Ch5 - Laine et eau
4 - Alice achète un œuf
Les joues toutes rouges, les cheveux et les mains dégouttant d’eau, elle se rassit pour arranger les trésors qu’elle avait cueillis. Mais les joncs coupés ne durent que très peu de temps, ils se fanent aussi vite que la neige fond au soleil.
La barque n’était pas allée bien loin quand la pale d’une rame se figea dans l’eau et sa poignée frappa la fillette sous le menton.
Elle poussa de petits cris et s’affala sur le tas de joncs sans se faire mal et elle se releva très vite, tandis que Brebis continuait de tricoter comme si rien ne s’était passé en disant :
« Tu avais attrapé un joli crabe tout à l’heure ! »
« Vraiment ? Je ne l’ai pas vu » répondit la gamine qui ne savait toujours pas que cette expression signifiait qu’elle avait laissé la rame trop enfoncée dans l’eau. Brebis se contenta de rire avec mépris en continuant son tricot.
« Voyons, que veux-tu acheter ? » demanda-t-elle. Alice, surprise et un peu effrayée constata que les rames, la barque et la rivière avait disparu et qu’elle se trouvait à nouveau dans la petite boutique sombre.
« S’il vous plait, je voudrais bien acheter un œuf ! Combien les vendez-vous ? »
« Dix sous pièce et quatre sous les deux. »
« Donc deux œufs valent moins qu’un seul » s’étonna Alice en prenant son porte-monnaie.
« Oui, mais si tu en achètes deux il te faudra les manger tous les deux » précisa Brebis.
« Alors je n’en prendrai qu’un ! » dit la gamine en posant l’argent sur le comptoir. Brebis rangea les dix sous dans une boite et lui dit de prendre l’œuf qu’elle avait posé sur un rayon au fond de la pièce. Au fur et à mesure qu’elle s’en approchait, l’œuf semblait s’éloigner.
Le plus curieux c’est que la boutique semblait s’évanouir peu à peu. Elle se transformait et tous les meubles, les rayons et les objets se transformaient en arbre lorsqu’elle arrivait à leur hauteur. Alice se disait que l’œuf allait surement devenir un arbre et elle se retrouva au milieu d’un petit bois où coulait la rivière.
Habituée à toutes les étrangetés et nullement effrayée, la fillette déclara :
« C’est vraiment la boutique la plus extraordinaire que j’ai jamais vu de ma vie ! »
Fin de l’épisode, à suivre…
04 mai 2022
3 - Brebis tricote dans son magasin
Affublée de grosses lunettes, Brebis zieutait Alice et lui demanda : « Que désires-tu acheter ? »
Alice répondit très doucement : « J’aimerai bien d’abord regarder autour de moi. »
Brebis précisa que pour voir autour de soi, il faut avoir aussi des yeux derrière la tête. La fillette n’en avait pas et se contenta de faire demi-tour pour examiner ce qu’il y avait sur les rayons où il semblait que ce soit toutes sortes de choses curieuses ; de plus dès qu’elle en fixait un, il se vidait rapidement et même un objet traversa le plafond le plus aisément du monde comme si c’était naturel.
« Es-tu une enfant ou un toton (petite toupie), tu me donnes le vertige », lui dit Brebis qui à présent tricotait avec quatorze paires d’aiguilles.
« Elle va ressembler à un porc-épic », pensa la gamine stupéfaite.
« Sais-tu ramer ? » demanda Brebis en lui tendant une paire d’aiguilles qui instantanément se transformèrent en rames et aussitôt, toutes deux se retrouvèrent dans une petite barque qui glissait entre deux rives.
« Plume ! cria Brebis. Tu ne vas pas tarder à attraper un crabe. Plume ! Plume ! » En fait, Brebis utilisait des expressions de rameur (dans le langage anglais) et qui signifiaient qu’il faut ramer sans enfoncer la rame dans l’eau, mais en la faisant effleurer l’onde. Bien sûr, Alice l’ignorait et rétorqua qu’elle n’était pas un oiseau. Mais Brebis lui rebriqua en ricanant :
« Si fait, tu es une petite oie. » Ceci blessa la mominette qui se renfrogna et cessa la conversation. Elle aperçut des joncs fleuris et souhaita qu’on arrête la barque pour les cueillir.
« Il te suffit de ne plus ramer et le bateau s’arrêtera de lui-même », proposa Brebis et effectivement l’embarcation glissa tout doucement jusqu’au milieu des joncs. Alice roula ses petites manches vers le haut et ses petits bras plongèrent dans l’eau jusqu’aux coudes pour briser les tiges. Pendant un bon moment, Alice oublia Brebis et son tricot et ses yeux brillaient de convoitise lorsqu’elle cueillait à poignées les adorables joncs fleuris. Elle espérait simplement que la barque ne chavire pas. Ce qui était bizarre, c’est qu’il y avait toujours un jonc plus beau que les autres et qu’elle ne pouvait pas atteindre.
« Les plus jolis sont toujours trop loin de moi ! » finit-elle par dire avec un soupir de regret, en voyant que les plus beaux s’entêtaient à pousser si loin.
Fin de l’épisode, à suivre…
26 avril 2022
2 - La Reine retour vers le futur - Messager prisonnier
La Reine dit à Alice qu’elle se rappelait de ce qui se passera dans quinze jours en collant un bout de taffetas anglais sur son doigt avec un ruban.
