épisode 9 le bac

La traversée en bac à traille

En ces temps reculés de la préhistoire, la vie était rude.

Le lendemain matin, l’enfant les guida vers le fleuve, et lorsque Bic l’aperçut du haut d’une butte, il mesura les difficultés qui les attendaient. D’aussi loin qu’il put en juger, le fleuve au plus étroit de son lit mesurait encore au moins quarante pas de large et sa profondeur était grande comme en témoignait le bleu sombre de son eau.
Par chance les rives étaient bordées d’arbres dont certains étaient en partie immergés, sans doute du fait de la récente fonte des neiges. Arrivés près de la rive, Bic s’assura de la solidité des lianes qu’il arracha de quelques arbres et il les lia bout à bout jusqu’à ce que la longueur soit supérieure à la largeur du fleuve.

Il en attacha une extrémité à un arbre à hauteur de ses yeux. Il enfonça une branche très près du bord à laquelle il fixa un grand tronc pouvant supporter son poids et qu’il laissa flotter dans l’eau. Il avait souvent observé que les palmipèdes utilisaient leurs pattes arrière pour se diriger en tout sens, même à contre courant. Il tailla donc dans une écorce épaisse la forme de deux grandes pattes de canard qu’il attacha à ses poignets. Il confia son couteau à l’enfant. Il lui demanda de couper l’amarre du tronc d’arbre dès qu’il serait allongé dessus après avoir attaché l’autre extrémité de la liane à sa taille.

Ce fut fait. Le tronc partit à vive allure vers le sud ouest dans le sens du courant. Bic tenait fermement dans chaque main une des pattes de canard  improvisées. Il redressa la course du tronc d’arbre en synchronisant ses mouvements et parvint enfin à remonter en diagonale le courant. Il accostât sur l’autre rive épuisé, mais ravi d’avoir réussi. Il n’était qu’à quelques pas de l’arbre directement en face de l’endroit où l’attendaient confiants, l’enfant et le chien. L’assemblage de lianes avait résisté.

Il tendit donc le filin en l’attachant à l'arbre de sorte qu’il soit bien horizontal. Il confectionna avec des branchages une sorte de nacelle, suffisamment grande pour les contenir tous les trois et ne pas s’enfoncer sous leur poids. Il fixa la nacelle sur trois gros troncs placés en parallèle et positionnés dans le sens des deux rives. Avec deux lianes qu’il entrecroisa en diagonales, il les passa par-dessus le filin. Il positionna l’embarcation de manière à ce qu’elle soit stable. Il la poussa alors dans le fleuve. Elle tenait bon sans se retourner. Il attacha une nouvelle liane longue comme la largeur du fleuve à l’arbre et à l’arrière de la nacelle et il put se rendre sur la rive opposée sans grandes difficultés s’aidant de ses mains le long du filin tendu.

Daril se jeta dans ses bras. " J’ai eu peur pour toi, dit-il, mais tu es aussi fort que mon père ". En prononçant ce mot son sourire s’effaça, une larme coula le long de sa joue. Le sourire revint bien vite éclairer son visage car Bic savait trouver les mots qui réconfortent.                                                               Cliquez sur l'image
Bac à traille vestige
Tu es un petit garçon très courageux et je suis sûr qu’avec Biscotte tu aurais trouvé le moyen de m’aider à ton tour si j’avais été en difficultés. Nous formons une bonne équipe et je serai fier de Toi quand tu retrouveras tes parents. Allez ! ? bord moussaillon ! " Ils s’installèrent dans la nacelle, le chien sans aucune crainte était couché au fond et le petit garçon assis à ses cotés riait de bon cœur, car c’était pour lui comme un jeu.
Bic hala l’embarcation en se servant de la liane qu’il avait placée à l’arrière de la nacelle. La traversée se passa sans encombre. Quand tout le monde fut descendu, il rangea la nacelle bien à l’abri dans un fourré. " Je dois penser à mon retour ! " se disait-il. La petite équipe partit joyeusement en s’éloignant du cours du fleuve dans la direction que lui indiquait Daril.

Bic venait de découvrir la pagaie, et de construire le premier bac à traille.
Une petite idée pour l'homme, un grand pas pour l'humanité.

Exemple : le bac à traille à Vernaison conçu au XIXe siècle. D'autres systèmes moins élaborés permettaient dès le XIIe siècle de traverser les fleuves en l'absence de ponts.

Au passage le plus adapté, un câble appelé traille fut tendu en travers du fleuve, maintenu à une bonne hauteur au dessus de l'eau par des pylônes en pierre, établis sur chaque rive, appelés cabres. Le bateau servant à la traversée était lui-même relié par un autre câble appelé traillon ainsi qu’à un système de poulie pouvant se déplacer sur la traille.

Ce bateau à fond plat autorisait le transport des piétons, des cavaliers et même, à partir d'une certaine époque, des véhicules à roues.

17 juillet 2020