Saison 1

Episode 10 à 01

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10e épisode - Fabulix à Rome

Fabulix, biographe et témoin de son temps, compte parmi les lointains ancêtres de Fabulyon et fut le premier maillon de la chaîne de ceux qui à cha peu relatèrent  les dessous de l'Histoire. Je précise pour les ceusses que sont des caquenanos lubriques que l'Histoire, n'est pas une courtisane et les dessous, son petit linge.
Les braves mamis qui me lisent du depuis le début, savent que je parle de l'évolution du monde depuis les prémices de l'Empire Romain, pour toute la partie qui de près, de loin et mêmement du milieu, influença l'avenir de Lugdunum. Il s'agit donc de faire partager, cette partie anecdotique des grands évènements vécue par quelques anonymes, comme le fit en son temps Frédéric Dard avec son ouvrage "L'histoire de France vue par San-Antonio" paru en 1964 et qu'il dédicaça à tous les étudiants de France. Je lus son bouquin cette même année alors que j'étais au lycée en classe de seconde, et je précise (surtout parce que j'avais aussi d'excellents profs), qu'il contribua à ma passion toujours bien vivante de l'Histoire. Mais revenons à nos amis.

Dès qu'ils arrivèrent à Rome, Munatius et Fabulix furent introduit auprès d'Octave.
Congratulus fidélus coquinem potem ! (Bien le bonjour mes fidèles et joyeux amis) déclara en souriant le triumvir.
Idem ! répondit Munatius qui avait le sens de la concision.

Octave précisa :
- Dans cette période de troubles, je t'ai fait venir Lucius, pour que tu partages avec Lépide, la direction de Rome. Avec Marc-Antoine, nous avons repéré les césaricides Brutus et Cassius qui tentent de constituer une armée et s'opposent à la Lex Titia(ne pas confondre avec la Ticia, la femme de Johnny Hallyday) qui a légitimé notre second triumvirat, Lépide, Marc Antoine et moi-même. Déjà que j'ai du accepter la proscription qui va entraîner la mort de Cicéron, j'ai besoin que tu surveilles Lépide qui est un brin caquenanot pas très futé du bocal et un chouia bras-neuf;  il manque d'envergure et pourrait se laisser circonvenir par les amis que Marc Antoine a placé à Rome, afin de m'évincer pendant notre campagne militaire.
- Caillonnus nib raisinus potem (Te cailles pas le raisin mon poteau), répondit Plancus. Je vais tacher moyen d'éviter tout suif. Tu peux aller filer la pâtée à Brutus. Je veille au grain !

Aussi taudis, aussitôt fait. Antoine et Octave en octobre 712 (42 av. JC), écrabouillèrent Cassius et Brutus à la bataille de Philippes en Grèce à grand coup de tavelle sur le coqueluchon comme Guignol avec sa trique punissant les mauvais. Pour ne pas subir l'humiliation d'une exécution publique, les deux césaricides se suicidèrent. Voir à gauche le hara-kiri de Cassius en direct. Heureusement que Fabulix qui suivait les évènements avait emporté son appareil photo

Mais les embièrnes ne disparurent pas pour autant. La confusion régna au cours des années 713 et 714 où le triumvirat faillit bien exploser, avec la révolte qui déclencha la guerre de Pérouse opposant Fulvie la fenotte de Marc Antoine à Octave pour une histoire de répartition de terres au vétérans. Octave qui avait lu la guerre des Gaules de Jules, refit le coup d'Alésia et gagna la bataille de Pérouse en février 714. Fulvie fut exilée à Sycone et elle du divorcer d'Antoine. Il aurait alors prononcé cette phrase :
- Fallum que nenni toucharae grisbium salopiate Fulvia !
C'est sans doute en clin d'oeil à cette parole historique que Michel Audiard plaça cette réplique culte des "Tontons flingueurs", dans la bouche de maître Folace (Francis Blanche), lors de la surprise-partie organisée par Patricia (Sabine Sinjean), la "filleule" de Fernand (Lino Ventura), quand une poutrône, une invitée un peu éméchée (Si c'est pas triste de voir cette jeunesse dorée picoler des alcools au lieu de boire des infusions...), voulut prendre quelques biftons de la redevance que Fernand avait eu un peu de mal à récolter après un bourre-pif à Raoul Volfoni (Bernard Blier) : 
- Touche pas au grisbi, salope
Les époques changent, la délicatesse reste.

Sous la médiation et l'entremise d'Asinius Pollion et de Mécène, les trois compères réconciliés se partagèrent à nouveau le monde : Marc Antoine reçût l'Orient, Octave l'Occident et Lépide l'Afrique.Dites-donc mes belins, belines, ça vous fait-y pas penser à une répartition similaire sur le plan théologique ! Vous z'y voyez pas ? Faut-t-y être parpaillots quand même... Je vous cause des trois fameux Rois mages:Gaspard l'Orient, Melchior l'Occident et Balthazar l'Afrique.C'est pas Dieu posse que d'y croire, mais nous assistons à une partie d'échecs où le joueur place ses pions en harmonie en suivant une stratégie qui nous échappe.

Fin de l'épisode, à suivre...

9e épisode - BVGN devient LVG

Avant son départ, le proconsul avait donné ses instructions pour officialiser la dénomination de la dernière ville qu'il venait de créer. 

Ce qui va suivre démontre une fois de plus que la vérité historique, au-delà des querelles d’historiens, subit parfois des modifications qui resteraient ignorées si elles n’étaient pas révélées par le truchement de la transmission orale. Vous y savez bien que rien ne pourra convaincre nos technocrasses qu’il pût y avoir eu une erreur officielle. Mais qu’importe ! Ma mission est de vous relater les faits tels qu’ils se sont passés. Les lois de la linguistique relèvent autant de l’ouïe que du parler et donc de la morphologie et du bassin de vie des êtres humains.

Le scribe chargé de la transcription de l’acte de naissance de la nouvelle citée était un légionnaire romain qui gravait les mots sous la dictée d’un gaulois. Nous savons que le poids des longues moustaches tombantes des Gaulois, les portent naturellement à réunir les lèvres et à émettre sans peine des labiales explosives comme le B, tandis que les légionnaires rasés de Plancus étaient physiquement et anatomiquement enclins à remplacer ces labiales par des dentales explosives comme le L, surtout lorsqu’ils se trouvaient confrontés à des vocables peu familiers, et donc instinctivement, ils devaient prononcer LVGN, le BVGN des autochtones Ségusiaves. A ceci, il faut préciser, que le brusque changement de la consonne initiale s’explique par le fait que les jeunes décurions ignoraient à peu près tout des dialectes gaulois et donc ils ne surent pas restituer l’orthographe voulu par Plancus. Ils recoururent également aux tailleurs de pierres locaux qui étaient illettrés. Ces lapicides ignorants commirent donc l’erreur initiale que leurs collègues reproduisirent servilement et que la romanisation rapide de la société entérina définitivement. 

