne veulent pas être dépossédés de leurs territoires, Francs Saliens dirigés par Mérovée (qui a succédé à Clodion mort en 447) et Ripuaires, Burgondes et Alains.
Attila ne parvient pas à s’emparer d’Aurelianum (Orléans) et, lorsqu'il apprend l’approche d’Aetius, il rebrousse chemin en direction de Troyes. Nous voilà en ce début d’été 451, proche de Châlons-en-Champagne à Duro Catalaunum (les Champs Catalauniques). Les deux armées sont face à face, prêtes à un combat fratricide entre germains (l’armée d’Attila comportant aussi des Goths, des Francs, des Sarmates...).
J’assiste aux dernières consignes données par Aetius avant de me reposer dans ma tente, où je ne trouve pas le sommeil, conscient d’être le témoin d’une bataille décisive pour l’avenir du monde occidental. Le lendemain dès l’aube, les Alains essuient le premier choc de l’assaut des Huns, tandis que les Francs Saliens menés par Mérovée parviennent à les déborder sur leur flanc et à les mettre en déroute. Dans la journée, le roi des Wisigoths, Théodoric 1er est tué par Valamir, roi des Ostrogoths ; son fils Thorismond, proclamé roi sur le champ de bataille, veut se lancer à la poursuite des Huns, mais Aetius le convainc de rentrer à Toulouse pour régler la succession de son père.
Tandis qu’Attila allume un grand bûcher, sans doute pour s’y jeter vivant afin de ne pas subir la honte de la défaite et que Mérovée s’apprête à l’assaut final, Aetius intervient : « Il y a déjà eu trop de morts en cette journée, laissons l’ennemi partir sans honte. Rejoins tes terres, emporte la part du butin que nous avons récupéré et qui te revient. Consolide ta position en Gaule avec suffisamment de braves sous ton autorité. » Effectivement, après le départ des Francs, les barbares se replient marquant ainsi la fin des incursions hunniques en Gaule. Je regarde alors les deux « frères ennemis » se toiser avant que chacun ne s’en retourne en sachant qu’ils ne se reverront plus.
Je rejoins Ravenne en 452, où je constate que la cour fourmille de sénateurs jaloux des succès du magister militum qui font répandre le bruit qu’il a délibérément laissé la liberté à Attila, qu’il n’est qu’un « Hun romanisé » et qu’il pourrait bien s’emparer de la pourpre impériale. Effaré, je pars à la rencontre d’Aetius. Celui-ci arrive d'Aquitaine où en 453 il vient de réussir à ramener le calme dans la succession de Thorismond victime d’un complot et remplacé par Théodoric II lequel réaffirme le statut de fédéré de son peuple par rapport à l’Empire romain.
Je le retrouve en Arles où il rédige ses mémoires pour son fils Gaudentius Flavius. Je l’informe des risques qu’il encoure, mais il me rétorque : « Ne te remue pas les boyaux du cerveau, ne suis-je pas triomphant et couvert d’un énorme butin qui fera taire les médisants. Mes mémoires suffiront à laver mon honneur et à rétablir la vérité. Pars à Lugdunum rejoindre ton fils et ne te fais pas de bile ». Je le quitte dans une dernière accolade pas rassuré pour autant.
Mes pressentiments se révèlent exacts car le 21 septembre 454 reçu en audience par Valentinien III, ce dernier, traitreusement le poignarde, l’envoyant rejoindre la camarde. Procope relate que d'un Romain à qui Valentinien demandait s'il avait bien fait, il reçut cette réponse : « Je ne sais si vous avez bien ou mal fait, mais je sais que de la main gauche vous vous êtes coupé la droite ». Aetius sera vengé six mois plus tard le 16 mars 455 par deux membres de sa garde personnelle, Optila et Thraustila, qui assassinent l'empereur Valentinien III sur l’instigation du sénateur Pétrone Maxime qui revêt aussi sec, la pourpre impériale.
La lente descente aux enfers de l’Empire d’occident va commencer.
Deux mois plus tard, le 31 mai, Pétrone Maxime est lynché par la foule alors qu’il cherchait à fuir Rome de nouveau envahie par les Vandales de Genseric.
Avitus qui avait aidé Aetius et qui avait été nommé magister militum était ce jour-là à Toulouse en mission diplomatique. Alors, Théodoric lui propose la pourpre qu’il accepte après avoir obtenu l'aval des sénateurs gallo-romains lors d'une réunion. Il est proclamé empereur en Arles le 9 juillet 455. Il se rend en Pannonie pour conclure un traité avec les Ostrogoths qui s’engagent à défendre les frontières du nord de l’empire et en septembre, à Rome, il reçoit confirmation de son statut par Marcien, empereur d’Orient. Il nomme le Wisigoth Ricimer magister militum.
Hélas, à cause de ses origines gauloises (il était noble mais Arverne) les Romains d’Italie font un peu la bobe à Avitus. Aussi, lorsque celui-ci échoue dans sa campagne contre les Vandales, Ricimer retourne sa veste, et s’associe à Majorien chef de la garde impériale. Les deux complces fomentent un coup d’état, s’emparent de Ravenne et battent Avitus à la bataille de Plaisance le 18 octobre 456. Ils lui laissent la vie sauve s’il accepte sa nomination d’évêque de Plaisance. Mais, craignant pour sa vie, Avitus cherche refuge en Gaule et bizarrement, il meurt en chemin !!! L’empereur d’Orient Léon 1er, qui a succédé à Marcien et qui est le seul empereur légitime accorde le titre de patrice à Ricimer et de magister militum à Majorien mais ils sont cette fois récusés par les aristocrates gallo-romains, les Burgondes et les Wisigoths et donc en avril 457, nommé empereur par l’armée d’Italie, Majorien n’occupe plus que l’Italie et le sud de la Gaule.
Il va y avoir encore quelques soubresauts avant que la Gaule ne soit Francisée et partagée en pluri-royaumes mais ceci est une autre histoire.
Fin de l'épisode, à suivre...
39e épisode - Aetius "le dernier des Romains"
Journal de Fabullus le jeune (suite)
De mon incorporation à 447
Comme il se doit dans l’éducation d’un jeune patricien, dès mon 17ème anniversaire en 422, j'incorpore l’armée en rejoignant le général Aetius qui dès son enfance avait été éduqué à la cour d’Honorius par Stillicon puis envoyé à dix ans (de 405 à 408) comme otage à la cour d’Alaric (roi des Wisigoths fédérés) en Mésie avant de passer ensuite de 409 à 412 trois années toujours comme otage à la cour de Ruga roi des Huns où il se lia d’amitié avec Attila, son neveu. Il avait ainsi pu apprécier la supériorité de ce peuple au combat. Aetius en était devenu un redoutable chef de guerre.
En août 423 à la mort d’Honorius la succession s’avère difficile ; le sénat romain de Varenne désigne Jean empereur. Celui-ci demande au général Aetius de rejoindre Attila pour recruter des mercenaires Huns. Le général dont j’étais l’aide de camp, me propose de l’accompagner. J’apprends ainsi à connaître la valeur de ces guerriers dénués de pitié, de pudeur et de morale. Ils étaient redoutés de leurs ennemis qui les comparaient à un vol de sauterelles s’abattant sur les champs de blé ; la crainte qu’ils inspiraient était telle que la rumeur prétendait que là où ils passaient, l’herbe ne repoussait pas : Attila était surnommé « le fléau de Dieu ». Fort heureusement, j’étais en sécurité grâce à l’amitié et au respect réciproque qui liaient ces deux chefs de guerre.
Pendant les deux années que dura notre séjour, la situation se dégrada dans l’Empire occidental : en voici le résumé. Galla Placidia est à Constantinople lorsqu’elle apprend la nomination de Jean. Aussi sec elle réclame le trône pour son fils Valentinien auprès de l’empereur bysantin Théodose lequel intronise l'enfant, "César". Théodose envoie une forte armée à Ravenne, laquelle, en l’absence du général Aetius, n’a aucune peine pour prendre la ville en 425. Jean est exécuté. Valentinien III âgé de six ans devient empereur le 23 octobre 425 sous la tutelle de sa mère.
Dès notre retour de mission, Aetius se rallie à Valentinien. En 426, il est nommé préfet du prétoire des Gaules par Galla Placidia. Il repousse les Francs orientaux au-delà du Rhin, soumet les bagaudes (bandes de paysans rebelles) d’Armorique, bat les Francs saliens du roi Clodion le Chevelu à Hélesmes, succès qui lui valent d’être élevé au grade de magister militum en 428 puis généralissime en 429 et sénateur passant quelques temps à la cour de Ravenne où, attaché à sa personne, je profite pleinement des privilèges accordés. Mais nous ne restons pas inactif et je rédige les clauses du traité de fédération conclu en 431 entre Aetius et Clodion accordant le statut de fédérés aux Francs saliens qui deviennent combattant pour Rome et s’installent près du fisc impérial de Tournai (à l’origine du futur royaume franc de Clovis : note de l’auteur).
