Premiers épisodes

Épisode 1 - L'arrivée au château

« J’ai compris que le Père Noël n’existait pas quand j’avais cinq ans. Je suis entrée dans un grand magasin et il m’a demandé un autographe. »
Shirley Temple

Où la Reine se montre d’entrée un tantinet égocentrique !
Il était une fois, une reine teigneuse et jalmince, une princesse un brin nunuche en apparence et qui aurait pu être prem’s à l’élection de miss Contes de fées, un prince qui ne pointera ses biscottos qu’à la fin de l’histoire comme la cavalerie dans les vieux westerns pas encore spaghettis, sept rase-moquettes qui bricolent dans les diams, et enfin une tripotée de seconds couteaux tous plus croquignolets les z’uns que les z’autres... Pour la compréhension du texte, j’écris même les liaisons ; vous dire si j’ai de la conscience professionnelle ! Et je le précise pour le cas où un pingouin y s’aviserait de faire des remarques sur mes fautes d’orthographe. Enfin brèfle comme le disait Denis Papin, pas le footballeur, l’inventeur de la bouilloire électrique, commençons …

Par une belle matinée d’été (j’aurais pu écrire de printemps, d’automne ou d’hiver, mais une belle matinée, c’est tout de même plus sympa en été), sur le tarmac de l’aéroport de Saint-Exupéry, que les Lyonnais des autrefois appelaient Satolas, l’escalier mobile se plaque contre la porte de sortie d’un coucou qui s’ouvre, déversant son flot de passagers pas mécontents de retrouver le plancher des vaches. Parmi eux, reconnaissable à sa mine renfrognée, figure la Reine de notre royaume imaginaire. Pendant l’atterrissage, elle était restée collée à son fauteuil en serrant les miches jusqu’à temps que l’avion marque l’arrêt définitif et que le commandant de bord coupe les gaz de l’appareil. Soulagée, elle décompresse et comme de son côté elle n’a pas coupé ses gaz, elle se laisse aller en se fendant d’un rot aussi discret qu’un évier qu’on débouche, tout en ronchonnant : 
J’aurais jamais dû boire cette saloperie de mousseux ! C’est sûr que quand tu choisis un « Low-cost », la compagnie ne va pas s’allonger d’une coupe de roteuse de Don Pérignon ! Et qu’est-ce qu’ils ont tous ces locdus à applaudir à la fin du voyage ? Entre les trous d’air, le siège rembourré aux coquilles de noix, l’hôtesse qui n’a même pas pris soin de s’épiler la moustache et mon voisin de devant qui ronflait comme un élevage de gorets, manquerait plus qu’on se crashe à l’arrivée ! Si j’ai encore des aigreurs demain, je me fais rembourser mon biffeton de troisième classe !
Elle avait quitté son château quelques semaines plus tôt pour se rendre au Brésil ousseque les chirurgiens esthétiques sont, paraît-il, de véritables pointures. Soucieuse de son apparence, c'était la période de son ravalement de façade annuel, aussi avait-elle pris le forfait entretien, pièces et main d’œuvre inclus, avec retouches de carrosserie et elle avait hâte de juger des résultats. Elle grimpe dans une brouette en demandant au chauffeur de taxi de faire fissa. Celui-ci voyant la tronche de carême de la mégère, ne se le fait pas dire deux fois et il roule sans moufter. A l’arrivée, elle refile au taxi les dix sacs de la course sans lâcher le moindre pourliche vu qu’elle est constipée du morlingue. 
Elle donne quelques ordres à deux ou trois loufiats obséquieux qui, au risque de choper une scoliose, lui font des courbettes à s’en lécher leurs propres pompes et elle s'enquille bien vite dans ses appartements en refermant la lourde après avoir demandé qu’on ne vienne pas la seriner et lui casser le bonnet avec des problèmes d’intendance.