Tout ceci pour vous dire que : BVGNDVNVM, devint donc LVGNDVNVM et comme le n et le u sont en fait des consonnes inversées, en majuscules cela donna : LVGNDVNVM qui devint LVGVDVNVM. Mais, la prononciation Lvgvdvnvm paraissant lourde, il ne resta plus que Lvgdvnvm en version définitive. Le v se prononçant u, les scribes transcrirent : Lugdunum. Ça va ! Personne ne s’est embrouillé les boyaux du cerveau, ni endormi ? J’ai aussi un peu de mal à ne pas me mélanger les pinceaux, mais il fallait bien que la vérité historique sorte de sa léthargie avant qu’elle ne soit de nouveau enfouie sous les sarcasmes et les quolibets.

La meilleure preuve que la ville devait s’appeler la colline des bugnes, s’explique aussi par aussi par l’examen de pièces archéologiques et notamment le fameux médaillon en terre cuite retraçant l’inauguration de la ville par Plancus et dont on a retrouvé des exemplaires de Lyon à Orange. 

Arreluquez bien mes mamis, car cette pièce vaut son pesant de grattons. On remarque à gauche Plancus offrir au dieu tutéllaire de la ville, souriant et ravi, un bol avec des épis. Alors je vous le demande Émile : 
- Ce serait-t-y-pas pour la confection des savoureuses bugnes dont se délectent les Gaulois et du depuis l'inauguration, les Romains ? Et de la main gauche, le proconsul ne tient-il pas un sabodet, ce délicieux saucisson à cuire, dont la recette perdue a été retrouvée par un charcutier de Saint-Jean-d'Ardières dans le Beaujolais, René Besson alias "Bobosse". C'est un saucisson à cuire à base de tête de porc entière hachée, avec entre autres, les oreilles et le museau. 
En bas au centre on distingue nettement un oiseau sur une pyramide de bugnes et l'oiseau a les pattes attachées symbolisant "le pigeon ficelé" qui n'est autre que le sobriquet du paquet d'couennes.

Y faut vraiment chipoter et être bien caquenano pour ne pas voir toute cette évidence historique. Et pis velà encore une autre preuve ! Dans cette pièce de monnaie issue de ma collection personnelle, qu'est-ce que c'est-y que vos quinquets ébaubis arreluquent ! Et ben voui ! A droite on voit clairement une fenotte, faisant frire dans une casse (poêle), les bugnes. Et pour les plus tarabates qui y croient pas, on remarque sans contestation possible sous l'autel, le vocable "BUGNA". Alors cette fois aucun doute ne subsiste. Lyon était bien à l'origine,  Bugndunum, "La colline des bugnes".   

Fin de l’épisode, à suivre...

8e épisode - Le départ

- Je suis convoqué à Rome par Octave, que crois-tu qu’il me veuille ? S’enquit Munatius auprès de Fabulix. 
- Te caille pas le raisin patron ! Octave t’as à la bonne ; il sait que tu as donné la main à Cicéron quand notre grand orateur avait fait voter au sénat les pouvoirs de propréteur à Octave sans avoir exercé les charges de questeur ni de préteur. D’autant qu’il n’avait pas vingt ans et qu’il était donc très en dessous de l’âge minimal requis.

Cicéron avait alors prononcé cette phrase qui restera célèbre : - Virtute superavit aetatem ! La valeur n’attend pas le nombre des années. *

Les sénateurs avaient gueulé au charron. ils flairaient l’arnaque car cela ouvrait à Octave, les portes de l’impérium (pouvoir suprême). Je me souviens aussi que Marc-Antoine était vert de rage, mais tu l’avais convaincu que cette décision permettait au contraire un partage du pouvoir. César n’avait-il pas désigné Octave comme son héritier ! Ton argument tenait la route et le sénat valida la qualité de propréteur à Octave. Tu n’as donc pas à te faire de bile, alors Carpe diem ! Cueille chaque jour sans souci du lendemain. 

Munatius remercia et soulagé, il reprit la gestion de ses affaires. Reprenant sa feuille de route, il lui restait à créer un atelier monétaire souhaité par Antoine et Octave. Jusqu’à présent, la centralisation était de règle et seule Rome avait le pouvoir de frapper les monnaies d’or et d’argent même si exceptionnellement des ateliers mobiles accompagnaient les armées. Avec l’annexion des Gaules qui constituaient la province la plus peuplée de l’Empire, les besoins en numéraires étaient particulièrement importants. Plancus choisit donc un site proche de l’oppidum de Fourvière qui correspondra au quartier de Saint-Just et plus précisément juste en haut de la montée du Gourguillon. 

En octobre, une partie du bâtiment était opérationnelle et il fit frapper une première monnaie en or, un quinaire d’une valeur de cinquante sesterces à l’effigie de Marc-Antoine. Munatius qui était un fin politique avait choisi Antoine histoire de ménager la chèvre et le choux. D’autant qu’Antoine qui avait été son compagnon d’arme aimait la flatterie. 
- Ca le fera bicher comme un vieux pou et je serais toujours dans ses papiers. En cette  période où tout le monde se bouffe le nez, il faut assurer ses arrières, pensa-t-il. 

Quelques jours avant de partir pour Rome, le proconsul invita à diner Tartempio et Magdelo sa fenotte ainsi que Calvirius, Calpurnia, Curius, Livia et Fabulix. 

- On vient quand ? demandèrent-ils.
- Venez quand-vous ! répondit Plancus qui à présent maîtrisait bien les coutumes ségusiaves.

Les trois repas journaliers pris en Gaule sont : le déjeuner du matin le dîner du midi et le souper du soir. Les règles de savoir-vivre consistent pour l’invité à s’enquérir du moment souhaité par l’hôte pour se présenter à son domicile. Tout un chacun, y sait bien que l’expression « venez quand-vous », signifie pour le dîner, entre midi et midi trente, le temps que la bourgeoise finisse les préparatifs du repas, que la table soit dressée et qu’elle se soit mise de propre et en dimanche. 