Pour l’anecdote, je précise que le terme "chevelu" associé à Clodion indique la marque distinctive matérielle de l’origine céleste des rois mérovingiens. En effet, si les guerriers francs se rasaient le derrière de la tête, seuls les rois conservaient leur chevelure intacte qui leur retombait sur les épaules ; tondre un roi équivalait à le déposer. C’est par respect pour cette coutume qu’Aetius avait à Hélesmes ordonné qu’on ne touche pas aux cheveux du roi ce qui avait surpris les légionnaires insensible à la poésie de ce symbolisme germanique. C’est peut-être là que vient l’expression « ne pas toucher à un seul cheveu de la tête de quelqu’un pour signifier qu’il ne faut pas lui causer de dommage !!! ».
Nous aurions pu entrer dans une période faste pour l’Empire d’Occident si les ambitions et les soupçons ne venaient pas empoisonner les relations entre les principaux acteurs du redressement. Nous avons en effet deux personnages qui se partagent les faveurs de Galla Placidia, la régente. Aetius en Gaule et le général Boniface, sénateur et tribun militaire nommé en Afrique en 421, la partie la plus riche et la plus fidèle de Rome d'où Boniface avait contribué au renversement de Jean. Lorsqu’il est rappelé à Ravenne en 427, Boniface refuse : il est déclaré rebelle. Les troupes envoyées contre lui échouent et par vengeance il s’allie avec les Vandales de Genséric. Tout cela finit inévitablement par une bataille entre les deux généralissimes. Malgré la supériorité de Boniface, celui-ci est mortellement blessé à Rimini en 432.
Galla Placidia le remplace par le comte (titre équivalent à généralissime) Sébastien. Mais Aetius, appuyé par les Huns de Bleda et Attila qui pénètrent en Italie, dépose Sébastien de son titre et celui-ci s’exile à Constantinople.
En 434 Aetius règne alors en seul maître de l’Empire et devient Consul. En 436, avec ses alliés Huns, il bat les Burgondes du roi Gondicaire qui avaient atteint Toul. Comme à son habitude, Aetius négocie et accorde aux vaincus de s’implanter en Sapaudia, territoire entre les Alpes et le Jura où ils prennent le statut de fédérés. Galla Placidia lui accorde le titre de patrice en 435 et renouvelle son Consulat en 437. Il combat aussi les Wisigoth entre 439 et 440 et confie à Avitus la négociation d’une paix avec Théodoric auquel il accorde le statut de fédéré et lui octroie la province de Novempopulanie ou province des neuf peuples en Aquitaine et pour sceller cette alliance, Aetius épouse une fille de Théodoric. Aetius charge Goar roi des Alains de surveiller les Armoricains, mais l’Armorique demeure indépendante et les Saxons s’implantent dans le Boulonnais et la Basse-Normandie. En 446, il est pour la troisième fois nommé consul et en 447 il renouvelle à Clodion son statut de fédéré à Tournai.
Que voici, que voilà vingt-cinq années intenses et les chroniqueurs du futur donneront à Aetius le surnom mérité de « dernier des Romains ».
Vous pensez que l’Empire romain d’Occident est reparti du bon pied. Oui mais non, car si les succès d’Aetius sont bien réels, ils reposent sur une alliance délicate avec les Huns et vous avez pu constater que ceux-ci ne se sont ni approchés, ni aventurés en Gaule.
Nous arrivons cependant très près d’un coup de théâtre à cause d’un quiproquo fâcheux. Mais ceci est une autre histoire !
Fin de l'épisode, à suivre...
38e épisode - Les migrations germaines
Journal de Fabullus le jeune - décembre 422
Je viens de terminer mes études de lettres en latin-grec et je devrais obtenir un poste de correspondant auprès de l'évéché lyonnais. Voici mon histoire.
Je suis né en 405, juste avant le début des troubles profonds qui ont affecté la Gaule, mais revenons dix ans plus tôt.
En 395, l’empereur Théodose, qui est sans doute le dernier à avoir régné sur l’Empire unifié d’Orient et d’Occident, ferme son parapluie et rejoint la grande faucheuse. Depuis cette date une séparation de fait existe, chacun des détenteurs de la pourpre impériale s’efforçant de résoudre ses propres difficultés de survie. En ce qui concerne l'occident, les véritables dirigeants sont les généraux en chefs élevés au grade de patrice « père de l’empereur », une distinction donnée depuis Constantin, aux rois germains en récompense de leur bravoure et de leur soutien aux armées impériales. C’est ainsi que Stillicon (Flavius Stillicho en latin) général d’origine Vandale, seconde Honorius qui vient d’être intronisé empereur d’occident. Dès l’année suivante, Stillicon enrôle des Francs et des Alamans au sein des légions et nombreux seront les Francs qui accèderont rapidement à des grades élevés dans les armées romaines.
Comme de bien s’accorde, pour conserver le soutien des barbares pro-romains, en 398, un édit impérial décrète qu’un tiers des domaines romains seront attribués aux Germains ; ce règlement appelé « régime de l’hospitalité » précise que Rome garde le pouvoir civil désarmé tandis que les Germains obtiennent le pouvoir militaire ; ils deviennent alors alliés de Rome qu’ils sont prêts à défendre en cas de besoin. ainsi, en 401 lorsque les Vandales et les Alains envahissent la Rhétie (province comprise entre le canton des Grisons, le Tyrol, le sud de la Bavière et la Lombardie) et la Norique (à l’ouest de la Rhétie, au nord du Danube , à l’est de la Pannonie et au sud de la Dalmatie), ils sont attaqués et vaincus par Stillicon qui les incorpore aux légions. L’année suivante, les Wisigoths conduits par Alaric envahissent l’Italie. Battus par Stillicon ils y restent. La cour par crainte s’installe avec l’empereur à Ravenne et comme Stillicon parvient à refouler les Wisigoths en Illyrie, Honorius se rend à Rome en 404 pour y célébrer « son triomphe ». Dans la foulée et avant de repartir pour Ravenne, il y prend des mesures antipaïennes et interdit la gladiature. La menace vient alors de Radagaise et ses Ostrogoths qui franchissent les limes (enceintes fortifiées des frontières) avant de se faire battre eux-aussi par Stillicon. Ce gone n’est pas un cogne-mou et justifie vraiment son poste, non !
Nous sommes en 405 et donc je pointe le bout de mon nez, ignorant que je débaroule dans un monde pas franchement joyeux. Et pour cause car en 406, les Vandales, Alains, Suèves et Burgondes envahissent la Gaule suivant un axe de Reims à Bordeaux. Ils incendient Trêves la Capitale sans être inquiété par les auxiliaires Francs, et mettent la Gaule en coupe réglée pendant trois ans. Heureusement, un usurpateur, Constantin III, nommé en Bretagne, débarque pour venir en aide aux gaulois. Il fixe la nouvelle capitale des Gaules à Arles et parvient à repousser les envahisseurs qui filent vers l’Espagne en 409.
Pendant ce temps, Stillicon avait rejoint Ravenne en 408 pour s’opposer à Alaric qui attaquait à nouveau l’Italie par la Norique. Il se fait arrêter par Honorius. Consternation ! L‘empereur ordonne son exécution, le remplace par Constancius, et en plus il fait estourbir tous les officiers Francs de l’armée impériale. Cet imbécile vient tout simplement de sacrifier ses meilleurs officiers. Alaric en profite pour s’emparer de Rome en 410 et la piller ; il fait de même dans tout le sud de l’Italie. S’apprêtant à rejoindre l’Afrique, une tempête détruit sa flotte et il se retrouve en Calabre où il dépote son géranium d’une mauvaise fièvre, laissant sa place au roi Athaulf.
Profitant de cette brève accalmie, en 411 Honorius rejoint Arles avec son armée dirigée par Constancius qui capture Constantin III et le livre à l'empereur qui envoie l'usurpateur rejoindre la grande faucheuse. Toujours pas de répit car à son tour, Jovin se déclare empereur à Mayence, s’allie avec Athaulf qu’il autorise en 412 à envahir la Gaule par le sud. Mais Athaulf pro-romain trahit l’usurpateur qui est livré à Honorius lequel ne se prive pas de lui faire avaler son bulletin de naissance. Les Wisigoths s’étaient emparés de Narbonne, Toulouse et Bordeaux quand Athaulf épouse en 414 la sœur d’Honorius, Galla Placidia. Il se lance ensuite à la conquête de l'Espagne. Mauvaise pioche, il se fait assassiner à Barcelone en 416. Wallia le remplace et rencontre le patrice Constancius qui négocie le départ des Wisigoths d’Espagne en leur accordant l’Aquitaine qui devient en 418 le premier royaume Wisigoth avec statut de fédéré. Wallia décède cette même année et il est remplacé par Théodoric 1er.
