Ch 10 un repas déjanté
2 - Le chahut orchestré
« À la santé de la Reine Alice ! » hurla la Reine Rouge. Tous les invités obtempérèrent d’une façon bizarre.
Certains posèrent leur verre renversé sur leur tête en avalant tout ce qui dégoulinait sur leur visage. D’autres renversèrent les carafes et burent le vin qui coulait des bords de la table. Il y en eût trois d’entre eux qui ressemblaient à des kangourous et qui grimpèrent dans le plat du gigot pour y laper la sauce.
« Comme des cochons dans une auge ! » pensa Alice. La Reine Rouge fronça les sourcils et demanda à Alice de remercier l’assemblée par un discours bien tourné.
« Je me lève pour remercier… » commença celle-ci avant que la Reine Blanche ne se mit à hurler :
« Prends garde à toi, il va se passer quelque chose ! »
Effectivement, toutes sortes de choses se passèrent à la fois. Les bougies montèrent jusqu’au plafond, elles se transformaient en joncs surmontés d’un feu d’artifice. Les bouteilles s’emparèrent chacune d’une paire d’assiettes qu’elle s’ajustèrent en manière d’ailes, puis de fourchettes en guise de pattes et elles se mirent à voleter dans tous les sens.
Alice entendit alors un rire rauque à côté d’elle ; elle se retourna en croyant qu’il s’agissait de la Reine Blanche, mais il s’agissait du gigot qui se trouvait sur la chaise. Elle aperçut la Reine Blanche qui lui souriait en se trouvant au bord de la soupière, et qui disparut dans la soupe. Plusieurs des invités gisaient dans les plats. La louche marchait sur la table en direction de la fillette en lui faisant signe de s’écarter de son chemin.
« Je ne peux plus supporter ça ! » s’écria Alice en saisissant la nappe à deux mains. Elle tira un bon coup et assiettes, plats, invités, bougies s’écroulèrent avec fracas sur le plancher. Ensuite, elle se retourna furieuse vers la Reine Rouge qui, pour elle, était la cause de tout ce tintouin, ce chahut orchestré, bruyant et insupportable. Mais…
Fin de l’épisode, à suivre…
20 septembre 2022
1 - Les victuailles parlent !
Alice entra dans la grande salle à manger. Il y avait d’étranges invités : des animaux, des oiseaux et des fleurs. Trois chaises étaient en bout de table et elle se retrouva assise entre les Reines Rouge et Blanche. La Reine Rouge prit la parole :
« Tu as manqué la soupe et le poisson. Qu’on serve le gigot ! » Les domestiques placèrent le gigot de mouton devant Alice avec une fourchette et un couteau à découper.
« Permets-moi de te présenter ce gigot, dit la Reine Rouge : Alice… Mouton, Mouton… Alice. » Le gigot se leva dans le plat et s’inclina devant Alice qui lui rendit son salut en se demandant si elle devait rire ou avoir peur. Prenant les ustensiles en mains, elle demanda aux deux Reines :
« Puis-je vous en donner une tranche ? » « Certainement pas, répondit la Reine Rouge, il est contraire à l’étiquette de découper quelqu’un à qui l’on a été présenté. » Et elle demanda aux domestiques d’enlever le gigot qu’elle fit remplacer par un énorme plum-pudding.
« Je ne veux pas être présentée au pudding », dit Alice. Mais la Reine fit les présentations et s’en attendre de réponse, elle fit enlever le pudding. La gamine tenta une expérience et s’écria :
« Qu’on rapporte le pudding ! » et celui-ci réapparut devant elle. Elle en découpa un morceau qu’elle tendit à la Reine Rouge.
« Quelle impertinence, dit le pudding, que dirais-tu si je découpais une tranche de toi, espèce de créature ! » La fillette en resta bouche bée, un peu effrayée, tandis que le pudding disparut.
« Te voilà bien silencieuse, murmura la Reine Rouge, n’as-tu rien à dire ? » Alice changea de sujet en déclarant :
« Depuis que je suis ici, on m’a récité de nombreuses poésies où il était question de poissons. Savez-vous pourquoi on aime tant le poisson dans ce pays ? » La Reine Blanche eut un rire ravi et tapota la joue de la gamine, en déclarant qu’elle pouvait répondre sous la forme d’une devinette versifiée.
« Je vous en prie ! », dit Alice très poliment. La Reine Blanche commença :
« D’abord faut prendre le poisson.
C’est facile : un enfant je crois, pourrait le prendre.
Puis, faut l’acheter, mon garçon.
C’est facile : à deux sous on voudra me le vendre.
Cuisez le poisson à présent !
C’est facile : il cuira en moins d’une minute.
Mettez-le dans un plat d’argent !
C’est facile, ma foi : j’y arrive sans lutte.
Que le plat me soit apporté !
C’est facile de mettre le plat sur la table.
Que le couvercle soit ôté !
Ah ! c’est trop dur et j’en suis incapable !
Car le poisson le tient collé,
Le tient collé au plat, la chose paraît nette :
Lequel des deux est plus aisé :
Découvrir le poisson ou bien la devinette ? »
« Réfléchit une minute et puis devine, dit la Reine Rouge. En attendant… »
Fin de l’épisode, à suivre…
12 septembre 2022
Ajouter un commentaire