A table, les chenuses colombes s’étaient mises de collagne et jaquetaient sur les derniers potins de Rome. Calpurnia précisa : 
- J’ai lu dans « Le papyrus people » qu’il y avait embrouille entre Antoine et Cléopâtre ; par Vénus, Apollon et par exemple, c’est-y pas croyable que nos dirigeants soyent plus portés sur la chose exotique que sur la chose publique

De leur côté, les joyeux gones se réunirent autour de Munatius qui déboucha une amphore. 
- Je l’ai faite venir du Latium, c’est un turriculae, un vin jaune à la fleur d’iris et avec un soupçon d’eau de mer ; c’est un petit blanc sec, aux reflets d’or cuivré, au nez de noix et à l’attaque en bouche surprenante. Avec quelques gratons, vous m’en direz des nouvelles ! 
Effectivement, rien qu’à ouïr les claquements de menteuses et au vu des mines réjouies, il ne faisait aucun doute que le vin jaune fut unanimement approuvé. 

Les agapes terminées, le proconsul fit ses adieux à ses amis et demanda à Fabulix de rester après leur départ : 
- Nous vivons une période charnière et je souhaite que tu puisses rendre compte pour l’avenir ; accompagne-moi à Rome. J’ai tout réglé ici pour que cette colonie prospère et que mon nom lui soit associé
Fabulix accepta.

Fin de l’épisode, à suivre...

* Pour sûr, Corneille avait dû lire Tite-Live qui avait repris cette expression de Cicéron dans son dernier livre « l’Histoire romaine - Les mémoires d’Auguste », et notre dramaturge l’avait replacé à l’acte II, scène II du Cid : 

DON RODRIGUE 

"Je suis jeune il est vrai ; mais aux âmes bien nées 
La valeur n’attend pas le nombre des années."

7e épisode - Le messager

Nom d’un rat ! Je vous y avais pas dit, mais Plancus s’appelait en fait Lucius Munatius ; il était le fils, petit-fils et arrière-petit-fils d’une lignée de Lucius, tous sénateurs ou alors patriciens, que des gones bien propres sur eux. Plancus fut rajouté comme qualificatif lorsqu’il était minot, parce qu’il avait les pieds plats (plancus est la contraction de pedis planus en latin).

Nous savons tous qu’Il est courant de personnaliser les individus d’après leurs caractéristiques marquantes comme par exemple :
Jean le Bon, Charles le Téméraire, Jeanne la Pucelle, Lulu la Nantaise, Jo le Trembleur, le roi Soleil, Nicolas le petit pou nerveux, François le Normal ou encore Fabulyon… et la liste est longue.
Ce sont des sots-briquets qui finissent par supplanter l’appellation conventionnelle et notre proconsul dont la difformité plantaire n’avait pas empêché qu’il fisse son petit bonhomme de chemin en gravitant dans les plus hautes sphères de la « République », n’en éprouvait aucune gêne.

En cette année 711 de Rome, nous étions dans la dernière ligne droite de la République fondée en l’an 245 lorsque Tarquin le Superbe, un Tyran, un marque-mal qui ne respectait pas les directives du sénat fut chassé. La monarchie constitutionnelle devint donc une république de type oligarchique c’est-à-dire sous la souveraineté d’un petit groupe de personnes appartenant à une classe restreinte et privilégiée.
Certes, entre la monarchie, l’empire, la dictature c’est blanc bonnet et bonnet de coton tandis que nous avons la chance de vivre en démocratie. Les ceusses qui nous gouvernent sont élus par le peuple tout comme les parlementaires.
Quelques chicaneurs gongonnent en déclarant qu’au jour d’aujourd’hui, les politiques s’apparentent bien à une classe restreinte et privilégiée (avantages fiscaux, cumul des mandats…) et que nous vivons dans un régime de trompe-couyons.
Que nenni ! La différence est énorme. Dans les autrefois, pour changer de dirigeant, il fallait des complots, des assassinats, des révoltes, maintenant c’est le peuple qui décide de l’alternance par son vote, même si dans les semaines qui suivent il s’aperçoit, qu’il s’est encore fait rouler dans la farine. Mais revenons à nos moutons d’antan. 

Rappelez-vous que notre ami Plancus avait officié dans le cadre de ses fonctions d’épulon c’est-à-dire de prêtre présidant aux festins donnés en l’honneur des divinités, lorsqu'il avait organisé les libations en l’honneur des dieux pour la fondation de Bvgndvnvm. Dites-donc mes mamis, j’y serais bien entré moi aussi au Grand-Séminaire pour obtenir cette charge et me caler l’embuni à chaque inauguration de chrysanthèmes car, si nous ne faisons plus de sacrifices aux divinités, la coutume de terminer les manifestations officielles par un mâchon reste d’actualité. Et donc, comme de bien s’accorde, après le lancement du projet de construction du premier aqueduc, tout le monde était allé festoyer. Munatius qui était ami de Cicéron savait discourir et n’hésitait pas à monter sur le tabagnon pour amuser la galerie de ses savoureux patrigots. Il avait aussi un bon coup de fourchette et en fin de repas, alors qu’il savourait un claqueret, un messager fut annoncé.     

- Que l’on s’occupe de son cheval et qu’il se restaure ! déclara le proconsul qui termina son repas et se rendit dans sa tente pour recevoir l’envoyé de Rome. 
L’estafette se présenta très rapidement et lui remis le message du propréteur Octave. Le message était bien sûr codé selon le carré de Polybe basé sur la substitution monoalphabétique et fut rapidement déchiffré par Plancus qui possédait la grille adéquate. Octave le remerciait pour avoir pleinement remplit sa mission ; il lui demandait de rentrer à Rome entre les nones et les ides de novembre et de le rejoindre dès son arrivée.     

- Quid ergo lézardum ? (que peut-il bien me vouloir) se demanda le proconsul.

Fin de l’épisode, à suivre… 

Glossaire  

- marque-mal : c'est quelqu'un de malhonnête et patibulaire du genre gibier de potence.   
- gongonner: rouspéter, faire des reproches     
- se caler l'embuni: se remplir l'estomac, bien manger    
- mâchon: petit en-cas servi entre 8h et 10h du matin. En instaurant le premier mâchon de la société des amis de guignol le 24 février 1914, (qui du depuis, perdure  chaque année), le mâchon est devenu synonyme de banquet.     
- tabagnon - patrigot: voir le 2ème épisode     
- claqueret : fromage blanc battu propréteur : c'est la charge de gouverneur de province, grade élevé dans la hiérarchie romaine.     
- entre les nonnes et les ides : pour les mois de 31 jours il s'agissait de la période entre le 7 et le 15 du mois ; pour le mois de novembre de 30 jours, c'est entre le 5 et le 13.