En 416 Constancius avait épousée à son tour Galla Placidia dont il aura un fils Valentinien et une fille Honoria. En 421 il est nommé auguste, mais il meurt... de maladie ! L’année suivante privée de chefs compétents l’armée romaine se fait écrabouillée en Espagne.
Pendant toute cette période et c’est incroyable, mais Lyon s’est trouvée pratiquement épargnée par les conflits avec ça et là quelques incursions vite réprimées. Résidant côté rive droite de la Saône dans l’actuel quartier Saint-Paul et mon père étant notable, j’ai commencé mes études auprès des rhéteurs de l’épiscopat lyonnais.
Depuis le IVème siècle, le christianisme continue ici comme partout dans l’Empire, son prodigieux développement et il constitue le vivier de l’aristocratie avec une hiérarchisation rigoureuse : évêque, prêtre, diacre, lecteur, acolyte. Pour un étudiant, je confirme que leurs bibliothèques sont particulièrement bien fournies. A quinze ans, je maitrise donc le grec et le latin et suis au courant de tous les évènements qui nous entourent. Chez nous, mis à part les offices, les fidèles sont regroupés par classe sociale tant pour les jeux que pour les cérémonies et fêtes ce qui me chagrine un peu car la religion devrait d’avantage concourir à l’unification des couches sociales de la population.
Un autre point m’interpelle : à la mort du pape Zozime (le 26 décembre 418), le parti des diacres élit pour lui succéder, Eulalien le 27 décembre alors que le 28, les prêtres choisissent Boniface 1er ; il résulte que les deux hommes sont sacrés chacun de leur côté. Un conflit va opposer les partisans des deux camps jusqu’à ce que l’empereur Honorius tranche en 419 en faveur de Boniface ce qui est logique puisque dans la hiérarchie les prêtres sont supérieurs aux diacres. Il n’empêche que le christianisme naissant ne fait pas figure de bon élève dans notre monde tourmenté actuel.
Grâce aussi à la paix relative dont nous bénéficions, l’économie reste correcte avec le maintien d’une bonne activité des métiers du bâtiment, des ateliers de potier, et des tailleurs de pierres. Mais c’est surtout la manufacture lainière d’état (l’une des six installées en Gaule) qui procure le plus de revenus à la ville. Elle est surnomée "La gynécée" car elle utilise principalement une main d'œuvre féminine. Les deux gros marchés porteurs de cette activité sont : les uniformes pour la troupe et le service civil ainsi que les vêtements de luxe pour la cour.
Dernièrement je viens d’apprendre que dans l’Europe orientale en 410, un nouvel empire a vu le jour. Il s’agit de l’Empire des Huns. Je crains que cela n’annonce rien de bon.
Fin de l'épisode, à suivre...
37e épisode - Fabullus an 383
Il est 10h lorsque le car s’arrête à Jons sur la D6 à la hauteur de la D6e qui mène à main gauche au pont de Jons. J’en descends et lorsque le car reprend sa route en direction de Villette-d’Anthon je traverse prendre la D6e puis à main droite le chemin qui monte vers le hameau de Bianne où réside mon arrière-grand-tante. Je pourrais faire le chemin les yeux fermés car c’est chez elle que, depuis ma petite enfance, nous allons, dès les beaux jours, passer nos dimanches en famille. Des dizaines d’anecdotes me reviennent en mémoire et si j’en ai le temps, un jour, je vous les conterais. Mais en cette fin du mois de juin 1965, ma visite en solitaire a une autre motivation. Nous sommes jeudi et je n’ai pas de cours, ni d’atelier au lycée La Martinière où j’effectue mon avant-dernière année de TIM (technique industrielle de micromécanique, autrement dit : horlogerie). J’ouvre le portail donnant sur une petite cour en détachant une vieille chaîne enroulée entre les deux battants. Elle n’a pas de cadenas et sert depuis très longtemps à tenir le portail fermé qui ne comporte pas de verrou, juste un loquet qui ne résiste pas au premier coup de vent. Tante Pauline m’attend sur le perron de l’entrée. On se coque la miaille comme il se doit.
- Je t’ai vu arriver par la croisée de la cuisine, mon gone ! Blanche, ta grand-mère, ma nièce bien aimée, m’a prévenue par courrier de ta visite. Mais je ne vois pas le père Bouvier, ne devait-il pas t’accompagner ?
- Il nous rejoindra pour le café. Ce matin il a un cours de catéchisme à l’annexe du Lycée Chaponnay de la rue Pierre Corneille, qui jouxte l’église de l’Immaculée Conception.
J’étais venu ce jour-là pour récupérer une petite malle contenant la transcription de documents écrits depuis le IVème siècle par les descendants de Fabulix. Mémé Blanche m’avait proposé de me confier ces documents que lui avait légués son aïeul et qui étaient conservés par sa tante.
- Ils te reviennent car tu es passionné d’histoire, me dit-elle.
Jusqu’au XVIIIème siècle, les documents ont été réécrits à cha peu par des copistes et certains sont encore en latin. D’où la présence du père Bouvier, un prêtre ouvrier qui en classe de 3ème nous donnait des cours de morale et d’éducation civique en lieu et place du catéchisme (j’étais élève au Lycée Chaponnay). Cet homme très érudit nous ouvrait les portes de sa bibliothèque. Je l’ai contacté pour qu’il m’aide à traduire les textes en latin et en vieux français. Ce jeudi de juin 1965 marque le début de notre collaboration qui durera de nombreuses années pour la compilation des documents et leur réécriture en français actuel.
C’est pourquoi à partir de cet épisode, la suite du feuilleton historique comportera l’opinion et les sentiments des témoins de l’Histoire telle qu’ils l’ont vécue.
383 - Lettre de Fabullus à sa fille Julie, correspondant auprès de Justus évêque de Lugdunum
Ma chère Fille
30 ans après le suicide de Magnence, c’est encore par chez nous que le jeune empereur Gratien tout juste âgé de 24 ans vient de trouver la mort ce 25 août 383. Au début de l’année 383, le général romain Maxime, de la province de Britannia se fait proclamer empereur par ses troupes. Aussi sec, il débaroule en Gaule pour faire valoir ses prétentions. Au printemps, en 6 jours, à la bataille de Lutèce, il défait les légions de Gratien qui de ville en ville ne trouve refuge qu’à Lugdunum où le gouverneur lui ouvre les portes. Mais c’est une souricière car les espions de Maxime font courir le bruit que l’impératrice arrive rejoindre son époux. Le cœur gonflé comme une pâte à bugne trempée dans un bain d’huile, le pauvre gone sort imprudemment de la ville et se dirige vers une litière fermée. Ouvrant les rideaux, il se fait choper et trancher le corgnolon d’un coup de glaive par Andragathios, commandant de cavalerie de l’usurpateur. Celui-ci arrive, désapprouve le meurtre et fait transférer le corps à Trèves pour être inhumé avec les honneurs (geste purement politique pour ne pas s’attirer les foudres de Théodose).
Quelle misère tout ce que nous vivons à notre époque ! Tout ceci n’annonce rien de bon pour les temps à venir. Reste bien en Aquitaine pour cultiver ta vigne avec mon gendre. Il paraît que cette année la récolte sera bonne et que ce sera un bon cru.
Quand je songe qu’il y a une vingtaine d’années, en 361, Julien dit l’Apostat, avait promulgué un édit de tolérance autorisant toutes les religions, abolissant les mesures prises non seulement contre le paganisme, mais aussi contre les juifs et les hérétiques ariens. Il a voulu réformer le paganisme sur le modèle des institutions chrétiennes (moralité des prêtres, création d’institutions charitables) il a même institué une hiérarchie des cultes autour du dieu Soleil. Il a réorganisé et assainit la lourde administration impériale en réduisant le personnel du palais et celui affecté à la délation et à l’espionnage, les agentes in rébus ; il s’entoura de fonctionnaires de toutes confessions. Installé à Antioche pour préparer une grande expédition militaire contre les Perses, il parvint jusqu'à Ctésiphon leur capitale, lorsqu’il fut mortellement blessé le 23 juin 363.
Dès lors commence vingt ans de troubles. Le général Jovien, commandant de la garde impériale, officier Illyrien endosse la pourpre impériale. Officier émérite, il est aussi chrétien tolérant et donc il apaise le climat de radicalisation mutuelle des positions des tenants et opposants du christianisme qui s’était développé sous Julien. Il promulgue un nouvel édit de tolérance accepté cette fois-ci par chacune des parties. Seulement voilà ! le bougre ne crachait pas sur la mangeaison et la lichaison et c’est après un mâchon, sur la route de Constantinople, dans la nuit du 16 au 17 février qu’il ferme son parapluie des suites de ce repas bien arrosé.