Elle se déloque et enfile son maillot de bain deux pièces, motif panthère avec soutifs à balconnets qu’elle avait casqué en solde à la boutique ‘’Dessous chics pour mémères perlouzées’’, puis elle se pointe devant son miroir magique. Attention je t’explique ! Pas le miroir que tu trouves chez le premier blaireau venu dans le hall d’entrée, entre le chausse-pied à roulement à billes et le pébroque avec pommeau à tête de canard. Non ! L’ustensile est constitué d'un écran plat LED 4K, 121cm, full HD avec en plus, double arbre à came en tête et zygomatiques intégrés. Ce n’est pas de la quincaille assemblée chez les citrons asiatiques, mais du matos de premier choix. La reine choppe la télécommande qui remplace les baguettes magiques, lesquelles ne sont plus utilisées, sauf par quelques ringards lors de galas de bienfaisance organisés au profit de la sauvegarde d’espèces menacées comme celles placées dans les coffres planqués en Suisse. Elle presse la touche "on" et sur l'écran apparait Gaston, un génie de première classe qui se met à lui passer la brosse à reluire car lui aussi connait l'engeance. Gaston avait fait ses classes à l’école spécialisée du calife de Bagdad. Il avait obtenu son diplôme avec mention ‘’très bien’’ et une citation dans l’épreuve optionnelle des meilleurs cireurs de godasses. Il avait également reçu le premier prix de rapidité en s’enquillant en moins de cinq secondes dans une lampe à huile.
Arrêtes tes charres, renaude la Reine. Soye à ce que tu fais, reluque-moi et dis-moi : ne suis-je pas la plus chouquette du royaume ? 
Gaston toussote et s’éclaircit le corgnolon avant de bavocher : ok ma poule ! T'as le nez façon Cléopâtre, les roploplos taillés à la Sophie Marceau. T'as plus les miches en gouttes d'huile et ton troisième lifting tient la route. Seulement il y a un blême car Blanche Neige, ta belle fille, est plus choucarde que Toi.
Comment ça ! éructe la reine, cette greluche qu'est toujours loquée façon première communiante qu'on dirait l’indéboulonnable Chantal, la bourgeoise de Jean-Jacques, qui pousse sa goualante aux arbres de noël de l’Elysée depuis plus de vingt piges ! 
Oui, mais elle n'a que dix-huit balais, les nibards à la coque à l'amour, le dermuche qui ondule et qui attire la main de l'homme, et aussi un sourire à faire péter les boutons de braguette d'un puritain. Faut dire qu’en plus, elle n'a pas tes heures de vol. 
Ferme ton clapet, tu jactes que des âneries et tu me files les abeilles ! 
La Reine en pétard enfonce la touche "off" et juste avant que l'écran ne s'éteigne, le génie susurre : je ne mens jamais… 
Pour ne pas péter les coutures de son lifting facial, elle se retient de pousser le cri qui tue, et se met à tourner en rond dans sa piaule en maugréant. De temps en temps elle jette quelques verres, vases et assiettes en arcopal par la fenêtre sous laquelle attendent les préposés à l’ire royale affublés de gros édredons en plumes d’oie. Ils couratent sur le gazon et mouillent la chemise en réceptionnant les objets jetés. Ben oui, les pauvres malheureux ! Leur mission consiste à ce qu’aucun élément de vaisselle ne casse car la patronne est tellement rapiate qu’elle retient le prix des ustensiles brisés sur leurs salaires, lesquels d’ailleurs sont tout aussi maigrichons qu’un mannequin anorexique. Epuisée par son manège et les soufflets en feu, elle se vautre dans un grand fauteuil empire pour calmer les battements de son palpitant en se disant : c’n’est pas cette chipette de Blanche neige qui va rouler des mécaniques. Je n’ai pas aligné trois briques aux toubibs brésiliens pour me faire gauler la place de prem’s au concours des plus beaux gigots du royaume. Je m’en vais te l’allumer, l’éparpiller façon puzzle, la zigouiller, l’écrabouiller …
Elle gamberge ainsi quelques broquilles
* jusqu’à ce qu’un sourire teigneux remplace sa moue de dépit. A force de se triturer les boyaux du cerveau, une loupiote s’est mise à clignoter dans son caberlot. Elle a muri sa rebiffe, se lève et appuye sur le bouton d’appel de l’interphone placé sur son burlingue.

Que va décider la vieille peau ? 
Réponse A : Décider de faire assassiner Blanche Neige en appelant son exécuteur des hautes oeuvres
Réponse B : Faire jouer la garantie et changer de miroir comprenant un nouveau génie qui serait plus à sa botte.
Réponse C : Retourner au Brésil se faire rembourser parce que pour avoir claqué trois briques, le résultat laisse à désirer.
Réponse D : Tout oublier en biberonnant un kil de beaujolpif.