6e épisode - Les boules

Fabulix répondit : Ce sont des gonn qui jouent à leur jeu traditionnel ! 
Sur un espace de terre battue un rectangle était tracé, d’une longueur de 36 pas sur 5 de large. Sur la longueur et de chaque côté 3 espaces symétriques de 1, 3, et 6 pas étaient délimités, laissant un espace central neutre de 16 pas où les joueurs ne devaient pas pénétrer. Sachant qu’un pas fait environ 0.75m, je vous laisse calculer et vous vous apercevrez que nous ne sommes pas loin des dimensions de l’actuel clos lyonnais.
On va tout de même pas chipoter et se mettre un coup de boule pour quelques centimètres additionnels. 
Deux équipes de quatre Ségusiaves s’opposaient avec pour chacune, deux pointeurs et deux tireurs. Le premier joueur, lança un « p’tit », une boule de bois de deux digitus ou doigts (37mm) qui devait se placer dans la zone des 6 pas. Chaque joueur disposant de deux sphères en bois, ferrées par des clous, l’équipe gagnante sera celle qui, avec ses sphères se rapprochera le plus près du p’tit en ayant marquant onze points. 

Je vous y dis pas la totalité des règles, pour pas trop vous cigroler l’entendement, mais ce jeu qui est arrivé en Gaule par les Phéniciens s’est bien implanté par chez nous ; dans les autrefois, il s’appelait « la grosse boule » et il est devenu « la longue ou la lyonnaise». 
Tout le long de la partie, Munatius entendait des exclamations comme bib’, kelkaro, balme, brochet… que Tartempio s’empressait d’expliciter quand, à la fin de la partie, l’équipe gagnante entraîna joyeusement leurs adversaires vers la paroi d’une cabane en criant : 
- bique Lafanni

Le proconsul areluqua les perdants qui, se mettant à genoux, embrassèrent les planches vermoulues d’une vieille porte. Plancus les avait suivis et sur la porte, il distingua, dessinés avec un fragment de brique, deux demi-cercles verticaux et tangents, une grossière effigie qui semblait figurer deux énormes joues.  
- Elle n’a pas de nez, ni d’yeux leur idole, dit-il. Adoreraient-ils la Lune

Tartempio, secoué par un énorme rire, expliqua à son maître qui était Lafanni et celui-ci, riant à son tour  déclara : 
- Veni, vidi coquinus Ségusiaves poilagratus ultra mus Gaulois ! Arrivé dans cette bourgade accueillante, je témoigne que vivent ici de très joyeux Ségusiaves plus gaulois que les Gaulois

La petite troupe retraversa l’Arar et remonta jusqu’au camp de Bvgndvnvm. Les légionnaires étaient à pied d’œuvre et mouillaient la tunique autant que les esclaves, prisonniers de guerre, qu’ils encadraient. Les vainqueurs d’aujourd’hui peuvent être les vaincus de demain, alors entre soldats, régnait une sorte de respect réciproque. Déjà on pouvait areluquer les premières fortifications qui s’élevaient du sol en suivant le tracé initial de la charrue. Les seules embièrnes (ennuis; difficultés) rencontrées, étaient liées au faible approvisionnement en eau. Les ressources aquifères du plateau se limitaient à quelques puits et sources situés entre Choulans et Pierre-Scize. Je précise pour les ceusses que sont pas de chez nous, qu’il s’agit du trajet serpentant le long de la rive droite de la Saône depuis le nord de Condate (entre Vaise et la place des Terreaux) jusqu'à la Quarantaine (à la sortie sud du tunnel de Fourvière). Ce manque d’eau faisait regret et pour de vrai, ça faisait pas la rue Michel.

Ah ouatt ! (mais bon) Plancus qu’était pas rien un caquenanot s’était entouré des meilleurs architectes et ingénieurs qui lui avaient assuré qu’un bon réseau d’aqueducs pallieraient à ce sac d’embrouilles. Il était d’ailleurs attendu pour la pose de la première pierre de l’ouvrage qui deviendra le premier aqueduc, celui des Mont d’Or. 
Il se rendit dans le quartier des Minimes où seront construits le théâtre antique et les thermes, pratiqua l’ablution rituelle en se lavant les mains pour s’en remettre aux dieux, tandis que deux esclaves, deux colosses de Rhodes, posaient un énorme pavé sur un lit de mortier. Il posa son laridet (index) sur la pierre en prononçant la formule : 
- Déus magna apportam flotibus per calmos souâf ed permetam baindefessu ! Merci oh ! dieux d’apporter ici l’eau bienfaisante qui apaisera notre besoin légitime de nous abreuver et alimentera les thermes pour que nous fassions trempette.  

Fin de l’épisode, à suivre… 

Glossaire :  

Cigroler l’entendement : se prendre la tête, la secouer dans tous les sens. 

Bib’, kelkaro, balme, brochet
Bib' ou biberon - la boule est venue s'appuyer contre le p'tit ou but ou cochonnet. 
Kelkaro - le tireur a touché la boule adverse la mettant hors jeux et se mettant à sa place.
Balme -
c'est une petite déclivité du terrain pas toujours très plat
Brochet - c'est l'inverse du carreau sec; le tireur a placé sa boule avec un écart important par rapport à l'objectif visé. 
Mouillaient la tunique : expression argotique romaine qui deviendra, mouiller la chemise, bosser, arracher son copeau, suer le burnous, trimer, en mettre une secousse. Vous l'avez compris, c'est travailler durement. 
Faisait regret, faisait pas la rue Michel : fait regret, c'est ennuyeux, ça fait pas la rue Michel, c'est insuffisant, ça ne fait pas le compte car faire la rue Michel, c'était une expression des conducteurs de fiacre qui déposant leur client rue Michel Lecomte à Paris et vérifiant que la somme versée correspondait bien à la course disaient en guise d'acquit, ça fait la rue Michel ! 
Caquenanot : quelqu'un de pas dégourdit, benêt ; être pas rien un caquenano, c'est ne pas être un caquenano puisque rien est employé ici dans son premier sens qui signifie quelque chose. Rappelez-vous Raymond Devos: deux fois rien, c'est pas grand-chose, mais avec trois fois rien, on peut déjà acheter quelque chose... 

5e épisode - Condate ville cosmopolite

En se ratatinant, Petafine avait cigrolé la hutte en bas de la Costa Magna, d’où la bignole, matrone Cottiva était sortie aussi sec, levant les bras au ciel en bieurlant : 
- Par Belisama, c’est pas dieu posse que d’y croire, ce pauvre diable est tout marpaillé. J’y avais pourtant prévenu qu’il fallait interdire la circulation des chars dans cette montée à la descente plus raide que l’arquenbuse du père Coudetrix.
- C’est ben la vérité vraie ! rajouta la mère Tapedura, une cancorne qu’avait une loge un peu plus haut. Nos édiles sont longs à la comprenette et ne réagissent que lorsqu’ils craignent que le ciel leur tombe sur le corgnolon !
Et céléri et céléra, nos deux bignoles piapiatèrent de conserve, sans plus se soucier du malheureux.