Le 20 février, Valentinien 1er est nommé empereur d’occident. Il nomme Valens le 8 mars suivant co-empereur pour l’Orient. En 367 Valentinien délivre la Gaule des Alamans. Il nomme son fils Gratien Agé de 8 ans Auguste pour lui succéder. De son côté Valens est vainqueur des Wisigoths dans son combat de 367 à 369. Il soutient l’arianisme et persécute les intellectuels païens.
Le 17 novembre 375 Valentinien épouse la Camarde en Pannonie dans le conflit qui l’oppose aux Quades et aux Sarmates. Gratien étant absent, c’est son demi-frère Valentinien II qui est proclamé empereur à l’âge de 4 ans sous la tutelle de sa mère Justine.
Les Wisigoths qui se sont alliés aux Ostrogoths en 375, occupent la Thrace en 377 et le 9 août 378, Valens meurt d’une flèche au cours de la désastreuse défaite d’Andrinople. Théodose le Grand le remplace et avec Gratien en 380 ils arrêtent les Goths en Epire et en Dalmatie.
Le 28 février 380, Théodose promulgue l’Edit de Thessalonique qui fait du catholicisme orthodoxe la religion d’état obligatoire. L’hérésie arienne est interdite et c’est le début de la fin pour le paganisme. Il commet pourtant l’erreur de fixer les Ostrogoths en Pannonie en 380 et les Wisigoths en Mésie en 382 introduisant ainsi le ver dans le fruit, prélude aux invasions barbares.
Comme tu le vois Julie, nous vivons une époque très compliquée mélange de guerres contre les Perses et les barbares et pour la prééminence d’une religion. J’étais avec Justus en 381 au concile d’Aquilée au nord-est de l’Italie dans la province d’Udine. Ce concile est le pendant de celui de Constantinople, où l’essentiel des débats a reposé sur le combat contre les hérésies et le paganisme suite à l’Edit de Thessalonique. Je crains que la tolérance ne soit plus qu’un mot relégué aux oubliettes.
Donne-moi de tes nouvelles et de celles de tes deux garçons qui doivent être de petits gones bien artets et je l’espère pas trop tarabates : à 10 et 12 ans, ils doivent bien occuper ton espace de vie.
Je vais tacher moyen de venir vous rendre visite prochainement.
D’ici là prenez soins de vous.
Je vous embrasse et transmets mes amitiés à ton époux.
Fin de l'épisode, à suivre...
36e épisode - Constance II et Julien - Une trouble cousinade
Faisons un point sur la situation en Occident : Constant est seulement âgé de dix-sept ans lorsqu’il devient co-empereur en 337 avec ses frères Constantin II (23 ans) et Constance II (27 ans). Trois ans plus tard, par dépit, il fait tomber Constantin II dans un guet-apens d’où il l’envoie rejoindre la camarde. Il se chipote ensuite avec Constance II mais c’est lui cette fois qui se fait dessoudé le 27 février 350 par Magnence, son général en chef devenu usurpateur de la pourpre impériale, lequel pour faire bonne mesure fait fermer son parapluie à un autre pâle usurpateur, Népotien, qui ne régna que 23 jours en mars 350.
Pour protéger ses arrières, Magnence nomme son frangin Décentius, César.
De son côté Vétranion qui lui-aussi avait usurpé le titre depuis mars 350, se fait gourmander par Constance à qui il fait allégeance avant de partir en exil à Pruse (l’actuelle Bursa de la province de Marmara en Turquie). C’était le 25 décembre (un cadeau de Noël puisqu’il aura la vie sauve et mourra de mort naturelle dix ans plus tard en 360).
Trois ans de castagne plus tard, Magnence vaincu se suicide à Lyon le 11 août 353, suivit dans son geste par son frère Décentius qui se pend à Sens le 18 août. Constance II devient donc seul maître à bord.
Rappelez-vous ! Silvanius avait changé de camp et permit à Constance de vaincre Magnence. Hélas ! suite à une malencontreuse série de quiproquos et craignant d’être zigouillé, il se fait proclamer empereur le 11 août 355. C’est ballot, puisque le 7 septembre il se fait attaquer dans son palais par quelques spadassins issus des troupes auxiliaires, des Carnutes, (des gaulois celtes comme Astérix) alors qu’il se rendait à la messe. Réfugié dans la chapelle chrétienne, les païens l’en extirpent avant de le massacrer.
Nous en sommes donc à deux empereurs et cinq usurpateurs dans la sciure ; on se croirait à : « jeu de massacre à la Foire du trône ».
Dirigeons maintenant notre caméra vers l’Orient : Le 15 mars 351 à Sirmium en pleine guerre civile contre Magnence, Constance II revêt son cousin Gallus (âgé de 25 ans) du manteau de pourpre des Césars et lui offre, de surcroit, la main de sa sœur (attention ! pas pour faire le Zouave) Constantina, qui l'a habilement servi durant l'usurpation de Vétramion.
Gallus tient les Perses en respect mais se conduit en tyran, encouragé par sa fenotte (c’est elle qui portait la culotte) qui a pris la grosse tête et se voit déjà impératrice. Convoqués par Constance, Constantina meurt de maladie sur le chemin. Désemparé, Gallus est arrêté et il est jugé de manière expéditive par un tribunal spécial dirigé par l’eunuque Eusébios à Pula (Croatie) puis il se fait exécuter à l’hiver 354.
La pression des Quades et des Sarmates sur le Danube ainsi que la menace perse en Orient poussent Constance à considérer à nouveau la possibilité de nommer un César parmi sa parenté. C'est sur son cousin Julien, le frère de Gallus, que se porte son choix le 6 novembre 355 en lui accordant la main de sa sœur cadette, Hélène. C’est décidemment une manie de refiler ses frangines à ses cousins ! Echaudé, Constance entoure toutefois le récipiendaire, de ses plus fidèles hommes de confiance.
Julien parvient dès lors à redresser la situation en Gaule. Constance de son côté quitte les régions danubiennes après avoir soumis les Quades et les Sarmates. Il se porte en hâte vers Constantinople lorsque Shapur reprenant les hostilités, franchit le Tigre en 358. Évitant Nisibé cette fois, le Roi des rois met le siège sous les murs d’Amida qui tombe en octobre 359 laissant six légions prisonnières des Perses. Inquiet des succès de Julien et pour résoudre son problème Constance réclame le retour en Orient des meilleurs bataillons du nouveau César, provoquant l’usurpation de ce dernier. En effet, les troupes en partie gauloises et germaines, très attachées semble-t-il à leur nouveau César et peu désireuses d'abandonner leurs familles pour aller combattre dans la lointaine Mésopotamie au climat si différent du leur, sortent Julien de son palais en pleine nuit, le ceignent du diadème de circonstance et levé sur un bouclier à la manière franque, Julien César est acclamé Auguste par ses troupes en février 360. De nouveau, Constance prend les armes pour défendre son trône. Julien essaie en vain de négocier et n’y parvenant pas, il marche sur Vienne où il prend ses quartiers d’hiver fin 360.
Constance qui doit poursuivre sa guerre contre les perses se porte sur Edesse puis Amida, assiège Bedzabé et se rend à Hiérapolis.
En 361, après un nouvel été à batailler sur l’Euphrate, et apprenant que Julien, à la tête de ses armées s'est mis en marche vers Sirmium en Illyrie, Constance II quitte finalement la Mésopotamie supérieure pour marcher au-devant des forces de son rival. En juillet, Sirmium tombe entre les mains de l'usurpateur qui avance jusque Naïssos où il se prépare pour l'affrontement avec les armées de son cousin.
Va-t-on assister à un nouveau carnage fratricide entre légions ? Que nenni ! Constance lui épargne cette peine. Tombé malade à Tarse en octobre, Constance Auguste, épuisé par la fièvre, décède le 3 novembre 361 à Mopsucrène en Cilicie dans sa quarante-quatrième année, la vingt-quatrième de son règne. Juste avant de mourir, il se fait baptiser conformément à la coutume et par sens du devoir et de la patrie, pour ne pas faire endurer aux populations de la République les affres d'une nouvelle guerre civile, pleinement conscient de l'intérêt supérieur d'un Empire menacé de toute part, (ici je ne crie pas cocorico mais taratata ! En effet, si le coq gaulois coquerique, l’aigle romain trompette) il confirme son ennemi et néanmoins cousin Julien César comme Auguste pour lui succéder.
Je me demande si ce n’est pas à cause de toutes ces turpitudes qu’on appelle les clowns, Auguste !!!