Vu le suspense insoutenable qui se dégage de ce premier épisode, je laisse au lecteur le soin d’aller boire une bière ou tout autre remontant, de faire quelques exercices de relaxation, de partager ses impressions avec sa compagne, ou son compagnon si le lecteur est une lectrice. 
J’ai beaucoup aimé les feuilletons radiophoniques comme « Signé Furax » ou ceux que je lisais dans les journaux et les magazines. Alors, à mon tour de dire :
Fin de l'épisode à Suivre

Glossaire :
broquilles : minutes – « il est trois plombes et quinze broquilles à la dégoulinante de la bastoche » : « il est trois heures et quinze minutes à la pendule du salon
constipée du morlingue : radin
faire murir sa rebiffe : préparer sa vengeance
les soufflets : les poumons

Episode 2 - Marcel le garde-chasse

Dans une guerre, c’est toujours l’adversaire qui commence !
Francis Blanche

Où ce conte pourrait bien tourner au film d’horreur ! 

La reine ordonne à Gino, son larbin en chef :
T’as cinq broquilles pour que Marcel le garde-chasse ramène sa viande dans ma carrée sinon c’est toi qui le remplacera.

Précisons que Marcel était eunuque. Il avait été l’amant de la Reine avant qu’elle ne lui fît couper les choses de la vie après l’avoir chopé en train de folâtrer avec Lady Chatterley, laquelle, avouons-le sans euphémisme, était quelque peu dévergondée. Il ne lui suffisait pas d’être à la colle avec le jardinier du palais, elle fricotait en interpellant tous les mectons qu’elle avait à la bonne et leur demandait de l’accompagner dans les bosquets pour lui faire voir la feuille à l’envers (c’est beau comme image, je la tiens de papa, une périphrase très champêtre). Enfin, vous l’avez compris la Lady était une vraie nymphomane.
Gino qui tient à ses attributs comme le buvanvin tient à son litron de picrate (généralement un Cep Vermeil, un gros rouge qui tache aussi gouleyant et délicat qu’un mélange de pétrole brut et d’acide sulfurique), fait fissa pour dégoter Marcel. Il trouve celui-ci en train de faire ses vocalises car il s’est recyclé dans le chant lyrique puisque sa voix est le seul instrument dont il puisse encore jouer. 

Sympa tes vocalises, lui dit Gino ! Désolé de t'interrompre, mais la mauvaise te demande de ralléger presto.
Gino entretient des relations très amicales avec Marcel, c’est pourquoi il n’hésite pas à affubler la reine de sobriquets désobligeants sans crainte que ses paroles soient répétées. Nul n’ignore que dans ce château, la délation est monnaie courante et gare au malheureux qui est dénoncé pour avoir dégoisé en mal sur la mégère. Il risque la pire des punitions qui consiste à écouter en boucle, pendant deux heures, la dernière chanson du barde, auteur compositeur et chantre officiel du palais, Tony Siro : « Ma reine est là ».
Marcel remercie et se pointe illico dans le burlingue de la Reine Mère qui l’affranchit, séance tenante, sur ses perfides intentions :
Gicle sans trainailler vers Blanche Neige. Déballe lui des salades comme quoi un lapin s’est pris la patte dans un piège à loup ou alors que le loup est en train de chercher des crosses à un agnelet qui va se désaltérant dans le courant de l’onde pure qui coule au pied de la fontaine. Vu qu’elle fait partie de la S.P.B.I.F.L.F. (Société Protectrice des Bestioles Issues des Fables de La Fontaine), elle va se laisser berlurer et te filer le train. Une fois dans la forêt, avec ton surin, tu n’auras plus qu’à lui trancher le corgnolon. A ton retour, raboule-moi ses poumons, son foie, sa rate et son cœur encore chauds. Je les donnerai à briffer à mes clébards. A moins que je ne les serve en fressure (pour les ceusses que sont de fins gastronomes, je conseille la fressure de porc à la vendéenne où les abats sont préparés en civet avec le sang et les couennes de l’animal) et en brochettes à la garden-party que le comité des fêtes organise samedi prochain pour fêter mon retour. Ce sera bonnard car je participerai ainsi gratos aux frais. 
Banco ma reine, déglutit l’eunuque d’une voix de fausset.  
Connaissant les habitudes de la gisquette, il la rejoint et s’assoit à ses côtés sur le banc du jardin qui borde ses appartements ; elle est en train de lire le dernier roman de Barbara Cartland « Un si gros mensonge », lecture prémonitoire, n’est-il pas !
Marcel dégoise son baratin à la michetonne qui lui file le derche sans rouscailler. Elle n’a aucune raison de se garder à carreau vis-à-vis du garde-chasse qui lui a servi de précepteur quand elle était devenue orpheline. Toutefois, elle ne part pas sans biscuit. Elle rajoute dans son sac Vuitton qui ne la quitte jamais, une boite de pansements, un flacon de mercurochrome et divers objets de première nécessité, mascara, rose à joue, rouge à lèvre, flacon de patchouli... c’est-à-dire un inventaire à la Prévert que les machos et les aigris qualifient de futilités. 