Après avoir donné ses instructions et fait prendre en charge Petafine, Plancus, Tartempio et Fabulix se retrouvèrent sur l’étroite plage qui séparait le bas de la colline du canal où s’unissait les deux fleuves. Une foule cosmopolite, acheteurs ou vendeurs, grouillait le long des barques amarrées. Des Vénètes timides arrivés du sud de l’Armorique s’enfuirent à la vue des soldats ; il faut dire qu’ils avaient encore en mémoire la pâtée infligée par Jules lors de la bataille navale du Morbihan, treize ans plus tôt, et qui les avait opposés à la flotte de Decimus Junius Brutus. Ils ignoraient que ce dernier devenu gouverneur et propréteur de la Gaule Cisalpine avait été du nombre des conjurés qui avaient assassiné César l’an passé et qu’il venait d’être à son tour assassiné sur l’ordre d’Antoine après que Plancus lui-même  rallié à Octave, lui eut refusé assistance.
« assassinames via opinel périratem via laguiole », c’est-à-dire : celui qui tue par le glaive périra par le glaive,
Des Ansibariens venus de la Mare Germanicum en gaule Belge, jouaient à frapper du pied dans une sorte d’outre sphérique en cuir. Ils tournèrent à peine la tête au passage du petit cortège. Munatius les entendit crier : biskott, karton jaune, péno
- Curieux ce jeu où il faut courir après une balle, et crier sans décesser pensa le proconsul ; c’est un peu fouillasse, Il n’y a bien que les barbares que ça peut intéresser ; il n’y a aucune chance pour que ce jeu se pratique un jour à Rome.
Des Phocéens vantaient leur marchandise avec volubilité en faisant de grands gestes. Munatius qui avait séjourné à Massilia les connaissait bien. Ce sont de drôles de zigotos car pour eux, tout ce qu’ils vendent est obligatoirement bon marché. Ne disent-ils pas à tout bout de champs : peu cher !
Des Bouâmes qui se pointaient de l’Oisans, se montrèrent obséquieux vis-à-vis du proconsul. Cette peuplade de gens petits avec une grosse tête se comportait comme des parasites ; quelques historiens pensent qu’ils sont un peu cousins avec le peuple des Technocrasses. Des paléontologues auraient trouvé dans une grotte près de Strasbourg, une nécropole avec des tombes sur lesquelles étaient gravées les trois lettres E.N.A. la devise des Technocrasses : « Epongeâmes Nigaudinus Artichem », qui signifie : soulager l’argent du nigaud c’est pas plus compliqué que de vendre du sable aux Sahariens.
De plus, les Bouâmes effrayaient les Ucennes, tribus gauloises qui peuplaient l’Oisans. Des contes et des légendes affirment que, non seulement ils étaient des voleurs de poules ou de lapins, mais aussi de bébés qu’ensuite ils élevaient. Ils sont comparés au coucou qui se sert du nid des autres pour couver et élever leurs oisillons.
Un fier Sicambre qui ne courba pas la tête à leur passage, prophétisa avec dédain :
- L’aigle de Rome va se faire déplumer et ses Dieux vont s’abouser. Ce sera la chute de l’empire et le triomphe d’Odin, maitre futur des Deux-Collines. Empiffrez-vous de bvgnn et de charcutailles. Ce qui est grand, rase-bitumera et réciproquement ! 
Le proconsul s’interloqua, mais Fabulix intervint.
- Laisse pisser le mérinos, y dégoise que des fadaises, les Sicambres sont pas francs du collier et plutôt du genre pillards. Ce type est capable de risquer sa peau pour te chourer un vase. Ignore ce qu’il vient de proférer ; il a dû forcer sur la grosse-nambour (une marque de cervoise réputée).

En fait les deux prophéties vont se rejoindre. A la fin de l’empire Romain entre 476 et 487, un descendant du fier Sicambre va se faire décapiter d’un coup de hache par Clovis roi des Francs pour avoir détruit le vase de Soissons. Mais comme Clovis va se dépaïenniser et se faire baptiser, c'est tant pis pour Odin qui sera plus son.dieu.Un peu plus loin Munatius s’arrêta :

- Késakéo ? dit-il

Fin de l’épisode, à suivre 

Glossaire

Cigrolé :secouer dans tous les sens, ébranler, faire trembler 
Marpaillé : écrasé, abimé
L’arquenbuse :l'eau d'arquebuse alcool distillé de 33 plantes aux vertus digestives bienfaisantes était dans tous les foyers lyonnais des autrefois.
Propréteur : dans la hiérarchie romaine, le propréteur est un gouverneur de province impériale sous l'autorité de l'empereur.
S’abouser : s'écraser à terre, et parlant par respect comme une bouse de vache.

4e épisode - Les Pierres Plantées

Plancus souhaita rejoindre Condate au confluent du Rhône et de la Saône. Pour s'y rendre, il fallait emprunter une route qui descendait le long des pentes. Elle était particulièrement abrupte dans sa première partie jusqu'à un replat d'où elle repartait plus doucement. Jugeant le trajet périlleux, le proconsul s'adressa à Petafinus:
- Raidillius via bis répétita Costa Magna ; craignum cul pardessus testum ? (J’ai repris le texte en V.O.). Ce que l'on peut traduire en gaulois par : ne te semble-t-il pas que cette voie est particulièrement raide et qu'avant que nous ne parvenions au replat de la Grand'Côte nous ne finissions par débarouler en faisant un patacul (tomber cul-par-dessus-tête en parler lyonnais) ?
- Ke neni, te cassus pas le bourichonum, finassames slalonum plaçum et redémarames tranquillos via Costa Magna, rétorqua Petafinus. Autrement dit : Que nenni ne te prends pas le cabochon, je fais juste un petit freinage sur le côté au niveau de la plateforme et on repart peinard en suivant la Grand'Côte.
- Aléa jacta est ! Cascadum faisames solus. Mezigum, Tartempio et Fabulix allâmes pédibus jambus colagnus et rejoignâmes replat. Traduction : Bingo ! Fais comme tu penses, mais je ne me sens pas de jouer les cascadeurs. Va seul ; moi-même, Tartempio et Fabulix, nous te rejoindrons à pied, en bambanant de collagne jusqu'au replat.