Cliquez sur l'image, Le Messager est le Chapelier fou
« Dans quinze jours le Messager du Roi se trouve en prison et son procès aura lieu mercredi prochain. Il commettra ensuite son crime. »
« Et s’il ne le commettait jamais ? » demanda Alice.
« Alors tout serait pour le mieux ! » répondit la Reine.
« Ce ne sera pas juste qu’il soit puni. Moi j’ai été punie, mais uniquement pour des fautes que j’avais commises ! »
« Et tu ne t’en trouvais que mieux, affirma la Reine d’un ton de triomphe, et si tu ne les avais pas faites, c’aurait été encore bien mieux, bien mieux ! » rajouta-t-elle avant de pousser un cri perçant et secouant sa main, disant que son doigt saigne car elle va bientôt se le piquer en refixant son châle.
Effectivement, la broche s’ouvrit brusquement, tomba et la Reine la ramassant se piqua le doigt rajoutant en souriant que cela explique pourquoi elle saignait tout à l’heure. Alice lui demandant pourquoi elle ne criait pas, la Reine répondit qu’elle avait déjà poussé tous les cris qu’il fallait et c’était inutile de recommencer.
« Je suppose que le corbeau a dû s’envoler et suis si contente qu’il soit parti » dit radieuse, Alice.
«Tu dois être très heureuse d’être dans ce bois et d’être contente chaque fois que ça te plait ! » affirma la Reine, ce qui raviva la mélancolie d’Alice se sentant seule et elle se mit à pleurer.
« Arrête, s’écria la Reine, pense que tu es une grande fille, au chemin que tu as parcouru jusqu’à présent, à n’importe quoi, car vois-tu rajouta-t-elle d’un ton péremptoire, personne ne peut faire deux choses à la fois. Et d’abord, pensons à ton âge, quel âge as-tu ? »
« J’ai sept ans et demi ! »
« Et moi cent un ans, cinq mois et un jour. »
« Je ne peux pas croire cela ! s’exclama la gamine, on ne peut pas croire aux choses impossibles. »
« Je suppose que tu manques d’entraînement dit la souveraine, il m’est arrivé de croire jusqu’à six choses impossibles. » Sa broche s’ouvrit à nouveau et son châle s’envola d’un coup de vent de l’autre côté d’un petit ruisseau où elle le rattrapa cette fois. Alice traversa le ruisseau pour la rejoindre.
« C’est beaucoup mieux, ma belle cria la Reine, beaucoup mieux ma Bê-êlle ! bê-ê-êlle ! bêé-ê-êh !
C’était un long bêlement et Alice comme dans un fondu enchaîné, se frotta les yeux sans comprendre ce qui arrivait. Elle se retrouvait dans une boutique avec une Brebis assise derrière le comptoir qui tricotait installée dans un fauteuil.
Fin de l’épisode… à suivre !
16 avril 2022
1 - Alice rencontre la Reine blanche
Alice attrapa le châle et chercha du regard son propriétaire. Un instant plus tard, la Reine Blanche arriva, courant comme une folle. Alice très poliment alla à sa rencontre et l'aida à remettre son châle, tandis qu'effrayée, la Reine murmurait :
« Tartine de beurre, tartine de beurre... »
Alice lui parla timidement : « Votre Majesté voudra-t-elle supporter mon babillage ? »
« Je n'ai pas besoin de ton habillage. »
Alice remarqua que la Reine était bien mal fagotée et bardée d'épingles sur un côté. Elle lui arrangea doucement son châle et lui dit :
« Seigneur ! dans quel état sont vos cheveux ! »
« La brosse s'est emmêlée dedans et j'ai perdu hier mon peigne » soupira la Reine.
Alice dégagea avec précaution la brosse et fit de son mieux pour lui arranger les cheveux. Après l'avoir habillée correctement elle lui suggéra qu'elle devrait prendre une femme de chambre.
« Je te prendrais certainement avec le plus grand plaisir, déclara la Reine, cinq sous par jour et de la confiture tous les deux jours. »
Alice rit et répondit : « Je ne pense pas entrer à votre service et je n'aime pas beaucoup la confiture. »
« C'est de la très bonne confiture, affirma la Reine, mais tu n'en aurais pas, même si tu en voulais car la règle est : confiture demain et confiture hier, mais jamais confiture aujourd'hui.»
« Ça doit pourtant bien arriver une "confiture aujourd'hui" ! »
« Non, jamais, c'est confiture tous les deux jours. »
Alice : « Je ne comprends pas ; tout ceci est trop compliqué et ça m'embrouille les idées ! »
« C'est toujours ainsi lorsqu'on vit à reculons » répondit la Reine d'un ton bienveillant.
Stupéfaite, Alice affirma ne pas croire qu'on puisse vivre à reculons.
« L'avantage, reprit la Reine, c'est qu'ainsi la mémoire opère dans les deux sens. »
« Je suis certaine que ma mémoire à moi n'opère que dans un seul sens. Je suis incapable de me rappeler les choses avant qu'elles ne se produisent. »
« Une mémoire qui n'opère que dans le passé n'a rien de bien fameux » objecta la Reine.
« Et vous, quelles choses vous rappelez-vous le mieux ? » osa demander Alice.
Fin de l'épisode... à suivre !
08 avril 2022
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