Le ciel est limpide. Un doux soleil en ce début d’été éclaire la prairie. Les oiseaux gazouillent, s’interpellant de branche en branche. A l’orée du bois, les champs sont couverts de boutons d’or, de pâquerettes et de coquelicots. Blanche neige se dit qu’elle composera à son retour un bouquet champêtre pour sa belle-doche la reine. Ce qui prouve bien qu’elle est sans méfiance. Mais, terminons avec cette partie bucolique, rangeons nos violons et retournons à notre histoire. 
Nos deux personnages se pointent à l’entrée de la forêt, Marcel est suivi de la minette qui pousse sa goualante, « Un jour mon prince viendra… », une ritournelle qu’elle a entendue dans la dégoulinante d’un film des studios Disney. La piailleuse lui brise les portugaises avec sa voix pointue et ça lui perturbe les neurones, l’empêchant de se concentrer sur la façon dont il devra suriner la gueuse. L’occase se présente lorsqu’ils arrivent au bord de la rivière où les attend un spectacle bien choupinet. 
Un agnelet liche paisiblement la baille à côté de son copain le loup qui se tape un pan bagnat (oignon, radis, tomate, ail, basilic, olive, œuf, sel) car il est végétarien, allergique à la viande rouge. Un peu plus loin, un lapin fait la coursette avec une tortue et une cigale gratte sa guimauve au bal des fourmis. 
Je suis ravie de zyeuter que tout baigne icigo dit en souriant la princesse en sortant le panier pique-nique de son sac Vuitton et en rajoutant à l’attention de Marcel : Reposons nous un moment, reprenons des forces. J’ai apporté quelques tartines de Nutella, de la marmelade pommes coings aux quatre-épices et un thermos de thé glacé à la pèche blanche. En areluquant la mine déconfite du bonhomme, notre jouvencelle sourit  et précise :
Doisneau le dejeuner sur l herbe 1936Te marpaille pas la comprenette, j’ai aussi pour toi un sandwich au sauciflard, un calandos bien coulant et un kil de rouquin. Pendant que j’installe la bectance sur la nappe à carreaux rouges et blancs (ça rappelle les premiers congés payés de 1936 avec la très belle photo de Doisneau du déjeuner sur l’herbe qui était une pub pour Renault), va mettre le litron au frais dans la vase, puis fais un petit viron dans les alentours pour vérifier que rien ne cloche et prévient les fourmis qu’elles ne viennent pas nous les briser en s’invitant gratos au frichti ! 

Marcel feint de s’exécuter mais il revient en loucedé sur la pointe des ripatons. Sans plus attendre, il sort l’eustache de son étui en s’approchant de la princesse qui lui tourne le dos, penchée sur son panier occupée à préparer le pique-nique.

Mille sabords ! Serait-ce le commencement de la fin au dénouement tragique ! Que va-t-il advenir de la pauvrette ? 

Réponse A : Marcel obéit à la reine et commet son horrible forfait en tranchant le corgnolon de la minette 
Réponse B : Il va d’abord casser la croûte avant de prendre Blanche-neige en otage pour obtenir une rançon. 
Réponse C : Trop sensible, il va tout raconter à la princesse et lui laisser la vie sauve. 
Réponse D : Capturant la princesse, il va la vendre comme favorite au calife Haroun El Poussah et partager les gains avec le grand vizir Iznogoud son complice. 