Nos trois amis descendirent du chariot et tandis qu'ils ne se mettaient en route, l'aurige s'engagea sur le raidillon. Les mirettes écarquillées nos trois mectons constatèrent que, poussés par le poids du véhicule, les chevaux s'emballaient.
- Per jovem, frena couyonus ! (Par les dieux, freine espèce d'ébravagé) hurla Munatius.
Rien à cirer, il était déjà trop tard. Les étalons juste avant d'atteindre le replat s'abousèrent, le char se coucha, se brisa, s'éparpilla façon puzzle, tandis que Petafinus fut projeté en l'air tel un bloc de pierre de baliste. (J'aurai pu dire un boulet de canon, mais vous connaissez mon sens de la précision et mon souci d'éviter les anachronismes, puisque le canon n'existait pas à l'époque de la guerre des Gaules, le boulet, c'est pas possible non plus car il ne fera joyeusement son apparition sur les champs de bataille qu’au 14ème siècle. Vous y savez comme moi qu'il y a toujours un marque-mal prêt à relever la moindre anomalie historique pour montrer sa science en se moquant du pauvre auteur qui voulait seulement faire une métaphore pour adoucir la rudesse d'un spectacle effrayant car quoi de plus effrayant que d'observer le trajet en l'air d'un pauvre diable qui comme de bien s'accorde ne va pas s'en sortir sans casse.

Bon, cette mise au point étant faite, je sais plus où j'en suis...) Ah oui ! notre Petafinus, après avoir accompli une triple vrille et un double salto facial, alla s'écramaillé contre une hutte en bas de la montée.Bien que la paille ait amorti le choc, il était tout de même pas loin de dévisser son billard et d'épouser la camarde lorsqu'il fut rejoint par nos trois mamis tout tourneboulés. Le proconsul manda son chirurgien, un médecin grec, Aristophane Thénia, qui diagnostiqua une fracture du crâne et pratiqua sur le champ la trépanation bi-convexe-latérale que lui avaient enseigné ses deux professeurs d'internat, les docteurs Frank et Stein. L'intervention fut inutile car Petafinus ferma son parapluie pour aller manger les pissenlits par la racine, dans la nuit.

Plancus désolé de la perte de son aurige, fit établir sur le champ, dans le haut de cette route périlleuse trois bornes destinées à en interdire l'accès aux chars. Et il prescrivit qu'on gravât sur chacune des trois pierres, la lettre P; on les appela les Pierres Plantées.Les trois initiales P.P.P. pour Petafinus, Patacul, Peritem. (ici mourut Petafinus d’une culbute mal controlée). Certains archéologues prétendent qu'il s'agissait en fait des trois lettres C.A.F. (Cave, Auriga, Fastigium), c'est-à-dire: Fait gaffe Aurige Descente brusque. Il est décidemment bien difficile d'appréhender la vérité historique ! Ce qui est sûr, c'est que depuis ce drame, dans le parler lyonnais, le verbe petafiner signifie abîmer, gâter, rendre méconnaissable et il s'apparente au vieux mot français putafin qui signifie: mauvaise fin. 

Fin de l’épisode, à suivre 

Glossaire

Bambaner de collagne : se promener ensemble, en bonne compagnie.
Métaphore : il est souvent difficile de faire la différence entre une périphrase et une métaphore. Michel Audiard toujours soucieux de venir en aide à ses contemporains, en donne un parfait exemple par les voix de Bernard Blier et Françoise Rosay dans l'excellent film « Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages » :
B.B. – Attention ! j'ai le glaive vengeur et le bras séculier ! L'aigle va fondre sur la vieille buse !... Un peu chouette comme métaphore, non ?
F.R. - C'est pas une métaphore, c'est une périphrase.
B.B. - Fais pas chier !...
F.R. - ça c'est une métaphore.
Je dédie cet exemple aux grammairiens qui parfois nous gonflent avec leur langage doctoral et souvent incompréhensible. Rien ne vaut une image plutôt qu'un long discours.
Dévisser son billard, épouser la camarde, fermer son parapluie, aller manger les pissenlits par la racine : je n'ai pu résister au plaisir de vous préciser quatre des cinquante façons de mourir. Le français argotique populaire, comme les parlers régionaux sont des langages fleuris qui ne doivent pas disparaître.

3e épisode - La colline qui travaille

Conformément à son habitude, le proconsul décida de visiter sa banlieue pour mettre sa touche personnelle sur les différents quartiers proches des hauteurs de Bugndunum. Il manda Petafinus, son cocher favori, fit atteler un char léger où il prit place avec Tartempio et Fabulix. Avec une petite escorte de cavaliers, il partit rejoindre la colline d'en face (l’actuelle Croix-Rousse) en traversant l'Arar par un passage à gué, à la hauteur d'une île située au nord de la ville.

Cette île comportait un petit bois de chênes et nombreux étaient les prêtres gaulois, qui, munis de leur serpette allaient cueillir le gui. Plancus connaissait cette coutume barbare. Il trouvait amusant que les Ségusiaves soient affublés de moustaches alors que les druides arboraient de longues barbes blanches. Il dit à Fabulix, chargé de graver sur ses tablettes, les instructions de son patron :
- Nous appellerons ce lieu : Barbatus insulae,  "l'île Barbe" !Il gravit la colline par le large chemin emprunté par ses troupes venant d'Helvétie et qui comportait de nombreux petits fortins avec des sentinelles qui surveillaient cette voie propice aux invasions.
- En haut de cette Montée des Forts, dit le proconsul, nous irons coquer la miaille aux fenottes et faire cinq sous à leurs époux, deux chevaliers de mes amis qui, après avoir obtenu leur congé, ont créés ici une colonie romaine appréciée des autochtones.

Effectivement lorsqu'ils arrivèrent sur le plateau où se dressait une splendide domus, ils furent reçus par Calvirius qui justement recevait son homologue Curius, élevé lui aussi au rang de procurator équestre (équivalent de préfet). C'étaient deux solides gaillards, des Sarmates de la tribu des Scythes royaux qui avaient fait carrière dans la cavalerie romaine. Ils s'étaient illustrés sur de nombreux champs de bataille et en dernier à Alésia où ils avaient vengés la défaite de Gergovie en battant cette fois, la cavalerie redoutée de Vercingétorix. De retour à la vie civile, couverts d'honneurs, ils avaient fondé une petite cité. Comme ils étaient copains comme cochons et qu'aucun d'eux ne voulait tirer la couverture à soi, ils décidèrent d'appeler cette cité Calvir-et-Curi.
- Bien le bonjour mes belins, belines et ave Caesar ! dit le proconsul en descendant du char.
- Vous restez diner avec nous ! déclara Calvirius ; Calpurnia ma fenotte, a préparé une soupe au lait, une salade de clapotons, un barboton...