Fin de l'épisode, à suivre...
35e épisode - Constance II et Magnence - La faute
En 337, Constantin II succède à son père conjointement avec ses frangins Constance II et Constant 1er. Les trois galapiats décident de faire le ménage et commencent par éliminer leurs deux cousins : Dalmatius qui contrôle la Thrace, l’Achaïe et la Macédoine et son frère Hannibalianus, rex regum et ponticarum (roi des rois des peuples du Pont). Pour l’anecdote soulignons que les cousins avaient tous deux été éduqués par Exupérius ; celui-ci était-il un lointain ancêtre de Saint-Ex ? L’histoire ne le dit pas. Ensuite, Le 9 septembre 337 en Pannonie, les trois frères se partagent l’empire : Britannia, la Gaule et l’Hispanie pour Constantin. L’Italie, l’Afrique et l’Illyrie pour Constant et l’Orient pour Constance.
Seulement voilà, Constantin veut faire valoir ses droit à la primogéniture (notre droit d’ainesse du moyen-âge), d’autant qu’il conteste à Constant d’avoir reçu la Thrace et la Macédoine. Tu rajoutes à ce sac d’embrouilles la lutte entre factions qui rompe l’unité de la chrétienté (et ça continue, encore et encore) ; d’un côté en occident l’influence des papes de Rome favorise le catholicisme et de l’autre en orient Constance soutient l’arianisme. Alors, crac, boum, hue ! Nous voilà reparti pour une guerre fratricide.
Constantin marche sur l’Italie, Constant lui envoie ses meilleures troupes d’Illyrie et en avril 340, Constantin se fait zigouiller dans une embuscade aux environs d’Aquilée (Vénétie). Redistribution des cartes : l’occident pour Constant et l’Orient pour Constance. Les deux frelots vont toutefois coexister malgré leurs divergences et leurs politiques religieuses contradictoires. Défense des frontières oblige !
Constance est empêtré dans le conflit perse ; Constant mène une campagne victorieuse en 341-342 contre les Francs et en 343 il lutte contre les Pictes et les Scots le long du mur d’Hadrien en Bretagne. Sur le plan religieux tous deux interdisent les sacrifices païens et la pratique de la magie ; ils encouragent la fermeture, mais non la destruction, des temples païens désaffectés. Paradoxe, Constant, qui est lui-même homosexuel, devient le premier empereur qui édicte une loi contre l’homosexualité, punissant de mort « cum vir nubit feminam viris porrecturam » « l’homme qui épouse un homme comme s’il était une femme » c’est-à-dire celui qui devient gay par passivité ou soumission ! Bonjour les tribunaux ! Comment déterminer ceux qui vivent leur passion en hommes libres de ceux qui deviennent invertis « par soumission et passivité » ? Et bien sûr la loi ne concerne que les hommes, pas les fenottes.
La vraie pomme de discorde (pas celle du jardin d’éden) entre les frangins, reste le schisme permanent entre catholicisme occidental et arianisme oriental qui conduit à des persécutions dans chaque camp. Finalement ce sera le statuquo en 346 chacun menant sa propre politique religieuse sans que l’autre n’y trouve rien à redire.
Nous pourrions souffler un peu, seulement voilà : Constant n’est pas populaire car il a sans cesse besoin d’argent. Il accentue la pression fiscale, pratique ouvertement la corruption, et se montre peu regardant sur les exactions de ses hommes de confiance. Ça ne pouvait pas durer autant que la rue Michel ! Magnence un officier ancien esclave de Constantin 1er promu général en chef des armées du Rhin se fait proclamer empereur à Augustodunum (Autun), il pourchasse Constant qui taille la route vers l’Hispanie avant de se faire rattraper à Helenae (Elne, Pyrénées-Orientales). Il se fait alors estourbir dans cette bourgade et dans le temple où il s’était réfugié. Ironie du sort Helenae est le nom donné à l’ancienne Illibéris par Constantin le Grand en hommage à sa mère et donc à la grand-mère de Constant. Vous l’avez deviné, Magnence est dès à présent considéré comme usurpateur et à nouveau, la chienlit s’installe pire que dans Games of Trones avec des conséquences irréversibles. D’autant que Népotien un neveu de Constantin 1er se fait lui aussi proclamer empereur ; heureusement, ce dernier ne règnera que 23 jours avant d’être battu et mis à mort sous les murs de Rome par Marcellin général de Magnence.
Nous assistons alors à ce qui s’apparente à une sorte de suicide de l’empire d’occident. D’un côté nous avons un contingent de 60 000 hommes composant l’armée romaine de Constance II et de l’autre 35 000 hommes composés d’unités romaines et de nombreux contingents barbares sous les ordres de Magnence. Dans un premier temps Constance prends en 351 la pâtée à Atrans en Slovenie. Il offre un compromis à Magnence. Celui-ci refuse et à son tour subit deux revers à Siscia en Croatie et Sirmium en Serbie. Les deux armées se regroupent et se retrouvent sur la Drave affluent du Danube à Mursa en Croatie. Nous sommes le 28 septembre 351.
Les premières escarmouches donnent l’avantage à Magnence, mais coup de théâtre, le tribun Silvanus, officier franc (mais pas franc du collier. Bon d'accord l'expression est un peu facile, mais j'aime bien), entraîne son contingent de cavalerie (cataphractes et archers à cheval asiatiques) vers les troupes de Constance pour se mettre sous ses ordres. La bataille commencée en fin d’après-midi avec de multiples assauts voit la victoire pour la première fois d’une cavalerie lourde sur les légionnaires et Magnence mit en déroute prend la fuite. Sur le champ de bataille on dénombre 30 000 morts parmi les 60 000 soldats de Constance et 24 000 victimes pour les 35 000 hommes de Magnence. Cette hécatombe est d'une telle ampleur chez les deux belligérants que la puissance romaine de l’empire d’Occident ne s’en remettra jamais. D’autant que dans les mois qui suivirent, les tribus germaniques profitèrent des frontières dégarnies pour envahir les provinces gauloises qu’elles ravagèrent sans opposition. Magnence connaît de nouveau la défaite aux Mons Seleucus (La Batie-Montsaléon, près de Gap). Il parvient jusqu’à Lugdunum où il se donne la mort le 10 août 353. Il faut dire que pour une fois, les gones l'avaient fraîchement accueilli ; ils n’avaient cette fois, pas pris fait et cause pour le mauvais cheval.
Constance devient donc le seul maitre de l’empire romain.
Fin de l'épisode, à suivre...
34e épisode - Constantinople - concile de Nicée
En 324 Constantin transforme Byzance en Constantinople « la nouvelle Rome » pour des raisons stratégiques car bâtie sur un site naturel pratiquement inexpugnable à l’inverse de Rome. La cité est située près des frontières du Danube et de l’Euphrate ce qui permet de contenir les Goths et les Perses. Si des temples païens y sont implantés, très vite la ville ne comportera que des édifices religieux chrétiens. Il fait construire un palais royal, un Hippodrome (nouvelle dénomination des cirques romains) et l’église de la Sagesse Sacrée (Sainte-Sophie).
L’organisation du pouvoir central est modifiée avec le remplacement du Préfet du prétoire par le questeur du Palais sacré qui rédige les édits et dirige le consistoire ; le maître des offices est en charge du personnel administratif, le maître des milices gère l’infanterie et la cavalerie, le comte des largesses sacrées dirige le fisc ; j’aime bien le terme largesses sacrée, ça fait un peu chinois. Vous me voyez arriver au centre des impôts et déclarer :
« Bien le bonjour madame la préposée à l’accueil, je souhaite m’acquitter de ma redevance et faire cinq sous à monsieur le contrôleur des largesses sacrées. C’est plus classieux que : où est ce trouffignon de percepteur que j’y refile mon chèque. »
Le Sénat reprend la première place dès 312 avec le transfert des chevaliers ce qui lui confère un effectif qui passe de 600 à 2000. Mais la grande nouveauté est cependant l’augmentation des fonctionnaires travaillant dans les bureaux centraux. Une foule de notaires, d'agents secrets (les agentes in rebus), près de 1 000 fonctionnaires font de l’Empire romain une véritable bureaucratie.
Pour favoriser les chrétiens il abroge les lois sur le célibat, impose le repos dominical autorise l’affranchissement des esclaves par déclaration dans les églises auxquelles il autorise de recevoir des legs. Les plaideurs peuvent choisir entre le tribunal civil ou la médiation de l’évêque. Il promulgue des lois contre la prostitution des servantes d’auberge, renforce le poids du mariage avec le sacrement religieux, punit l’adultère d’une femme avec son esclave et restreint le droit au divorce.