Le suspense est trop insoutenable, je sais pas si je pourrais vous raconter la suite. On est pas sorti de l’auberge, faut que je me requinque. Je vous laisse, je vais me préparer une salade de clapotons, une andouillette beaujolaise et tirer un pot de Brouilly de ma cenpote. 
Fin de l'épisode à suivre,... j'espère

Glossaire : 

Tony Siro : « Ma reine est là » Celle ou celui qui trouvera le nom du chanteur et le titre de la chanson gagnera le droit de rejouer au prochain épisode. 
Briser les portugaises : casser les oreilles 
Gratter sa guimauve : jouer de la guitare 
Kil de rouquin : c’est quasi un pléonasme car un kil ou kilbus est toujours une bouteille d’un litre de vin rouge et rouquin est à la fois le sang et le vin rouge. 
La vase : comme la baille, la flotte, c’est de l’eau qui plus est, claire et même potable, mais les affranchis et aussi Gnafron se méfient de ce liquide plus dangereux pour la santé que le vin. D’où cette comparaison avec la vraie vase. 
Se marpailler la comprenette : être contrarié 

Nota benêt : je suis disponible pour toute précision sur un terme ou une expression argotique qui vous semblerait peu claire ; mettez un petit commentaire et j’y répondrais. 

Noubliez pas de cliquer sur la photo pour l'agrandir

Épisode 3 - Les aveux de Marcel

On frappe à ma porte. Je demande « Qui est là ?»
« C’est Jésus », « Mais non ! », « Mais si ! »

Raymond Devos

Où nous assistons à la première d’une future vedette du show-biz

Inutile de claquer des mandibules, d’appréhender le pire, de fermer le bouquin pour ne pas assister à l’épouvantable drame qui se prépare car le garde-chasse ne s’était approché que pour venir récupérer sa pierre à affûter. Il se faisait une vraie pendule à l’idée d’occire la gisquette. Il était partagé entre la pétoche d’affronter la colère de la reine et la nostalgie de son ancien turbin de protecteur de la mignarde. Tout en affutant l'opinel et perdu dans ses embrouilles, il tournait en rond quand il s’emberlificota les pinceaux dans une racine et s’offrit une gamelle de première. En se gaufrant, il se taillada le brandillon. La vue de son raisiné qui lui gouttait de l’aileron faillit l’envoyer dans les vapes. Plus douillet qu’une pisseuse, il se mit à chougnasser, comme s’il allait clamser, beuglant de sa voix de soprano.
Blanche Neige, alertée par les cris, pédala près de lui et au premier coup d’œil fut rassurée.
- Arrête de brailler, c’est juste une écorchure ! Assieds-toi sur cette souche, je vais te rafistoler la manivelle.
Elle sortit de son sac Vuitton la trousse de première urgence. Elle le badigeonna de mercurochrome et, pendant qu’elle lui chiadait un pansement, elle dit :

Farinelli- Mazette ! T’as la bath voix de levrette d’un castrat. Pour ta gouverne, j’ai des aminches à l’Opéra de Naples. Si ça te branche, ils te mettront en cheville avec Carlo Broschi le grand Farinelli.

Esgourdant le baratin, Marcel s’arrêta de couiner et rétorqua :
- Arrête ton char la mominette, tu me fais rougir ! Ne me prends pas pour une brelle. D’accord, je pousse un peu la chansonnette, mais de là à monter sur les planches et devenir une vedette du show-biz y a de la marge. Tiens, je peux même te rajouter que ma candidature posée l’an passé, n’a même pas été retenue à la Star’Ac !

- S’ils ne t’ont pas pris, c’est qu’ils ne sont que des loquedus ou qu’ils attendaient que tu leur refiles un bakchich. Crois-moi, je ne te bourre pas le mou, et ne te fais pas du cinoche, mais à Naples, avec Broschi, tu vas te faire un max de blé. Les Ritals adorent le bel canto.