Je vous y dis pas la suite pour pas que vous saliviez au-dessus de votre clavier, mais les agapes durèrent jusqu'en milieu d'après-midi, jusqu'à tant que notre équipe un peu coufle reprit sa route. Ils arrivèrent à la limite du plateau offrant un splendide point-de-vue sur le Rhône, les plaines de l'Est lyonnais et les Alpes. Et du côté Sud, au bas d'une forte pente on pouvait apercevoir le bourg celtique de Condate. Un énorme rocher se dressait là.
- Etonnant, ce gros caillou ! dit Plancus admiratif. Est-ce l'œuvre des Dieux ?
Fabulix qu'était pas rien un benoni précisa: 
- Il s'agit d'un quartzite triasique métamorphique, une roche qui provient des Alpes. Ce bloc a été déplacé par les glaciers du Riss il y a environ 140000 ans. (Il a été découvert lors de la percée du tunnel de la ficelle de la Croix-Rousse en 1861).
- Une légende prétend qu'il s'agit du cœur fossilisé de Radinix, un vieux rapiamus que prêtait ses sous à de pauvres gens avec un taux si tant élevé que les mamis pouvaient pas rembourser et étaient vendus comme esclaves (selon la loi romaine), rajouta Fabulix. 
- Il avait tout de même pas le cœur si gonfle !  s'interloqua le proconsul.
- En fait, rétorqua Fabulix, à l’origine c'était un artignole moins pire que lui qu'avait été condamné par le dieu de lumière Bélénos à pousser un gadin de la taille d’une boule lyonnaise laquelle devait grossir jusqu'à temps qu'il croise un plus mauvais que lui. Et c'est ainsi qu’en croisant Radinix sur le plateau le sortilège cessa, le bloc tourna comme une fiarde et s'abousa à l'emplacement actuel.

Je vais peut-être faire un don à ce dieu, se dit Munatius qu'était certes un peu constipé du morlingue (radin), mais qu'était encore plus pétochard à l'idée de contrarier les divinités, fussent-elles adorées des barbares. Et comme en traversant les cultures et les vignes du plateau, il avait constaté que tout un chacun n'avait de cesse de mouiller la chemise et de s'activer dans ses différents travaux, il déclara à Fabulix :- Ce lieu s'appellera : Opérariusdunum (la colline de ceux qui travaillent). Surnom toujours actuel de la colline de la Croix-Rousse. 

Fin de l’épisode, à suivre...

Glossaire

L'île Barbe est une île située au milieu de la Saône dans le 9ème arrondissement de Lyon, quartier de Saint-Rambert. En 1827, un pont suspendu enjambe l'île à sa pointe sud et relie les deux rives, droite (Saint-Rambert) et gauche(Caluire-et-Cuire). C’est le seul pont qui n’a pas été détruit par l’armée allemande en 1945.
La montée des Forts  porte toujours ce nom.
Coquer la miaille et faire cinq sousparlant par respect, un bon gone en toute amitié, se doit de faire la bise aux dames et serrer la main aux hommes.
Chevaliers : dans l'armée impériale romaine, le grade de chevalier correspond à celui de général de cavalerie
Calvir-et-Curi :la commune de Caluire-et-Cuire mitoyenne à la Croix-Rousse aurait bien été fondée par les colons romains Calvirius et Curius à l'époque de la guerre des Gaules.
Clapotons :pieds de mouton. La salade de clapotons est un délice de la recette lyonnaise. Je vous y dis pas ici, ça vous ferait regret de pas y goûter.
Coufle : c'est aussi être tout gonfle d'avoir trop mangé
Le Gros Caillou : il domine le Rhône et la plaine jusqu'aux Alpes et il est devenu à la fois le symbole de la force et de la persévérance des Lyonnais face aux obstacles.
Artignole : verbeux, menteur, sans parole et sans honneur, faiseur d'embarras. Vous y avez compris, c'est pas du beau monde friquentâble.
Fiarde : petite toupie en bois lancée à l'aide de la corde qui l'entoure. Jeu très pratiqué (dans les autrefois) par les gones dans les cours de récrée.

2e épisode - La colline des bugnes

Le proconsul avait revêtu sa plus belle toge d'apparat.
- Faudrait-voir à pas se présenter en sale devant tout ce cuchon de monde et passer pour un marque-mal se disait-il !

Pour se faire tirer le portrait, il avait fait venir pour l'occasion un artiste réputé, un dénommé Uderzum, un portraitiste romain qui créchait à Lutèce car il avait dû quitter Rome, pour avoir caricaturé Jules et il était également soupçonné d'avoir quelques  sympathies pour une tribu d’irréductibles Armoricains.
- Inutile de faire paraître mon portrait dans ton reportage ! demanda-t-il à Fabulix, le cousin de Tartempio. Je ne voudrais pas servir de bigmac (casse-croûte) aux lions du Colisée.

C'est pour cela que cette anecdote ne figure pas dans les livres d'histoires.
Les offrandes étaient disposées sur des tables. Il y avait là des petits carrés de lard, attachés en paquets avec des liens d'osier ; des épis de blé cueillis dans un champs voisin le long du sentier qui s'appelle encore de nos jours « la Montée des Epis », des vases de fabrication locale en terre jaunâtre, de forme ventrue, avec une base solide, une anse latérale unique et un large rebord plat, des outres de vins, des fruits, et sur une vaste patère, une pyramide de pâtisseries rondes en forme de disque ou de bracelets, d'une belle couleur dorée.

Ainsi qu'il en avait depuis longtemps l'habitude, Plancus indiquait du doigt à son fidèle Tartempio, les offrandes dont il ignorait ou avait oublié le nom gaulois, et à son geste, le vieux légionnaire répondait par le mot ségusiave désignant l'objet.
Lucius montra d'abord de l'index, les carrés de lard 
- Paké d'couann, dit Tartempio, et il expliqua que ce vocable signifiait, à proprement parler, des pigeons, ficelés comme l'était ce lard, pour être vendus au marché.
En rajoutant en fin de cuisson, dans la poêle, des petits oignons piqués de clous de girofle et des carottes émincées préalablement cuits dans un bouillon de volaille, les pakés d'couann rissolés au saindoux et persillés sont un délice à s'en lécher les cinq doigts et le pouce, conclut-il.
Il montra ensuite les curieuses poteries ornées d'un œil dans le fond. 
- Vase de nuit, dit Tartempio. C'est l'œuvre d'un potier, un artiste original un peu ébravagé, qui travaille principalement la nuit à la lueur des chandelles, alors, on les appelle des vases de nuit. Une coutume récente veut que cet objet soit offert pour leur nuit de noces aux jeunes mariés. Il est apporté solennellement par leurs amis, garni dans le fond, d'une portion de purée de boudin noir et d'un verre de vin blanc que les nouveaux époux doivent consommer immédiatement.

- Ils sont fous ces gaulois! se dit le proconsul en montrant du laridet* les pâtisseries.
- Bvgnn, (prononcez bugne) dit alors le vétéran et il présenta à son chef la patère où s'empilaient les disques dorés. Plancus qui était gourmand, en prit un avec méfiance, mais l'ayant gouté, il fit claquer sa menteuse contre son palais:
- Exquisitissimum! (fameux, en latin de cuisine) déclara Plancus.
Il en prit un autre, puis un troisième et vida quasi tout le plat ne laissant que les deux plus petites des bvgnn car il craignait les dieux et ne voulait pas les offenser.