Sur le plan économique il institue le solidus, monnaie d’or appelée sou dont la stabilité et l’abondance est assurée par la confiscation des stocks d’or des temples païens, mais la dévaluation des monnaies d’argent et de bronze appauvrit les couches modestes de la population.
A cha peu un cuchon de monde abjurèrent leurs croyances païennes * tout en conservant leurs croyances et leurs pratiques superstitieuses. C’est ainsi que le christianisme romain adopta et intégra une partie du culte impérial et des fêtes comme les saturnales et le 25 décembre (sol invictus) qui devinrent les fêtes de la nativité. Pour les ceusses qui connaissent ou étudient les religions, le culte de Mithra qui a disparu et a été annihilé notamment parce qu’il n’y avait pas d’écrits ; de nombreux points communs concernent les deux religions telles la masculinisation des officiants, quelques dates de fêtes, la mitre et la crosse des évêques...
Pour mettre fin aux querelles qui divisent les chrétiens, Constantin convoque et préside le Concile de Nicée en Bithynie (Turquie) le 20 mai 325. Il s’achèvera le 25 juillet avec la promulgation d’une profession de foi ou credo qui n’est autre que le ‘’Je crois en Dieu...’’ actuel, c’est-à-dire la croyance en la Trinité, Dieu le père, Jésus Christ le fils et le Saint-Esprit. 20 ‘’canons’’ fixent les règles comme par exemple : la discipline (le canon 3 interdit aux clercs d’avoir une femme dans sa demeure à l’exception de sa mère, sa sœur, sa tante ou de quelque personne au-dessus de tout soupçons), l’ordination des évêques, l’excommunication, la gestion des paroisses et les attributions hiérarchiques des prélats... le canon 20 est assez surprenant : il interdit la génuflexion pour prier le dimanche et pendant la Pentecôte.
Enfin la lettre dite ‘’encyclique aux églises’’ accentue la scission entre les religions juive et chrétienne ; il y est écrit : « la question touchant la fête de Pâque y ayant été agitée, tous sont demeurés d'accord d'un commun consentement de la célébrer le même jour… Tous ont jugé que c'était une chose indigne, de suivre en ce point la coutume des Juifs… Ils sont si fort éloignés de la vérité, même en ce point, qu'ils célèbrent deux fois la fête de Pâque en une année… Embrassez donc volontairement l'usage, qui est établi à Rome, en Italie, en Afrique, en Égypte, en Espagne, en Gaule, en Angleterre, en Achaïe, dans le Diocèse d'Asie et de Pont, et en Cilicie. » Vous y voyez les gones que la connaissance de l’histoire explique bien des turpitudes qui agitent encore notre monde moderne.
Ainsi se met en place ce que nous appelons le césaropapisme un régime où les pouvoirs politique et religieux sont séparés mais pas dissociables car le détenteur du pouvoir politique considéré d’essence divine exerce son autorité sur l’église sans empiéter dans le domaine du dogme et l’empereur est soumis aux mêmes obligations morales et spirituelles que les autres fidèles. Il en sera ainsi jusqu’à la Révolution française.
Constantin, n’a pas pour autant négligé la protection des frontières au cours de son règne. Sur le Rhin il combat les Francs et les Alamans en 306, 309 et 313 jusqu'à ce que la reprise des relations commerciales atteste du calme revenu. Sur le Danube il remporte une grande victoire sur les Sarmates en 324 à Campona puis refoule les Goths la même année. Depuis la paix de 297, la Perse est demeurée relativement tranquille, mais (encore un coup de la sorcière aux dents vertes) tout part en quenouille en 333 quand les Perses sassanides de Shapur II tentent de dominer l’Arménie et persécutent les chrétiens. Ils déclarent ouvertement la guerre en 337.
L’empereur envisage une croisade (déjà ! c’est y pas dieu posse) en se faisant accompagner des évêques. Mais il meurt en mai 337 en Nicomédie au milieu des préparatifs de la campagne. D’après Eusèbe de Césarée il serait mort le 22 mai, le dimanche de Pentecôte.
* Selon le ‘’parler gaulois de Lugdunum’’, l’actuel ‘’parler lyonnais’’, à cha peu signifie petit à petit, un cuchon c’est un grand nombre et le mot monde quand il représente les personnes, est toujours un pluriel invariable (c’est singulier, je sais !) ce qui explique que le verbe abjurèrent soit conjugué au troisième pronom du pluriel.
Les empereurs laissent parfois des traces indélébiles : Constantin : la chrétienté, Charlemagne : l’école (pas la barbe fleurie) et Napoléon : le code civil (pas la main dans la vareuse). Soyez donc pas ''tarabates'' (sots et turbulents).
Tout ceci est une autre histoire.
Fin de l'épisode, à suivre...
33e épisode - La naissance de la civilisation judéo-chrétienne
C’est-y pas dieu posse que d’y croire, mais pour sûr en ce début du IVe siècle nous voilà à l’aube de notre monde moderne. C’est toutefois un accouchement aux forceps. Résumons la situation :
Lorsque le fils de Constance Chlore, Flavius Valerius Aurelius Constantinus âgé de 34 ans en 306 est proclamé 34e empereur sous le nom de Constantin 1er par les légions de Bretagne, nous sommes en période de répression à l’encontre des chrétiens.
Après les abdications de Dioclétien et Maximien Hercule en 305, il nous restait donc Constantin Chlore et Galère auxquels s’ajoutèrent deux césars : Sévère et Maximin Daïa, puis ce fut au tour de Maxence fils de Maximien Hercule d’être nommé césar par le peuple de Rome, et dans la foulée Maximien reprend son titre. Galère choisit alors Licinius officier Illyrien comme César et puisque selon le proverbe « plus on est de fous plus on rit », voilà-t-y-pas qu’en Afrique, Domitius Alexander se déclare prétendant à la pourpre impériale. Même si Constantin Chlore dépote son géranium en 306 et rejoint la camarde, nous nous trouvons avec une heptarchie de sept empereurs ou usurpateurs (ça dépend d’où on se place). C’est tout de même la chienlit* comme disait le Général en 1968.
* Le terme masculin « chienlit », avec le temps devenu péjoratif, désigne initialement au Moyen-Age un personnage typique du Carnaval de Paris, personnage appelé « chie-en-lit » parce que vêtu d’une chemise de nuit avec le postérieur barbouillé de moutarde. C’est Rabelais dans Gargantua qui a utilisé le premier le terme chienlit pour synonyme de désordre, mot repris par Zola dans l’Assommoir et Nana avant d’être popularisé par le général de Gaulle lors des z’évènements de mai 68.
La bande des sept nains va tout d'abord s’éclaircir : pour commencer, Maximien se suicide en 310 alors qu’il est assiégé dans Marseille par Constantin, puis en 311 Domitius Alexander vaincu en Afrique est éliminé par Maxence et enfin Galère malade ferme son parapluie la même année. Et un et deux et trois zéro...
Mais le grand tournant se produit en 312 : à la bataille du Pont Milvius, Constantin élimine Maxence et prend Turin ; il règne alors sur l’Occident. De son côté, Licinius défait Maximin Daïa en 313 à Andrinople et règne sur l’Orient.
Nous revoilà donc dans une diarchie scellée par le mariage de Licinius et Constantia la demi-sœur de Constantin. Mais l’entente cordiale s’effrite vite car chacun des deux vainqueurs se la péte grave comme disent les jeunes. Ils commencent à se chicorner jusqu’à tant que Licinius en 324 soit vaincu à Andrinople et Chrysopolis. Malgré sa soumission, il se fait rapidement exécuté (avec son fils pour faire bonne mesure). Constantin règne alors seul pendant 14 ans assisté de ses fils Crispus (qui sera exécuté en 326, mais nous n’avons aucune trace du motif de cette exécution), Constance II et Constant auxquels se joignent ses neveux : Flavius Dalmatius en 333 et Flavius Hannibalus en 335.
Constantin mystique ? Chrétien ? Comment en est-il arrivé là ?
Les historiens sont très partagés sur la conversion de Constantin et en l’absence de tweet sur les réseaux sociaux nous avons quelques écrits (certes sujets à caution, mais faut arrêter de chipoter !) et surtout la biographie et l’hagiographie (récit de la vie des saints) d’Eusèbe de Césarée évêque de Palestine et proche de l’empereur.
Constantin est monothéiste comme son père. Il reste attaché au culte de Mithra (Sol Invictus). Il s’intéresse pourtant au christianisme ce qui explique qu’il conforte l’édit de Sardique promulgué par Galère en 311 (voir épisode 32) par l’édit de Milan en 313 qui n’officialise pas le culte chrétien mais le libéralise et le place à égalité avec les autres cultes et donc les chrétiens ne subissent plus de discriminations et retrouvent les biens qui leur avaient été confisqués.