Elle lui proposa de faire illico quelques gammes. Il s’exécuta de bonne grâce d’autant que cela lui évitait d’exécuter la môme de mauvaise grâce. Lorsqu’elles eurent ouï le début de la cantate de Nicolas Antonio Porpora « Angelica e Medoro »  qui reprenait l’admirable dialogue entre Angelica et le prince africain Medoro, toutes les bestioles de la campagne environnante se tournèrent vers le chanteur. L’agnelet et le loup quittèrent le bord de la rivière, le lièvre et la tortoche stoppèrent leur compétition, les oiseaux coupèrent leur sifflette et tout ce petit monde animal, rejoint par par un jeune faon et ses amis (un joyeux lapin, les deux sœurs mouffettes et une chouette) s’accroupetonnèrent en cercle pour jouir du spectacle musical. Le lapin battait la mesure de sa patte arrière sur la carapace de la tortue et à la fin, tous applaudirent sifflèrent, hululèrent, ou bien réèrent. Le Garde-chasse tout jouasse en avait la larmichette aux carreaux. Il décida de renvoyer l’ascenseur pour avoir reçu témoignage d’autant d’amitié et de confiance. Il  se vautra aux panards de Blanche Neige et dégoisa tout ce qu’il avait en travers de l’estogome.
Casse-toi le plus loin possible, ma princesse. L’enviandée de reine veut ta peau. Elle est jalmince de ta beauté et de ta fraîcheur persavon. Elle m’a ordonné de te trancher le corgnolon et de ralléger avec ton cœur encore tout chaud. C’est y pas Dieu posse d’être aussi vacharde !

Horrifiées par ce récit, les bestioles se cocoonèrent l’une contre l’autre avec des murmures de réprobation. Par contre, la princesse avait encaissé sans broncher car elle pratiquait le taïchi ce qui lui conférait une bonne maîtrise de soi. Elle réfléchissait à tout berzingue pour contrer les funestes projets de sa belle doche.

Profitons de ce moment d’intense réflexion pour rappeler à ceusses qui n’auraient pas été élevés aux contes de fées, comme on élève les niards belges avec des biberons de jus de frites, que lorsque la maternelle de Blanche Neige avait ravalé son pébroque, il y avait eu patacaisse au royaume. Le protocole exigeait que le roi se remarie avec une cousine du côté de la lignée de la défunte. Celui-ci, anéanti par son chagrin, se laissa mettre le grappin dessus par la marâtre qui était une vraie punaise dévorée par l’ambition et qui avait ourdi le projet de régner sans partage. C’est ainsi qu’elle lui concocta une omelette aux champignons avec quelques amanites phalloïdes et cortinaires des montagnes qui le lessiva en moins de deux. Résultat des courses, la Reine Mère devint aussi sec, régente du royaume. L’affront que venait de lui faire subir l les révélations de Gaston, locataire de son miroir, précipita alors sa décision d’éliminer sa belle-fille. Mais poursuivons notre feuilleton.

- Bon sang, mais c’est bien sûr dit Blanche Neige ! Je me souviens d’un incident qui a eu lieu sur le chemin avant que nous n’atteignons l’aire de pique-nique. Sans vouloir te vexer, tu es un peu ‘’enveloppé’’ comme Obélix, et lorsque nous arrivâmes à l’orée de la forêt, un vieux sanglier, un solitaire un brin miro vu son grand âge, t’a confondu avec le copain d’Astérix. Pris de frayeur, il en a avalé sa chique, s’écrabouillant dans le fossé, d’un infarctus du myocarde. Je crois que nous avons là le moyen de gagner du temps ! Qu’en penses-tu ?

- C’est parfait, sourit Marcel, je vais faire le nécessaire pour berlurer la peau de vache et avant qu’elle ne pige, ça te laissera du mou pour te dégoter une planque. A plus, ma princesse ! Permets que je te tape la bise !