Une fois les victimes immolées et les libations accomplies, il monta sur le tabagnon pour un patrigot éloquent car cet ami de Cicéron était un orateur réputé. Comme il avait un peu forcé sur la consommation de vin miellé, il était peu chaud des manettes (oreilles) et s'écria avec un enthousiasme reconnaissant:
- Dieu des marchands et des voleurs et réciproquement, je te voue la cité que j'ai fondée conformément au décret du sénat, pour que tu la fasses prospérer et grandir au confluent de ces deux fleuves. En vertu des pouvoirs qui m'ont été conférés, je donne à cette cité le nom de la colline sur laquelle elle fut consacrée. Elle s'appellera Bvgndvnvm, la colline des bugnn.Les buccins sonnèrent et les Ségusiaves réunis autour de l'autel pour cette cérémonie inaugurale se dispersèrent en acclamant longuement le proconsul.Nous étions en l'an de Rome 711, le 43ème avant notre ère, au début de juin et sans doute un mercredi, le jour de Mercure ayant été choisi pour la célébration du sacrifice auquel nous venons d'assister.

Fin de l'épisode, à suivre… 

Glossaire 

Cuchon un tas, un amoncellement une quantité; vient du gaulois kukka qui veut dire sommet 
Ebravagé écervelé, un peu fêlé de la cafetière, mou du ciboulot.
Laridet : index. En lyonnais les cinq doigts de la main sont: le gros det, le laridet, la longue dame, le jean-du-siau et le cortiaud ou plus familièrement pour les petits minots, le petit quinquin.
Bvgnn : elles n'ont plus cette forme primitive et archaïque.
Tabagnon : estrade, tout emplacement surélevé pour discourir; vient du tabagnon qui est la petite plate-forme du bateau, sur laquelle prends place le jouteur et aussi les planches pour marionnettistes d'un théâtre de fortune de guignol.
Patrigot : discours, bavardage.
Bvgndvnvm : il faut prononcer Bugnedunum, la colline des bugnes

1er épisode - BVGDVNVM - L'arrivée

« Il faut commencer par le commencement » La Palice 

 Prologue

 La bible commence par la Genèse, l'histoire de France par nos ancêtres les Gaulois, l’apprentissage de la lecture par l'alphabet, le roman policier par un crime, alors projetons-nous sur la fondation de cette grande cité qui deviendra Lyon « ville lumière » grâce au 8 décembre et aux frères Lumière, les glorieux inventeurs du cinéma sans lesquels nous n'aurions pu admirer ce chef d'œuvre du 7ème Nanart : « Mon curé chez les nudistes ».
Mais n’oublions pas comme de bien s'accorde la tradition orale transmise depuis les origines aux descendants de Fabulix, le scribe officiel et biographe personnel du proconsul Plancus. Je peux enfin révéler au grand-jour comme en pleine nuit et réciproquement ajouterai Pierre Dac, la véritable histoire des origines de Lyon.

 Lucius Munatius Plancus, proconsul en Gaule, était arrivé depuis deux jours du pays des Helvètes où il avait fondé Bâle. Il avait planté sa tente au sommet du plateau qui dominait à l'ouest, le confluent du Rhône et de l'Arar*, à l'angle de l'actuelle place de Fourvière et de la rue Roger Radisson ex rue du Juge-de-paix.
La légion qu'il avait amenée des bords du Rhin campait çà et là sur la colline et commençait d'élever les remparts dont il avait tracé le circuit la veille, à l'aide d'une charrue attelée d'un taureau noir et d'une génisse blanche, la tête couverte d'un pan de sa toge, suivant le cérémonial ordinaire.

Tandis qu'on préparait, dans la clairière voisine, le sacrifice qui consacrerait la nouvelle ville à Mercure, dieu des marchands, Plancus, debout sur un rocher, au bord de l'escarpement, contemplait le merveilleux paysage : la vaste plaine barrée par les Alpes, le cours des fleuves sillonné de barques et leur confluent protégé, au Sud, par une série d'îles. Sur la plus importante, celle qu'il avait déjà nommée l'île d’Enée*, en mémoire du créateur de Rome, on apercevait des vastes hangars où les riches marchands du port, les vinarii (marchands de vins), étalaient aux yeux ravis des futurs fonctionnaires gallo-romains, d'alléchantes rangées de pots de vin gaulois. 

Près du proconsul se tenait son fidèle Tartempio, un vieux légionnaire à cheveux blancs, un Ségusiave, qui l'avait suivi dans toutes ses campagnes militaires et politiques et lui avait enseigné la plupart des dialectes gaulois. Ayant obtenu son congé, Claudius Tartempio revenait, comme vétéran et comme colon, dans le pays qui l'avait vu naître. Avec sa femme Magdelo et ses nombreux enfants, il allait vivre désormais sur les quelques arpents de terre dont Rome récompensait son dévouement.
Plancus familier, l'interpella :
- Eh bien, mon vieux collomb (excusez ce lapsus prémonitoirius révélatis ; Lucius ne savait pas encore que le Gégé Collomb, notre sénateur-maire de Lyon, allait présider de nos jours à la destinée de notre communauté urbaine) mon vieux colon dit-il, en voilà un chouettos endroit pour fonder une ville ! C'est tout de même moins crassouille que ce trou de Bâle ! Un pays qui fabrique son chocolat avec des vaches violettes, c'est quand même un peu bizarre, non ! Et il se mit à expliquer, comment au confluent des deux fleuves, la cité future deviendrait la Rome des Gaules. 

Tandis qu'il discourait, on vint l'avertir que tout était prêt pour le sacrifice et il entra dans la tente où l'on avait réuni les offrandes apportées par les habitants de la colline pour le Dieu protecteur de la cité. 

Fin de l'épisode, à suivre…

 La Saône a porté 3 noms: Brigoulus avant l'arrivée de Jules, Arar à partir de la guerre des Gaules et Souconna au IVème siècle lorsqu'elle tira son nom de la tribu des Séquanes et de la déesse tutélaire Souconna ou Sauc-OnnaCet intitulé fut progressivement renommé Saoconna par les moines copistes , puis, après quelques autres modifications, elle devint la Saône au XVème siècle.

* Enée : selon la légende Rome aurait été fondée en 753 av.J.C. par Romulus un des descendants du héros troyen Enée lui-même fils de la déesse Vénus et du troyen Anchise. C’est ici un clin d’œil au quartier lyonnais d’Ainay situé en presqu’île.