Tout commence en 309 dans le sanctuaire des eaux gallo-romain de Grand (proche de Neufchâteau dans les Vosges à la frontière de la Haute-Marne) dédié à l’Apollon gaulois Grannus, dieu guérisseur et oraculaire. L’empereur y aurait eu une vision du dieu lui conférant un signe solaire de victoire.

Ensuite en 312, une apparition de la Croix dans le ciel vue par lui-même et son armée confirme un songe prémonitoire lui annonçant sa victoire contre Maxence au Pont Milvius. Jésus lui apparait en rêve et lui montre un chrisme flamboyant en lui disant « hoc signo vinces » par ce signe tu vaincras ! Il fait alors apposer ce signe (formé des deux lettres grecques Khi (Χ) et Rho (Ρ), les initiales du mot Christ) sur le labarum (étendard impérial) et sur le bouclier de ses légionnaires. Ce chrisme deviendra l’emblème de la chrétienté combattante.
En 326, une légende racontée par des païens de la ville d’Harran affirme que l’empereur qui était alors atteint de la lèpre se serait converti parce que les chrétiens acceptent dans leurs rangs les lépreux. Pour se soigner, il doit se baigner dans le sang de nouveau-nés, mais touché par les pleurs des mères il refuse. La nuit suivante saint Pierre et saint Paul lui apparaissent en songe et lui disent de se présenter à l’évêque Sylvestre au Mont Soracte (montagne isolée de la vallée du Tibre à 50km au nord de Rome). Il suit le conseil et guérit de la lèpre.
De tout temps et dans toutes les civilisations, les personnages régnants, rois, empereurs tyrans et autres autocrates se sont entourés de devins, de prédicateurs et ne manquent jamais de se prévaloir de leurs songes ou visions pour justifier leurs actions et leur légitimité.
Rappelez-vous, non pas le vase de Soissons, mais l’apparition à la bataille de Tolbiac d’un ange qui propose à Clovis d’échanger les trois crapauds (symbole païen) qui ornent son bouclier contre trois lys d’or et la fleur de lys devint l’emblème de la monarchie française jusqu’en 1830. Quand à Charlemagne, il est crédité de quatre songes (initiés par l’archange Gabriel) dans la chanson de Roland. Pour Henri IV, c’est Ravaillac, suite à une vision qui assassine le roi, lequel avait pourtant été prévenu par son astrologue ; surprenant non !
Quelques marque-mal affirment que Constantin s’est converti pour piller les temples païens afin de financer Constantinople (je vous en parlerai prochainement). D’autres prétendent que c’est pour expier ses crimes car il a tout de même fait périr son fils ainé Crispus, sa fenotte Fausta et une partie de ses proches pour des motifs personnels et politiques.
En fait, son baptême a lieu en 337 sur son lit de mort conformément à la coutume de l’époque où les fidèles attendent le dernier moment pour recevoir le baptême afin de se faire pardonner leurs péchés antérieurs. Ce serait aussi, dit-on, le fruit de vingt-cinq années de son cheminement intérieur.
Il s’agit cependant de quelques balbutiements de l’amorce de notre civilisation judéo-chrétienne, concept qui a été créé au XIXe siècle et qui est utilisé pour désigner le groupement des croyants en un dieu unique se réclamant de la bible et qui ont modélisés notre civilisation depuis Constantin.
A son époque, les chrétiens ne constituent qu’une minorité de ses sujets répartis essentiellement en Orient et en Afrique du Nord et donc la politique impériale si elle est favorable aux chrétiens ne persécute jamais le paganisme car l’unité de l’empire passe avant tout.
Retenons de cette attitude ambivalente l’abandon progressif du monnayage au type de Soleil pour la représentation sur les monnaies de symboles chrétiens, la reconnaissance des tribunaux épiscopaux et surtout l’instauration en 321 du dimanche (jour du soleil païen) en jour férié obligatoire sauf pour les travaux des champs bien sûr.
Vous y voyez mes mamis que l’histoire est pleine de surprises et d’inventivité et se suit comme les séries actuelles genre Réal Humans, House of Cards et Game of Thrones. La réalité et la fiction se rejoignent bien souvent. Le prochain épisode sera surement bien croquignolet ne croyez-vous pas !
Fin de l'épisode, à suivre...
32e épisode - stabilité politique et dernière persécution chrétienne
Carus préfet du prétoire est proclamé empereur par l’armée. Il refuse dans un premier temps, puis accepte à la confirmation de la mort de Probus. Il accorde aussitôt le titre de César à ses deux fils : Carin, à qui il laisse le gouvernement de l’Occident et Numérien qui l’accompagne en Orient. Tous deux mènent une campagne victorieuse contre les Sarmates en Pannonie et les Perses jusqu’à atteindre leur capitale Ctésiphon.
Et là, parlant par respect, ça part en sucette ; Carus meurt subitement en août 283, frappé par la foudre dans sa tente. Alors croyant à la colère de Zeus, l’armée exige de revenir en territoire romain.
De son côté, Numérien atteint d’une affection oculaire est resté cloîtré dans sa tente. Son beau-père Arius Aper préfet du prétoire l’y trouve clamsé. Il a sans doute pété un câble car il dissimule la mort et installe son beau-fils en litière fermée avant de prendre la route. Mauvais plan, car l’odeur de putréfaction fait découvrir la supercherie.
Mis en accusation, Aper n’a pas le temps de s’expliquer, qu’il se fait poignarder par Dioclès commandant de la garde impériale lequel est aussitôt nommé empereur par les soldats.
Ça sent un peu l’arnaque comme si Dioclès avait été l’instigateur de la décision stupide d’Aper (qui était le prétendant légitime à la pourpre impériale, puisque préfet du Prétoire) pour ensuite le zigouiller avant qu'il ne dévoile "le poteau rose" et devenir ainsi calife à la place du calife (dixit Iznogoud. Rappelez-vous !).
Comme de bien s’accorde il y a embrouille entre Dioclès et Carin qui, malgré son avantage en 285 sur les troupes de Dioclès, se fait assassiner par un officier dont il avait séduit la femme ; c’est ballot non ! Et donc, c'estsous le nom de Dioclétien que le nouvel empereur devient le seul maître de l’Empire romain.
Après son accession au pouvoir, en 286, Dioclétien nomme coempereur son collègue Maximien Hercule puis il délègue encore son pouvoir en nommant le 1er mars 293, Galère et Constance Chlore. En vertu de cette « Tétrarchie » chaque empereur règne sur un quart de l'Empire. Dioclétien sécurise les frontières de l'Empire et combat toutes les menaces de son pouvoir. Il bat les Sarmates, les Carpes, les Alamans et les usurpateurs d’Egypte ; il fait campagne avec succès contre les Sassanides, met à sac Ctésiphon en 299 puis négocie et réalise avec les Perses une paix durable. Dioclétien quitte le pouvoir, le 1er mai 305. Il est ainsi le seul empereur romain à abdiquer volontairement. Il meurt dans son palais en 311.
Pendant son règne, Dioclétien a procédé à une refonte totale des provinces qui sera complétée par ses successeurs. Les provinces passent de 47 à 85 qui sont regroupées, à l'instar des légions en douze diocèses gérés par des vicaires recrutés dans l’ordre équestre et dépendant uniquement de l’empereur. Parallèlement, des changements sont opérés dans le personnel administratif : cette mesure vise tout à la fois à multiplier le nombre de fonctionnaires attachés aux bureaux des gouverneurs, et à rapprocher l'administration des habitants de l'Empire.
La grande persécution anti-chrétienne (303-311)
Une nouvelle persécution contre les chrétiens démarre à partir de 303. Galère craignant la vengeance des dieux tutélaires encourage Dioclétien à sévir pour assurer l'unité de l'Empire. Quatre édits universels sont promulgués en 303-304 et affichés dans toutes les villes d'Orient. Ils entendent désorganiser complètement les communautés chrétiennes en rendant leur culte impossible
- les églises et les livres sacrés doivent être brûlés.
- les évêques sont emprisonnés et les chrétiens qui occupent des fonctions officielles sont radiés,
- les esclaves ne peuvent plus être affranchis.
- les repentis doivent être libérés.
- la peine de mort est appliquée contre tous ceux qui refusent les sacrifices.
Les crieurs publics convoquent tous les habitants (hommes, femmes et enfants) pour les y contraindre : il est difficile de s'y soustraire puisque l'appel est nominatif. La persécution est cette fois systématique et repose davantage sur l'administration locale, plus présente depuis les réformes de la tétrarchie.