Ils se quittèrent ainsi, et Marcel en repassant par le ruban qui s’enquillait jusqu’au château retrouva la bestiole dont il préleva les abats qu’il mit dans le panier que lui avait laissé son amie. C’est ainsi qu’il remit le cœur, le foie, la rate et les poumons du sanglier à la reine, laquelle toute joyce, s’empressa de les ranger dans son frigo. Sans plus attendre, Marcel décarra à la gare la plus proche. C’était son jour de baraka car il n’y avait pas de grève ni l’une des trois situations perturbées, classiques et non moins habituelles annoncées sur les quais par le truchement d’un haut-parleur et par la voix sirupeuse de la jojolle de service et que connaissent tous les usagers abonnés à la SNCF. J’explique :
Nous avons tout d’abord le « problème de matériel » ; en clair cela signifie que la motrice est tombée en rade ; elle a coulé une bielle et le chauffeur-mécanicien est en train de réparer avec sa clé à molette.
Plus prosaïquement vient ensuite le « problème de composition de la rame » ; autrement dit, ils se sont mélangé les crayons dans l’agencement du convoi et ils ont paumé les wagons.
Tout aussi croquignolet, l’annonce fait état d’un « problème d’acheminement du personnel » ; c’est le plus consternant car ce jour-là, ton train annoncé, est arrivé bien à l’heure. Tu es monté dans le wagon, et, peinard sur ton siège, tu viens de zieuter le contrôleur qui descend sur le quai et se barre car sa feuille de route le contraint à changer de convoi. Très rapidement tu vas apprendre que son remplaçant est planté dans une des lignes qui justement rencontre les difficultés 1 et/ou 2. Il arrive parfois que les soucis se cumulent, mais là c’est que tu as vraiment la cerise.

Bref, tout baigne pour notre ami lorsqu'il se pointe au guichet où il  douille un ticson aller sans retour pour l’Italie.
Il s’agit de planquer ses meules avant que la viocarde ne pige qu’elle s’est faite entubée dans les grandes largeurs, se dit-il. 

Voilà notre héroïne (pas la drogue qui est blanche comme neige mais notre princesse qui est aussi Blanche-Neige… étonnant non, cette similitude !) qui se retrouve seule face à son destin, Si, Si, puisque je vous le dit !
Va-t-elle s’en sortir sans casse ?

Fin de l’épisode… à suivre ...

Réponse A – Elle ne va pas faire 100m que les argousins à la solde de la reine la capturent. 
Réponse B - Elle va rencontrer Robin des Bois qui va tomber amoureux ; il va divorcer de Marianne et l’épouser. 
Réponse C - Perdue dans la forêt, elle croise le loup qui la prend pour le petit chaperon rouge (il avait perdu ses lunettes) Elle le dirige vers Alf le Loup l’opticien fou.
Réponse D – Après une nuit noire mais en partie blanche pour elle, elle tombe d’épuisement  et le lendemain, requinquée, aperçoit une chaumière.

Nota benêt : dans le vrai conte et pour les puristes, c'est vrai que le chasseur prend le coeur d'une biche et pas celui d'un solitaire, un vieux sanglier. Mais je tiens à ne pas heurter la sensibilité de mes lecteurs,lectrices ; et surtout j'aime les biches, c'est mon côté Louis de Funès.

Glossaire :
Brandillon, aileron, manivelle  - de nombreuses images désignent le bras.
S’accroupetonnèrents’accroupirent (Dictionnaire de San-Antonio).
Patacaissepataquès (Dictionnaire de San-Antonio).  
Jojolle de service -
terme gentiment moqueur des pin-up de service ; dans beaucoup d’émissions à la téloche et notamment celles des jeux, il y a de jolies filles « court vêtues » qui servent de faire valoir et que le milieu des affranchis appelle des jojolles ; par extension dans les services publics les messages sont diffusés par des voix préenregistrées douces, calmes, voire un peu monocordes et sirupeuses et qui rappellent ces jojolles. 
Ru
ban : chemin sinueux de campagne.

Commentaires

  • Fabulgone
    • 1. Fabulgone Le 11/04/2016
    Je vais tacher moyen comme dans les autrefois où jusqu'en 2008 j'envoyais une histoire ou un épisode de mes facéties chaque début de semaine à mes collègues, mes proches et mes amis. Je me dois de traiter ici chaque lecteur comme un ami. La porte de ce site reste ouverte.
  • Jean michel wydasz
    • 2. Jean michel wydasz Le 11/04/2016
    bonjour,
    Pour la première fois, je lis
    Intéressant, amusant, je trouve
    Pour quand la suite ???

    Ton cousin Parigot Jean-Michel
  • Murielle Moraze
    • 3. Murielle Moraze Le 11/04/2016
    J'adore Ce nouveau feuilleton !! A quand la suite ?