Je croyais que l'administration devait se rapprocher de l'usager, pas l'exterminer !!! Oui, mais le chrétien c'est pas un usager, c'est un "sectaire". Ah bon, même s'il paye ses impôts ? Tu chipotes, l'administration est au service de l'usager, s'il ne contrarie pas le gouvernement en place. Ok! en résumé on peut aussi dire que démocratie c'est la contraction de "des mots crasses, si !" Tais-toi on va finir dans l'arène...
Elle dure jusqu'en 311 en Orient où l'édit de tolérance dit "édit de Sardique" suspend ceux de 303-304. Il est promulgué le 30 avril 311 par le même Galère qui avait été l’initiateur de la persécution et cela quelques jours avant sa mort (en mai) ; se sentant copain avec la grande faucheuse, il a peut-être pris la pétoche en craignant de se faire houspiller par les dieux, à son arrivée aux champs élysées, pour avoir poussé le bouchon un peu trop loin.
La répression avait été mise en sommeil très tôt en Occident : Constance Chlore, (mort lui aussi de mort naturelle le 25 juillet 206) qui gouvernait en Gaule avait mis si peu d'ardeur à appliquer les édits qu'on n'y connaît aucun martyr et d'ailleurs, les auteurs antiques parlent de milliers de victimes, surtout dans la partie orientale de l'Empire (ce qui révèle que la part des chrétiens dans la population de l'Empire s'est considérablement accrue). Saint-Sébastien est une des victimes les plus célèbres de cette persécution (fresque de Véronèse au Vatican)
Pendant vingt ans, l'Empire a donc vécu dans une relative stabilité politique tandis que les menaces extérieures ont été fortement diminuées durant la dernière décennie tant sur la frontière rhéno-danubienne que sur le front perse. Il subsiste cependant entre 206 et 210 une période un peu cafouilleuse qui ressemble un peu à l’anarchie jusqu'à l’officialisation du règne de Constantin fils de Constance Chlore, mais ceci est une autre histoire...
Fin de l'épisode, à suivre...
31e épisode - De Tacite à Probus, le redressement
L'assassinat d'Aurélien, aussi incongru qu'inopiné et surtout sans une seule motivation de prétendant à l'imperatorius purpura, laisse perplexe l'Armée qui se trouva fort dépourvue (comme la cigale quand la bise fut venue) de candidats à ce qui ressemble à une forme de suicide personnel. Au bout de deux mois, l'Armée refile la patate chaude au Sénat qui offre en septembre 275, le titre impérial à Tacite un sénateur de septante-cinq ans.
Plein aux as et sans héritier, il fourgue sa fortune de près de 300 millions de sesterces pour renflouer les caisses de l'Etat. Il promeut Probus un général bien vigoret, commandant de l'armée d'Orient pour assurer la protection des provinces de Syrie et d'Egypte. De son côté, avec son frangin Florien, il part guerroyer en Asie Mineure oùsque les Goths viennent d'atteindre la Cilicie. Victorieux, il n'a pas le temps de profiter de sa victoire qu'il chope une infection purulente et mortifère et donc dépote son géranium en juin 276. Aussi sec, Florien le remplace mais il se fait dégommer par ses soldats à Tarse en septembre, lesquels se rallient à l'armée d'Orient qui avait nommé Probus empereur dès le mois de juillet. Prudent, le Sénat ratifie le choix des militaires.
Agé de 44 ans, l'empereur est un brillant stratège. Il se dirige vers la Gaule esbignée grave par les raids des Francs et des Alamans qu'il défait en 277 à leur retour vers le Rhin. La dérouillée est sévère avec plus de 400 000 barbares tués et 16 000 enrôlés dans l'armée romaine et tout le butin est récupéré. Sur sa lancée, en 278, il récupère les Champs Décumates entre Rhin et Danube, mettant ainsi la Gaule à l'abri des raids germains. L'année suivante, il poursuit ses campagnes victorieuses en Rhétie contre les Vandales et les Burgondes ainsi qu'en Thrace contre les bandes de Sarmates. De leur côté ses légats ramènent l'ordre en Isaurie (région des Monts Taurus en Turquie) et cerise sur le gâteau, la pacification s'achève par une trêve signée avec le roi de Perse Vahram II. C'était pas rien un cogne-mou le Probus ! Pour compléter le tableau, rajoutons les trois tentatives d'usurpation qui font long feu comme des pétards mouillés :
En 280 Saturninus proclamé à Alexandrie, se fait assassiner par ses troupes assiégées à Apamée en Syrie par les légions fidèles à Probus. La même année, à Cologne, Bonosus un marque-mal avait sottement laissé les Germains incendier la flotte du Rhin. Pour ne pas se faire houspiller, le couyon avait cru bon de se proclamer empereur ; mais il se fait battre par Probus et choisit le suicide. En 281, les habitants de Lugdunum nomment Proculus un riche marchand empereur. Par Sainte Marie Alacoque, les gones avaient dû forcer sur le beaujolais car le gugusse est un rien pétochard puisqu'il file se réfugier chez les Francs dès qu'il apprend que l'armée régulière marche sur la ville. les Francs pas franchement ravi de l'encombrant personnage, le livrent à l'empereur qui manu militari le fait exécuter. Et un et deux et trois... zéros !
Malgré les batailles, Probus prends aussi des mesures de rétablissement économiques notamment en faveur de l'agriculture. C'est à lui que nous devons nos beaux vignobles et Gnafron et son copain Guignol ne vont pas s'en plaindre. En effet, l'empereur autorise à nouveau la culture de la vigne et la production de vin en Gaule et en Pannonie, annulant l'édit Domitien promulgué deux siècles plus tôt et qui avait interdit la plantation de vignes.
Il installe aussi des colons germains, Francs et Alamans sur des terres agricoles abandonnées. Il avait bien essayé avec les Goths qui à la première occasion se révoltaient et pillaient autour d'eux ce qui leur valu d'être massacrés et refoulés en dehors de l'empire. Enfin il lance des travaux de voirie, de drainage et de bonification des terres obligeant les propriétaires à entretenir les canaux d'irrigation.
Nous sommes en 281 et il peut enfin célébrer son triomphe à Rome où il donne des jeux magnifiques ; joutes de plus de 600 gladiateurs, décors de centaines d'arbres pour des "chasses" de milliers d'animaux exotiques. On lui doit cette phrase en référence au fait d'avoir pacifié l'empire : " Brevi milites necessarios non habebimos " " Sous peu nous n'aurons plus besoin de soldats ".
En 282, il nomme Carus préfet du prétoire et lui confie la défense de l'Occident. Il se met en route vers l'Orient pour entreprendre la conquête de l'Arménie et de la Mésopotamie contre les Perses.
Pour donner une bonne image de l'armée impériale auprès des populations et parce qu'il n'aimait pas voir ses troupes désœuvrées, il avait pour habitude de les faire participer à des travaux divers comme la plantation de vigne, l'assèchement des marais ou le percement de canaux. Et c'est là que ça tourne en béchamel ; en octobre 282, apinchant des soldats qui se la jouent traine-savate, il les houspille et les légionnaires fatigués et surpris, pètent un câble et se transforment en mutins. Probus se réfugie dans une tour d'assaut, mais les légionnaires y mettent le feu le poursuivent et le trucident quand il s'échappe du brasier.
Rapidement informée, la curie Romaine est choquée ; les mutins sont rapidement arrêtés et jugés et de nombreuses condamnations à mort sont prononcées pour l'exemple ainsi que des peines de travaux forcés dans les mines de Dacie.
Le règne de Probus s'annonçait pourtant long et glorieux : au moins une vingtaine d'années au lieu de six. Il laisse en héritage un empire sorti de crise aux fondations solides et bien administré. Il a certainement contribué à repousser d'un siècle la chute de l'empire romain et pourtant son action n'est pas évoquée dans les manuels d'histoire : "Ingratus de memoria" "la mémoire historique est ingrate".
En parlant d'ingratitude, la fable "le Loup et de la Cigogne" en est un bon exemple.
Fin de l'épisode, à suivre...
Le Loup et la Cigogne
Le loup c'est bien connu, est un fieffé glouton
Qui baffre sans respirer les agneaux, les moutons
En étant si pressé, il aurait pu crever
D'un bout d'os de gigot planté dans le gosier
S'il n'avait, n'en déplaise, comme d'autres arsouilles
Une bonne dose de bol, le cul bordé de nouilles
Car notre amie Cigogne qui s'en venait par là
Du loup tout gargouillant sans crainte s'approcha
Arnouchant le tableau, elle oeuvra aussi sec
Dans la gueule du loup, en y plongeant son bec
Retira l'osselet, le montra pas peu fière
Au loup ragaillardi, réclamant son salaire
Te fourguer mon oseille, t'as fumé la moquette
Ne t'ai-je pas, bon zig, laissée la vie minette
Sans te croquer le cou si près de mes chaillottes
Alors casse-toi ingrate ou sinon j'te boulotte
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